Au pays de l’aigle noir

Si les résidences d’ambassadeurs impressionnent par le faste et le luxe qui émanent des lieux, celle de Gregor Schusterschitz, ambassadeur d’Autriche au Luxembourg, est également peuplée de photos de famille et de décorations de Noël qui donnent une touche de chaleur et de convivialité à la demeure. Avec élégance et calme, le diplomate revient avec nous sur son parcours et sur l’actualité politique de son pays.
 
Ambassadeur en puissance…
Rêvant de flots tumultueux, emportant les navires de guerre dont les équipages s’affairaient à l’armement des canons en vue de grandes batailles, le jeune Gregor, huit ans, était un passionné d’Histoire et de politique. Les récits d’Inde et d’Ecosse de son grand-oncle diplomate, sont venus alimenter ses rêveries et dès son plus jeune âge, il savait qu’il deviendrait ambassadeur. Son père, concessionnaire automobile, qui le destinait au départ à la reprise de l’affaire familiale, l’a pourtant pleinement soutenu et souriait à l’idée que son fils emprunte le même chemin que le reste de sa famille en embrassant la fonction publique, dont il s’était lui-même éloigné bien des années auparavant.
Après avoir effectué son service militaire, le jeune homme se lance dans un projet ambitieux, celui de décrocher deux masters, un premier en droit et un second en sciences-politiques et Histoire, projet qu’il accomplira avec brio. Il profite de ses études pour passer deux semestres dans d’autres universités. Si sa première expérience à Linz lui a surtout permis de vivre avec ses grands-parents dont il était très proche, la seconde l’a emmené vers Washington et lui a donné la chance de côtoyer le style politique américain et de se conforter dans ses choix: la vie à l’étranger l’a immédiatement séduit.
 
… et en acte!
Homme de constance, Gregor Schusterschitz a tenu toutes les promesses muettes qu’il s’était adressées, enfant. S’adonnant régulièrement à la voile, il laisse le vent l’emporter là où les songes de l’enfance l’emmenaient autrefois et voyage à travers le monde grâce au métier d’ambassadeur qu’il s’est donné les moyens d’obtenir. «J’essaie toujours de mêler ma passion pour l’Histoire et mon métier en mettant en valeur les connexions historiques entre nos deux pays lors des événements culturels que nous organisons», nous explique l’ambassadeur.
«Le Luxembourg est un poste très attractif pour un ambassadeur autrichien. L’Autriche y joue un rôle important et trois fois par an, les ministres viennent en ville pour participer aux conseils de l’UE, ce qui nous permet d’entretenir des relations étroites avec eux», détaille le diplomate.
 
Une nouvelle alliance gouvernementale
L’alliance des sociaux-démocrates et de l’ÖVP n’a pas tenu le choc des dernières élections autrichiennes. Suite à la victoire du jeune Sebastian Kurz et de son parti, l’ÖVP, c’est une alliance avec l’extrême droite, le FPÖ, qui semble maintenant poindre à l’horizon. La gestion de la crise migratoire par celui qui est en passe de devenir le plus jeune dirigeant européen semblerait avoir séduit l’électorat: «Avec la crise migratoire de 2015, beaucoup de réfugiés sont entrés en Europe sans véritable contrôle. Or la population autrichienne souhaite procéder à un accueil plus régulé des réfugiés, c’est ce que Sebastian Kurz a eu le courage de proposer. Il n’a pas peur de prendre des décisions qui pourraient le rendre impopulaire pour peu qu’elles servent les intérêts du pays», analyse Gregor Schusterschitz.
Mais l’accès au pouvoir de Sebastian Kurz inquiète moins les dirigeants européens que son alliance potentielle avec un parti d’extrême-droite, surtout à la veille de la présidence autrichienne de l’Union européenne. Pourtant le diplomate semble confiant à se sujet et se veut rassurant: «Au cours des années 2000 à 2007, la même coalition avait accédé au pouvoir et en 2006, l’Autriche avait également présidé l’UE et cela avait été un succès». Selon lui, le FPÖ aurait chassé ses vieux démons: «Les dernières indemnisations des victimes de l’ancien régime nazi ont eu lieu en l’an 2000, sous le gouvernement en coalition avec le FPÖ. Le parti a évolué ces dernières années et je pense qu’il n’y a donc aucune raison d’en avoir peur».
 
Un avenir européen
En tant que délégué autrichien au groupe de travail du Conseil de l’UE concernant le Brexit, l’ambassadeur comprend pleinement le rôle crucial que jouera l’Autriche pendant sa présidence en 2018: «Nous devons impérativement trouver un accord pour mars 2019, le traité est très clair à ce sujet. Si la question du prix de cette rupture reste la pierre d’achoppement majeure des négociations, il nous faudra aussi régler des questions extrêmement sensibles comme les relations futures entre l’Irlande et le Royaume-Uni, une fois le Brexit exécuté».
Gregor Schusterschitz considère que ces négociations se font avec la Grande-Bretagne et non contre elle et souhaite trouver un compromis pouvant satisfaire les deux parties. Il se tourne d’ailleurs déjà vers l’avenir: «Après les négociations du Brexit, il nous faudra définir les termes de notre future collaboration et la tâche s’annonce encore plus compliquée puisqu’il nous faudra alors l’accord de tous les gouvernements nationaux d’Europe. Une chose est certaine, nous souhaitons maintenir des relations très étroites avec le Royaume-Uni après leur départ».
 
Martina Cappuccio

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