Des retombées économiques positives et durables
Le Plan d’action national en matière d’énergies renouvelables, présenté en juillet dernier, vise à atteindre une part de 11% d’énergies renouvelables dans l’approvisionnement énergétique à l’horizon 2020, ce qui représente un véritable défi pour un pays qui a un potentiel réduit en la matière. Interview de Jeannot Krecké, ministre de l’Economie et du Commerce extérieur.
Le Luxembourg compte parmi les pays européens où la part d’énergies renouvelables utilisée est la plus faible: 2,1% contre une moyenne européenne de 10,3% en 2008. Comment s’explique cet état de fait?
En 2007, j’ai présenté, ensemble avec le ministre de l’Environnement, une étude de potentiel, appelée LUXRES, sur les sources d’énergies renouvelables au Luxembourg avec le but de redéfinir le cadre pour la promotion des énergies renouvelables sur notre territoire. Cette étude, menée par des experts indépendants, montre que le potentiel maximal réalisable est inférieur à 4% d’énergies renouvelables sur l’ensemble de notre consommation énergétique à l’horizon 2020. La biomasse solide et le biogaz représentent les plus grands potentiels. Il existe donc du potentiel à Luxembourg, mais il est très réduit par rapport à la consommation énergétique nationale. Dans d’autres pays, cette situation est différente: certains pays européens ont un potentiel d’énergies renouvelables proche des 50%.
Comment atteindre l’objectif ambitieux fixé par le Plan d’action national en matière d’énergies renouvelables? Des mesures concrètes ont-elles été définies?
Le Plan d’action national en matière d’énergies renouvelables s’inscrit dans le contexte de la mise en œuvre de la directive européenne du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Celle-ci prévoit pour le Luxembourg un objectif global de 11% d’énergies renouvelables de sa consommation finale d’énergie en 2020. Cet objectif doit être atteint par le développement d’énergies renouvelables sur le territoire national (environ 4%), par le mélange de biocarburants dans les carburants mis à la consommation au niveau national (environ 5%) et par le recours à des mécanismes de coopération avec d’autres Etats membres de l’Union européenne (environ 2%). En ce qui concerne le développement sur le territoire national, il faudrait multiplier par cinq la production d’électricité renouvelable par rapport à l’année 2005 pour atteindre l’objectif fixé de 4%. C’est un défi énorme pour le Luxembourg, et le plan d’action reprend un bon nombre de mesures, notamment le développement d’installations de biogaz, de copeaux et de pellets de bois, d’éoliennes, de panneaux solaires photovoltaïques et thermiques, pour réaliser cet objectif ambitieux.
Le fait que 5% de la consommation totale de carburant soit couverte par des biocarburants est controversé, entre autres par Greenpeace Luxembourg, les Verts ou le Parlement européen, qui craignent que la production de biocarburants soit, à terme, plus nuisible pour l’environnement que leur utilisation n’est profitable, l’utilisation des engrais et des pesticides nécessaires à la production de la matière première ne faisant que déplacer la pression de l’air sur le sol. Le recours aux biocarburants se fera-t-il de manière maîtrisée? Quelles sont les alternatives durables aux biocarburants actuellement connus, s’il en existe?
La même directive européenne fixe un objectif contraignant de 10% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports en 2020. Nous sommes donc forcés de réaliser cet objectif, tout comme les autres Etats membres de l’Union européenne. Notre Plan d’action national prévoit entre autres d’y arriver par le recours à la mobilité électrique dans le transport individuel et public, mais la plus grande partie de l’objectif transport devra être réalisée par le recours aux biocarburants. La directive reprend cependant des critères de durabilité pour les biocarburants, concept que j’ai soutenu de façon déterminée dès le début des négociations sur la directive à Bruxelles dont la mise en vigueur au Luxembourg est en cours.
Le Luxembourg, qui ne peut pas remplir ses objectifs avec ses seules ressources, fait partie des cinq états qui devront solliciter des transferts d’énergie. Il est notamment question de créer un réseau d’éoliennes de 6.000 km en Mer du Nord, réseau qui serait commun à neuf pays européens dont le Luxembourg. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
Vu le potentiel réduit du Luxembourg en matière d’énergies renouvelables, nous sommes forcés de coopérer avec d’autres Etats membres pour réaliser ses objectifs. Nous analysons actuellement les différentes possibilités de recours aux mécanismes de coopération. Dans ce cadre, je suis en contact avec des pays avec lesquels nous avons un intérêt à coopérer en la matière. En ce qui concerne le développement d’un réseau d’électricité qui intègre mieux l’énergie produite à partir des éoliennes situées en Mer du Nord dans le système transeuropéen d’électricité, nous participons activement dans les réunions du Forum Pentalatéral de l’énergie, que j’ai initié en 2005 ensemble avec les ministres de l’Allemagne, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas.
Les déchets organiques représentent quelque 88 millions de tonnes de détritus pour les municipalités chaque année en Europe. Leur exploitation ne serait-elle pas une piste qui permettrait de produire de l’énergie localement?
L’étude LUXRES de 2007 a analysé ceci en détail et le plan d’action en matière d’énergies renouvelables prévoit une mobilisation de la biomasse en mettant l’accent sur la biomasse solide sous toutes ses formes. Effectivement, la production d’électricité et/ou de chaleur par le recours au bois est un élément essentiel de notre plan. Nous allons analyser les mécanismes de soutien dans ce sens afin de mieux orienter le soutien financier vers cette forme de production d’énergie locale. Je suis néanmoins d’avis qu’il faudra également développer cette forme d’utilisation d’énergie au niveau industriel afin d’augmenter de façon rapide et substantielle la production d’énergies renouvelables au Luxembourg.
Les mesures dont nous parlions plus haut ont un coût estimé à 830 millions d’euros. Comment seront-elles amorties? Quelles seront les répercussions positives du Plan national sur l’économie luxembourgeoise?
Le Plan a été établi dans le but de combiner autant que possible le développement des énergies renouvelables avec le développement économique. Le facteur coût est certes important, mais le Plan a été conçu de sorte que le développement des énergies renouvelables aura surtout des retombées économiques positives durables pour le Luxembourg. Les stratégies en matière d’énergies renouvelables doivent refléter les objectifs concernant le développement économique soutenable, notamment dans le secteur des écotechnologies.