L’éleveur et la bête
Dans le petit village de Kahler, la ferme familiale Jean-Claude Risch ne passe pas inaperçue. Avec ses 240 hectares de terres et ses 165 vaches, le domaine paraît infini et les bêtes semblent paisibles et heureuses. C’est dans ce cadre idyllique que Jean-Claude Risch, propriétaire de l’exploitation, nous retrace l’historique de la ferme et nous en explique le fonctionnement général.
Pouvez-vous nous décrire votre exploitation?
La ferme existe depuis 1846; lorsque mon père l’a reprise, nous possédions des vaches laitières, et ce, jusqu’en 1976. Il possédait également des vaches allaitantes charolaises croisées blanc-bleu. En 1972, la race limousine a été importée de France et l’année suivante, il s’est lui aussi lancé dans l’élevage de cette race si bien qu’en 1976, nous nous sommes tournés de plus en plus vers celle-ci et nous avons complètement arrêté la production de lait. Nos bêtes sont aujourd’hui inscrites à l’Herd-Book chez Convis, ce qui garantit leur appartenance à la race limousine grâce à un système de pesée et de pointage qui aide à déterminer la morphologie et les aptitudes fonctionnelles des animaux.
Personnellement, j’ai suivi une formation très stricte au lycée agricole de Ciney et j’ai ensuite fini ma formation à Ettelbruck. Aujourd’hui, je travaille avec mon père, même si je fais parfois appel à des saisonniers et à des stagiaires. Le métier est assez imprévisible car il dépend des animaux; je dois gérer les vêlages, nourrir le bétail, procéder au paillage et au contrôle des bêtes. Par contre, nous ne procédons pas à l’abattage dans la ferme, ni à la commercialisation de la viande. Avant de les remettre à l’abattoir, nous fouillons les vaches pour nous assurer qu’elles ne sont pas pleines. Les boucheries du terroir peuvent passer commande et l’abattoir leur livre alors directement la viande. Par ailleurs, nous nous occupons également de vendre la génétique de la race limousine pure avec nos taureaux de reproduction.
Je considère mon métier davantage comme un hobby que comme une occupation professionnelle. La profession a des avantages et des inconvénients, comme toutes les autres, mais mon métier nécessite une véritable vocation.
Quels dispositifs mettez-vous en place pour garantir la qualité de la viande?
En plus de l’élevage, la ferme possède 140 hectares de surface herbagère et 100 hectares de céréales de blé, d’orge et de colza et la plus grande partie de cette production est utilisée pour nourrir le bétail. En effet, bien que nous soyons obligés de nous procurer certains compléments alimentaires, nous essayons d’en acheter le moins possible de pouvoir suivre de près l’alimentation de nos vaches. Nous produisons également notre propre paille.
Dans un souci de qualité, je sélectionne personnellement mes bêtes en fonction de leur caractère. Je ne destine que les génisses qui ont un caractère facile à l’élevage. Les bêtes plus énervées qui pourraient perturber les autres vaches, se blesser ou encore s’enfuir, restent dans le box à boucherie, même si elles ont de bons gènes, afin d’éviter les accidents.
Nous préférons par ailleurs avoir un nombre réduit de bêtes afin de préserver leur bien-être en leur offrant un espace de vie plus étendu. Chaque année nous investissons une partie de notre chiffre d’affaires dans des bâtiments, du terrain ou d’autres structures pour améliorer la qualité de vie de nos animaux. Je pense qu’il ne faut pas toujours viser à avoir plus de terres et de bétail; se concentrer sur le perfectionnement de son élevage est parfois plus productif que d’essayer de l’agrandir et d’étendre la surface de ses terres à tout prix.
Notre viande possède par ailleurs le label «Produit du terroir – Lëtzbuerger Rëndfleesch» remis par la Chambre d’Agriculture. Cela implique que nos bêtes soient nées, élevées et abattues au Luxembourg. De plus, ce label nous impose différentes réglementations comme un nombre limité d’animaux par hectare afin de garantir l’entretien de l’espace naturel. Nous collaborons également avec la Chambre d’Agriculture en vue d’améliorer les critères présents dans le cahier des charges pour ce label.
Quelles sont les difficultés que rencontre le monde de l’agriculture?
A l’heure actuelle, les terres coûtent de plus en plus cher au Luxembourg et il devient difficile d’acheter des hectares supplémentaires pour faire évoluer son exploitation. De plus, le monde agricole souffre parfois d’une réputation défavorable, or, malgré les mauvaises rumeurs qui circulent parfois à notre sujet, l’élevage intensif n’existe pas au Luxembourg. Il existe quelques grandes fermes, mais elles ont toujours une certaine dimension familiale.
De plus, nous devons gérer les aléas du marché et des conditions climatiques. Par exemple, l’année 2016 a été catastrophique dans notre milieu. En effet, le rendement général était très bas et la récolte de céréales a été particulièrement mauvaise. L’humidité était également trop élevée pour garantir une bonne qualité à notre fourrage: les conditions pour les bêtes étaient tellement mauvaises que l’on remarque que leur état de santé et leurs performances ont diminués. Les prix des céréales ont par ailleurs connu une baisse sur le marché, ce qui nous a créé des difficultés financières supplémentaires. Nous pouvons tenter de compenser une mauvaise année par une meilleure, mais il ne faudrait pas que plusieurs années de suite soient infructueuses, sous peine de voir des fermes mettre la clé sous la porte. MC