Exporter en toute sécurité

S’il semble aisé d’exporter ses services et produits dans des pays voisins, la grande exportation et ses incertitudes effraient plus d’une entreprise grand-ducale. Heureusement, le guichet unique du gouvernement destiné aux exportateurs est là pour rassurer, guider, inciter et protéger les sociétés qui désirent se lancer sur le marché mondial. Interview de Simone Joachim, secrétaire générale de l’Office du Ducroire (ODL), l’agence luxembourgeoise à l’exportation. 
 
Quelle est la situation du Luxembourg au regard des exportations à l’étranger?
Notre pays possède une économie très ouverte. Le commerce extérieur est un secteur clé pour les entreprises qui doivent développer leurs activités à l’étranger si elles veulent être compétitives. La grande majorité des exportations au départ du Grand-Duché est envoyée vers d’autres Etats de l’Union européenne, en particulier vers les pays voisins tels l’Allemagne ou la Belgique. Ce marché est généralement couvert par le secteur des assurances privées, ce n’est donc pas une prérogative de l’ODL. L’Office du Ducroire est plutôt tourné vers les pays situés sur d’autres continents, pour une grande part moins développés. Ce sont des lieux où les risques politiques sont plus élevés et où nous pouvons pleinement exercer notre rôle de filet de sécurité pour les entreprises grand-ducales. Actuellement, nos concentrations de risques les plus importantes se situent en Inde, en Russie et en Corée du Sud.
Vous définissez l’ODL comme un filet de sécurité pour les entreprises qui souhaitent exporter. Pouvez-vous expliquer cette comparaison?
Créé en 1961, l’ODL est une institution publique dont l’objectif est de supporter l’économie internationale et les relations financières, dans l’intérêt du Luxembourg. Notre mission première est l’assurance-crédit, c’est-à-dire que nous protégeons les compagnies luxembourgeoises contre le risque de non-paiement de leurs clients situés à l’étranger, surtout dans des pays lointains avec lesquels la communication ou la confiance est parfois plus difficile à établir.
D’une part, nous analysons la fiabilité de ces partenaires étrangers. Grace à notre longue expérience, à nos bases de données et à nos nombreux partenariats, nous dressons le bilan des risques encourus. Sur cette base, nous établissons des limites de crédit. De plus, en cas de non-paiement, nous nous occupons du recouvrement et le cas échéant nous indemnisons les créances ouvertes. D’autre part, nous effectuons une forme de veille en suivant ces clients d’exportateurs luxembourgeois. Si nous sommes alertés que leur comportement évolue négativement, nous réduisons la limite de nos crédits, les suspendons ou même parfois les résilions. Grace à nos analyses et notre surveillance, les entreprises exportatrices sont rassurées et prêtes à se lancer sur des marchés qu’elles n’envisageaient pas de prime abord.
Quelles sont vos autres services?
En 2002, nous avons obtenu une nouvelle mission de la part du gouvernement: l’aide à l’exportation des biens et services. Auparavant, cette tâche était divisée entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Economie… Une situation compliquée qui engendrait des quiproquos réguliers. Les aides furent donc regroupées sous notre responsabilité, et attribuées à un Comité pour la promotion des exportations luxembourgeoises, le COPEL. Il se réunit une fois par mois et a pour objectif d’optimiser ces incitants financiers à l’exportation.
Une aide attribuée à travers le COPEL prend la forme soit d’un remboursement partiel des coûts; soit d’une avance remboursable sous certaines conditions. Son montant peut atteindre 200.000 euros sur trois ans, ce qui la rend très intéressante pour les PME en particulier. Populaires, 670 demandes d’aide ont été introduites en 2015, la plupart concernaient le remboursement de frais de participation à des foires à l’étranger. Par ailleurs, le COPEL contribue aux dépenses en création de matériels promotionnels comme des brochures, des films publicitaires ou encore des vidéos sur internet. Il soutient également la traduction de contenu web quand une société souhaite s’engager sur un nouveau marché. Le support financier à l’exportation peut aussi avoir trait à des études de marché, des brevets ou des certificats nécessaires à l’exportation d’un produit. Le COPEL est également habilité à intervenir pour soutenir une entreprise qui répond à un appel d’offre à l’étranger, ou encore pour aider une compagnie qui ouvre un bureau de représentation dans un pays lointain.
Ce sont nos deux principaux produits. Mais nous faisons également de l’assurance-crédit pour des biens d’équipements ainsi que de l’assurance d’investissements à l’étranger. Les investissements portent soit sur des participations en capital, soit sur des prêts; et nous les couvrons contre les risques politiques (expropriation, guerre, …). Par ailleurs, depuis 2015, nous offrons un produit destiné aux banques: l’ODL participe à l’émission de garanties en faveur du client de l’exportateur luxembourgeois. Dans le futur, nous souhaitons encore élargir notre gamme de produits, en mettant en place diverses autres assurances liées à l’exportation.
 
Un bilan pour vos 55 ans d’existence?
L’ODL a pris une belle ampleur cette dernière décennie. D’année en année, nos produits remportent de plus en plus de succès. En 2015, nous avons payé plus de 12 millions d’euros d’indemnités, et nous savons que ce chiffre sera encore plus élevé pour 2016. Au cours de la même année dans notre rôle d’assureur-crédit public, nous nous sommes engagés à hauteur de plus de 500 millions d’euros dans l’assurance de nouvelles transactions.
Cela prouve que nous jouons un rôle très important auprès des entreprises du pays. Sans notre aide, beaucoup d’entre elles n’envisageraient pas la grande exportation. Notre importance est avérée, notamment en matière de maintien de l’emploi à travers le pays. N’oublions pas que, même si l’économie se porte bien ici, la situation à l’international est peu stable. Les conflits au Moyen-Orient ou les diverses sanctions internationales envers la Russie génèrent une certaine incertitude. Plus proche de nous, la situation économique grecque a fait fuir les assureurs-crédits privés, laissant les compagnies exportatrices sans aucune couverture. Nous avons dû rapidement nous adapter à la situation et prendre le relais afin que ces entreprises conservent leurs relations commerciales… Je suis convaincue que notre présence et notre souplesse sont indispensables aux entreprises exportatrices de ce pays.

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