Le jubilé de l’innovation
Il est 17h00 lorsque la foule se presse dans les couloirs du Luxexpo pour assister à la cérémonie des 175 ans de la Chambre de Commerce. Chefs d’entreprises, dirigeants d’institutions mais aussi tout le gratin politique prennent place dans les 1.800 m2 que compte la salle où sont installés pour l’événement écrans géants, estrades et moquettes. Les trompettes de l’hymne de la maison grand-ducale font lever le parterre d’invités qui accueillent respectueusement le couple héritier, accompagné de la grande duchesse (le Grand-Duc étant aux obsèques de Shimon Peres) et des Premier et Vice-Premier ministres qui s’avancent vers le premier rang.
Chronologie luxembourgeoise
La Chambre de Commerce est créée en 1841, sous le règne de Guillaume II. Deux ans seulement après son indépendance, voilà que Luxembourg doit déjà faire un choix déterminant pour son avenir politique et économique. Comme l’explique au micro du pupitre l’actuel président de la Chambre de Commerce, Michel Wurth, le tout nouveau Grand-Duché devait-il «rejoindre l’union douanière allemande (Zollverein) ou faut-il plutôt négocier un arrangement avec la Belgique tout en recherchant une union économique avec les Pays-Bas?». Alors que la question divise les 21 industriels, commerçants et banquiers qui constituent la Chambre, Ferdinand Pescatore, son premier président fait le choix du Zollverein. Guillaume II le suit en s’assurant de la liberté d’exporter le minerai de fer vers la Belgique.
Sous l’occupation nazie, la Chambre fut annexée à l’économie allemande. Après la Seconde Guerre mondiale, elle joua un rôle déterminant pour la reconstruction du pays. Durant la crise sidérurgique, ses missions étaient internationales, dans le but de faire venir les entreprises étrangères. Consciente de l’implication du Luxembourg dans une économie globalisée, la Chambre de Commerce a toujours soutenu le projet européen dont la monnaie unique.
Remonter le fil de 175 ans d’existence de la Chambre, c’est aussi faire un voyage dans les abîmes du passé grand-ducal. C’est également comprendre que depuis sa création, la Chambre de Commerce a toujours été intimement liée aux choix stratégiques pour le développement économique. En représentant l’intérêt de ses membres, elle a la mission de défendre leurs intérêts en conseillant le gouvernement et même en proposant des politiques économiques.
Missions actuelles
Etienne Schneider a rappelé que Luxembourg ne comptait que 175.000 habitants en 1841, que peu croyaient alors à sa survie économique et que bon nombre de ses habitants quittaient le pays. Composée essentiellement des secteurs agricole et artisanal, l’économie luxembourgeoise a connu un essor extraordinaire grâce à la politique d’ouverture sur la Grande Région, sur l’Europe et sur le monde. Faute de ressources naturelle, le capital prospère de ce pays est résolument étranger; qu’il s’agisse de l’immigration italienne travaillant dans la sidérurgie, portugaise dans le bâtiment, française et belge dans le secteur tertiaire et allemande dans l’ingénierie. Le Vice-Premier ministre, rappelant que le protectionnisme n’a jamais été un sujet au Luxembourg et que nous comptons désormais 570.000 habitants dont 12.000 de plus chaque année qui apportent dans leur bagage, un savoir qui est «l’atout de notre avenir».
La Chambre de Commerce représente aujourd’hui 90.000 entreprises qui forment 80% du PIB et 75% des emplois. Elle entretient la culture de l’entrepreneuriat, indispensable dans un contexte économique globalisé où la concurrence n’a jamais été aussi forte. C’est pourquoi il faut trouver de nouvelles débouchées qui modifieront profondément nos modes de travail; le projet spatial qualifié de «passionnant» par Schneider en est un exemple et la troisième révolution industrielle, une ambition nationale.
Cette soirée est aussi l’occasion de lancer la «House of Entrepreneurship», qui à deux pas de la Chambre de Commerce, donnera des conseils personnalisés en matière de création, de cession et de reprise d’entreprise et d’autorisation d’établissement.
La Chambre est consciente de la nécessité de se moderniser, c’est pourquoi elle élabore un plan stratégique à l’horizon 2025 pour appréhender les technologies de demain qui contribueront au commerce luxembourgeois.
Préparer l’avenir
Si la présence de la Cour grand-ducale témoigne aussi de son intérêt, c’est bien évidemment parce qu’un pays ne se porte bien uniquement lorsque son économie lui offre la possibilité de mener ses entreprises à termes.
Il faut alors à défaut de pouvoir le lire, toujours préparer l’avenir et cela passe par la formation des jeunes générations. Xavier Bettel ne s’empêchant de plaisanter sur le savoir-faire de la Chambre dans la formation des jeunes, «puisque l’actuel ministre des Finances (Pierre Gramegna) en fut son dirigeant». Et d’ajouter plus sérieusement que le gouvernement se penche depuis ses débuts sur les potentiels d’avenir. Le Premier ministre a pris l’exemple de la logistique pour laquelle la Banque mondiale a classé le Luxembourg deuxième, derrière les Etats-Unis. Il a aussi rappelé que l’Université du Luxembourg s’était hissée après seulement treize années d’existence, au 178e rang du classement mondial des meilleures universités.
Bernard Picard, docteur-psychiatre, aventurier multiple qui a fait le tour du monde à bord de l’avion à énergie solaire “Solar Impulse“ était invité à parler “innovation“ au pupitre. Il a rappelé à quel point une envie, idée ou un projet devait être porté par la persévérance. Que les embuches rencontrées ne devaient pas avoir raison de la détermination mais au contraire, obliger à penser différemment.
«Ce ne sont pas les industriels de la bougie qui ont inventé l’ampoule», comme ce ne sont pas les ingénieurs en aéronautiques qui ont créé le “Solar Impulse“. Ce n’est pas le «comment» qui relève du management qui importe le plus, mais le «pourquoi» car ceci implique du leadership. La clé qui ouvre les portes de la réussite sont marquées du sceau de l’association de ceux qui pensent différemment et force est de constater que le Luxembourg a une grande expérience en la matière. JuB