L’avenir de la fiscalité
Au 12 septembre dernier, PWC Luxembourg a tenu une conférence sur l’avenir de la fiscalité des sociétés. Le cabinet de services professionnels a voulu exposer ses propositions sous le double prisme, citoyen et économique. C’est pourquoi Charles Margue, le directeur de recherches de l’institut de sondage, TNS Ilres est venu donner le pouls d’un panel représentatif de la population grand-ducale. Wim Piot, partenaire et “Tax leader“ chez PWC Luxembourg a présenté les propositions à faire figurer dans la réforme fiscale. Enfin, les économistes Christelle Sapata (Université d’Aix-Marseille) et John FitzGerald (ESRI), sont venus présenter les répercutions macroéconomiques des changements du taux d’imposition.
“Tax Forum“ ou l’avis des citoyens
Aux non-initiés, la fiscalité apparaît au mieux comme ennuyante, au pire comme une matière opaque et difficile à appréhender. Soixante citoyens, issus de toutes les classes sociales ont pourtant dû s’y plonger, le temps d’un sondage. Ce panel a été invité à participer à une série de cinq évènements dont deux séances de formation qui ont précédé deux ateliers de réflexions et de discussion durant lesquelles les prenants-parts ont dû se positionner sur des questions de fiscalité luxembourgeoise. Enfin, les porte-paroles ont présenté les conclusions de leur groupe durant une séance plénière.
Ces résultats illustrent ce que Charles Margue appelle le «pragmatisme luxembourgeois». Si 9 participants sur 10 sont pour que le Grand-Duché se lance dans la compétition fiscale internationale, comme une nécessité afin de ne pas perdre «de terrain au profit des pays concurrents», ils indiquent néanmoins qu’il doit y avoir des limites. La légalité étant différenciée de la moralité; la transparence, l´information claire et précise, l´équité et l’introduction de mesures incitatives au développement durable sont mis en avant.
D’autres avis sont plus nuancés, comme à savoir si les sociétés les plus riches doivent contribuer davantage (6/10 sont pour). Si les participants sont majoritairement d’accord pour un code de conduite, renforcer le contrôle des entreprises par les autorités fiscales et pour la publication des rulings sous forme de jurisprudence anonyme, ils sont en revanche majoritairement contre une transparence totale envers le grand public.
La politique fiscale devrait aussi inclure des mesures sélectives afin de diversifier l’économie (PME/ protection de l’environnement/ développement durable/ recherche/ innovation).
Bien évidemment, une telle étude devait être indépendante pour trouver une crédibilité dans la presse. C’est pourquoi PWC n’a pas pris part au débat, «il ne fallait pas influencer les résultats», explique Wim Piot. Et d’ajouter que le but de la démarche était aussi de sortir des slogans que l’on retrouve dans les journaux.
Propositions de PWC
L’OCDE et l’Union européenne intensifient toujours plus les pressions afin d’harmoniser les législations fiscales et dans ce contexte international, le Luxembourg voit des sociétés quitter son territoire. C’est en partant de ce constat que PWC a réfléchi aux moyens d’attractivités et notamment avec le Brexit qui pourrait aussi profiter au Luxembourg.
Avec des concurrents comme l’Irlande (12,50%) et la Grande-Bretagne (20%), le taux d’imposition globale de Luxembourg à 29,22% reste élevé. Les prévisions de 2020 ne seraient pas suffisantes puisque les 26,01% luxembourgeois resteront supérieurs aux 15% anglais et aux 12,50% irlandais. C’est pourquoi PWC plaide pour une harmonisation du taux à 15%.
Une autre mesure attractive serait l’élargissement du champ d’application de l’exonération de retenue à la source. Une exonération sur les dividendes payés aux investisseurs institutionnels qui pourraient favoriser l’établissement de quartiers généraux au Luxembourg.
PWC Luxembourg plaide aussi pour l’abolition, ou dans un premier temps à la réduction de l’impôt sur la fortune des sociétés qui est perçu à l’étranger comme un indicateur négatif et peu propice aux affaires. Une dernière mesure d’incitation viserait les sociétés disposant de capitaux propres importants afin de récompenser les entreprises solvables et ayant de la substance.
PWC avance aussi des propositions compensatoires pour les caisses de l’Etat. Réaliser des réductions de taux importantes sans pénaliser les recettes fiscales implique un élargissement équitable et équilibré de l’assiette de l’impôt. Des crédits d’impôt seraient aussi à envisager.
Toutes ces propositions ont déjà été envoyées dans leurs détails au ministère de l’Economie.
Transparence
Wim Piot dénonce la complexité de la législation et notamment les 1.800 pages du BEPS qui sont «indigestes». D’autant plus qu’une législation complexe creuse les inégalités; les grandes entreprises pouvant bénéficier de conseils fiscaux, contrairement aux PME. PWC plaide néanmoins pour que le Luxembourg se conforme pleinement et rapidement aux règles internationales afin de garantir son image de marque.
Perspectives macroéconomiques
En partant du taux nominal actuel de 29,22%, l’étude avance trois scenarii.
Une diminution de 8,25 points (à 20,97%) augmenterait le PIB de 2,68% (+ 1,81 milliards d’euros), de stimuler l’emploi (+ 3.836 employés). Les recettes fiscales seraient néanmoins amputées de 576 millions d’euros.
Une augmentation de 5,50% points (à 34,72%) rapporterait 325 millions d’euros de recettes fiscales mais une diminution du PIB de 1,79% (- 1,21 milliards d’euros) et une perte de 2.558 emplois.
Enfin, une augmentation de 13,75 points de pourcentage (à 42,97%) engendrerait une chute du PIB de 4,47% (3,02 milliards d’euros) ainsi qu’une baisse de 6394 emplois pour des recettes fiscales de 725 millions d’euros. JuB