Nos habitudes de consommation pointées du doigt
Le groupe de travail «responsabilité sociale des entreprises et développement durable» de l’Union des entreprises luxembourgeoises a pour mission de définir tout ce qui relève du cadre de la RSE au Luxembourg, notamment dans le domaine du transport… dans lequel il reste beaucoup à faire, d’après les aveux de son président, Gary Kneip. Interview.
Quelle est la mission du groupe de travail du développement durable de l’UEL ? En quoi se différencie votre travail du Conseil supérieur du développement durable ou d’autres organismes luxembourgeois actifs dans le domaine du développement durable ? Comment êtes-vous amenés à travailler ensemble ?
Notre conseil d’administration prend des décisions tandis que des groupes de travail planchent sur différentes thématiques. Je préside le groupe de travail «responsabilité sociale des entreprises et développement durable» (RSE) dont le programme est avant tout de mettre sur pied un label luxembourgeois qui prime les entreprises qui ont investi dans ce domaine.
Nous dirigeons le travail de l’INDR (ndlr : l’Institut national pour le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises ; cf. interview d’Eric Hiéronimus dans la présente édition) et qui définit en premier lieu tout ce qui relève du cadre de la RSE au Luxembourg. Nous aurions pu copier ce qui se fait en France, en Allemagne ou en Belgique mais avons estimé qu’il était plus judicieux de nous conformer à la taille des entreprises et des moyens disponibles dans le pays afin d’éviter qu’il y ait une démultiplication d’initiatives, ce qui n’aurait été que source de confusion. En d’autres termes, nous voulons quelque chose à la fois de local et d’universel.
Il s’agissait pour cela de définir une méthodologie, plus précisément de développer un référentiel, selon des critères bien précis englobant les trois piliers que sont l’environnement, la gouvernance et le social afin de pouvoir déterminer les progrès des entreprises.
Prenez-vous en considération l’ensemble des trois piliers de la RSE dans vos réflexions ou privilégiez-vous une approche en particulier, comme celle de l’écologie ?
Avant que l’on puisse privilégier un des piliers, nous devons nous assurer qu’une entreprise ait bien pris en compte l’ensemble des piliers. Une entreprise ne peut pas se targuer d’être ‘socialement responsable’ si elle néglige complètement le volet social, par exemple. Quel que soit le créneau dans lequel une entreprise est active, elle doit atteindre un socle, et c’est ensuite que se pose la question de la spécialisation.
Quoi qu’il en soit, le référentiel se veut généraliste. Ce qui nous intéresse, c’est que certains secteurs de notre économie soient, sur base de notre méthodologie, en mesure de définir des règles qui vont au-delà de notre référentiel, règles qui ne s’appliqueraient qu’aux entreprises du secteur en question.
Au sein de l’UEL et de l’INDR, nous voyons clairement la RSE comme une remise en cause de fonctionnements, le début d’une évolution dans nos habitudes de consommation.
Pourquoi forcément un label ?
Les entreprises trouvent un réel intérêt à se démarquer de la concurrence extérieure, notamment par le biais de signes de communication témoignant, entre autres, de leurs préoccupations environnementales ; c’est devenu très important. Nous explorons dès lors avec eux des pistes pour établir une rallonge du référentiel. L’idée serait de lancer une sorte d’ «open source» autour de ce référentiel.
Quelles sont les spécificités de la RSE dans les transports ?
Dans chaque secteur, une entreprise peut trouver de multiples pistes de réflexions. Dans les transports, ce qui vient tout de suite à l’esprit, quant au volet social, ce sont les heures de travail du personnel. Les entreprises peuvent aller au-delà des normes prévues par le législateur. Bien évidemment, il y va de la compétitivité des entreprises et ce n’est pas évident à mettre en place. En ce qui concerne le transport de personnes à mobilité réduite, on peut améliorer l’accessibilité au véhicule, la communication, etc.
Au niveau de l’environnement, il faut tout d’abord se questionner sur la nécessité du transport, un acte de haute voltige pour les entreprises du secteur : rappeler à l’usager que chaque trajet coûte de l’énergie, engendre des rejets de CO2. Il s’agit également, bien évidemment, de s’équiper de véhicules propres.
Au niveau de la gouvernance, les mêmes contraintes existent que dans les autres secteurs.
Quelles sont les nouvelles pistes de réflexion en matière d’environnement ?
Certaines mesures radicales ont été prises dans certains pays avec la gratuité des transports en public et une offre plurielle et adaptée. Hélas ce n’est pas le cas au Luxembourg, et il est regrettable que s’il existe certes de nombreuses lignes de bus au Luxembourg, un certain nombre courent à vide. Je pense cependant qu’à l’avenir aussi bien la main publique que les entreprises de transport sauront trouver des solutions, d’une part, si ce n’est en rendant les transports publics gratuits, de réduire les prix, d’autre part de remplacer les grands autobus vides par deux ou trois petits bus bien remplis qui oscillent avec une fréquence beaucoup plus importante.
Sans devoir suivre l’exemple de certaines villes comme Londres ou Stockholm où l’accès au centre-ville est payant, on peut trouver le moyen d’ «éduquer» les concitoyens moins enclins au changement, mais l’effort doit être collectif.
Ce n’est pas depuis hier que les autobus roulent à vide dans le pays. Pourquoi n’a-t-on toujours pas réagi ?
Au Grand-Duché, le phénomène de la voiture individuelle est très imprégné puisqu’elle est symbole de bien-être et que les Luxembourgeois ont du mal à la laisser au garage. C’est une question de taxation.
En outre, même si je ne le souhaite pas pour notre économie, je pense que si le baril de pétrole devait à nouveau atteindre les 140 dollars, les comportements changeraient rapidement tout naturellement.
Certes, on connaît aujourd’hui un service de transports en commun qui s’est amélioré et avons vu naître des initiatives intéressantes comme le flexibus ou encore le Night Rider, ce dernier permettant aux jeunes de rentrer sain et sauf chez eux, mais ces actions sont hélas trop souvent menées à huit clos entre administrations sans l’implication des intéressés. Il faudrait organiser régulièrement des forums lors desquels nous analyserions ce qu’il se fait de mieux à l’étranger en matière de mobilité douce et de se donner des objectifs politiques raisonnables à atteindre. Bref, toutes les parties sont concernées, et le citoyen en premier lieu.
A Hasselt, en Flandre, par exemple, tout le monde se déplace en transports en commun, même les commerciaux ou vous journalistes tant la fréquence des autobus est grande.
PhR
