La trimodalité, l’avenir du système de transport durable de marchandises

Cette année, la Société du Port de Mertert S.A. fête son 50e anniversaire à la Philharmonie de Luxembourg. A cette occasion, nous avons rencontré Jeannot Poeker, président de la société, afin d’en apprendre davantage sur le fonctionnement du site trimodal de Mertert. Interview.
 
 
En quoi sa localisation fait-elle du Port de Mertert un carrefour stratégique pour le transport de marchandises?
 
Lors de sa création en 1966, le Port de Mertert offrait au Luxembourg un accès direct vers l’Allemagne et le nord de l’Europe. Aujourd’hui, il est le lieu de passage privilégié de marchandises transportées par voies fluviale, terrestre et ferroviaire ce qui en fait la seule structure trimodale du pays. Ainsi reconnu à travers toute l’Europe, le Port de Mertert est à côté du Centre Logistique de Bettembourg l’emblème du Luxembourg en matière de logistique. En combinant ces trois modes de transport, le site permet de décongestionner les routes à la fois au niveau national et européen. Des pourparlers sont en cours avec l’exploitant de la plateforme bimodale de Bettembourg en vue d’une coopération plus rapprochée.
 
 
Quel type de marchandise transite-t-il principalement par le Port de Mertert?
 
Ce sont les produits sidérurgiques qui arrivent en tête des exportations réalisées à partir du Port avec un total de 140.860 tonnes exportées. En matière d’importation, le pétrole occupe la première position avec 305.007 tonnes importées en 2015. Ce n’est pas étonnant quand on sait qu’au sein même de la zone industrielle liée au Port se trouve le siège de la société Tanklux S.A., le plus grand centre de stockage de produits pétroliers du Luxembourg.
On note aussi l’importation de 55.136 tonnes de produits agricoles et 55.370 tonnes de matériaux de construction. De nouveau, étant donné que Bétons Feidt, une grande entreprise spécialisée dans les matériaux de construction, se situe dans la zone industrielle du Port, il n’est pas anodin qu’une grande quantité de ce type de produits soit importée à Mertert.
 
 
Comment décide-t-on de la répartition des modes de transport sur un trajet?
 
Il faut savoir que l’Etat n’est pas en mesure d’imposer quoi que ce soit aux sociétés puisque le transport de marchandises constitue un véritable fonds de commerce et doit pouvoir être concurrencé. Il ne peut donc pas favoriser un transporteur plutôt qu’un autre par souci d’équité. Le mode de transport est alors choisi par l’entreprise en fonction des tarifs les plus compétitifs proposés pour une part de trajet. Toutefois, et en vue d’arriver à un transfert modal et de décongestionner les routes, l’objectif de l’Etat reste de promouvoir les voies fluviales et ferroviaires qui sont moins nocives pour l’environnement que la voie terrestre.
 
 
Quels sont selon vous les points forts et les points faibles du transport trimodal?
 
Les points forts apparaissent de façon assez évidente. Le report modal permet de décongestionner les routes en proposant une alternative par les voies fluviales et ferroviaires pour une portion du trajet. Ecologiquement, ces modes de transport alternatifs occasionnent moins d’émission de dioxyde de carbone. Par ailleurs, le transport fluvial est conseillé lors du déplacement de matières dangereuses puisqu’il offre plus de sécurité. Il est également le moyen de transport privilégié de matières pondéreuses.
Les points faibles sont plus rares mais il faut toutefois noter que l’alternative multimodale n’est rentable que pour les distances supérieures à 300 kilomètres afin de parvenir à rentabiliser les frais de transbordement. Des coûts opérationnels entrent effectivement en compte lors des ruptures de charge, on note par exemple des frais liés à un surplus de personnel, à un besoin supplémentaire de matériel, à la nécessité de trouver des aires de stockage ou encore un manque de ponctualité dû au retard engendré par les changements de transports. Mais l’Etat tend à réduire ces inconvénients par le biais des aides au transport combiné.
 
 
Quelles sont les conditions nécessaires à l’obtention de ces aides?
 
Le Luxembourg a pour ambition d’alléger les transferts par la route en mettant en valeur un système de transport multimodal. Ainsi, le rééquilibrage entre les modes de transport est au cœur de la stratégie nationale en matière de développement durable, notamment au travers l’octroi d’aides aux entreprises favorisant le transport combiné.
Pour pouvoir bénéficier de ces aides de la part du ministère du Développement durable et des Infrastructures, il faut que la marchandise transite par un point intermodal comme Mertert ou Bettembourg lors d’une rupture de charge et que son parcours s’effectue par le biais de ces deux points. Bien sûr, le transport ne doit pas se limiter aux frontières du pays. Des aides peuvent aussi être allouées aux transports combinés internationaux par voie fluviale et ferroviaire.
Par ailleurs, lors d’un transport combiné, des Unités de Transport Intermodal (UTI) doivent être utilisées  afin de faciliter les transbordements. Les UTI les plus souvent utilisées sont les conteneurs, les caisses mobiles et les semi-remorques.
 
 
Prévoyez-vous des travaux d’aménagement afin de rendre le site encore plus performant d’un point de vue environnemental?
 
Le transport trimodal constitue déjà une avancée sur le plan écologique. C’est pourquoi nous entendons améliorer ce système en élargissant le tournant pour bateaux à l’entrée du Port afin de pouvoir faire passer des bateaux plus grands. De cette manière, la quantité de marchandises acheminée pourra être encore plus importante.
De plus, nous comptons renaturer la Syre. Cette rivière qui vient se jeter dans la Moselle à Mertert avait été bétonnée lors de la construction du port, mais aujourd’hui nous souhaitons retirer le béton qui la tapisse et y rétablir la végétation et la vie aquatique originelles. Cette mesure sera complétée par une passe à poissons et par une microcentrale hydro-électrique.    MC