Le caractère innovant de la finance responsable

« FinTech » – le mot « buzz » pour dénommer la technologie financière – est actuellement le sujet en vogue dans le monde financier. Cette nouvelle vague d’innovation financière a trouvé ses origines bien plus loin dans le temps et géographiquement que ce que l’on pourrait croire. Interview avec Annemarie Arens, directrice générale de LuxFLAG, l’agence de labellisation de fonds d’investissement responsable et durable.


Quelles implications la technologie financière propose-t-elle pour un développement durable du monde financier?

La nouvelle vague FinTech (Financial Technology) a connu un réel mouvement d’accélération ces derniers mois et devrait changer le futur du monde financier que nous connaissons aujourd’hui. La FinTech a cependant trouvé ses racines et un certain succès dans les pays en voie de développement bien avant de le connaître dans les pays occidentaux. Des entrepreneurs sociaux avaient déjà pris le chemin de cette initiative révolutionnaire plus d’une décennie auparavant avec la microfinance qui permet l’accès à des produits financiers à ceux qui sont exclus du système bancaire traditionnel. Une infrastructure bancaire est souvent inaccessible dans ces pays et l’implémentation de solutions innovantes, telles que le paiement digital, a ouvert de toutes nouvelles portes pour les consommateurs non-fortunés locaux. En effet, l’inclusion financière est toujours l’un des défis mondiaux majeurs en vue d’améliorer la situation sociale afin de combattre la pauvreté. La finance digitale prouve qu’un réel impact a été créé à cette fin dans les pays émergents, incitant les pays occidentaux à en faire autant.
Quels sont ces solutions digitales et quels impacts peuvent-elles avoir dans ces pays émergents?

Les solutions financières sont déployées à travers différents types d’innovations tels que le portefeuille mobile, des cartes à puce, des mécanismes de paiement mobile interbancaires ou des assurances vendues à travers le téléphone mobile. L’innovation pionnière est certainement l’argent mobile, utilisé de façon extensive dans ces pays émergents, tandis que dans les pays occidentaux l’utilisation de portefeuilles mobiles n’en est qu’à son stade de démarrage. Je citerai l’exemple de l’Afrique subsaharienne: l’argent mobile y connaît un grand succès et offre une solution d’impact social positif qui change des vies. Même si beaucoup de communautés n’ont pas accès à l’électricité ou à l’eau courante, un grand nombre d’habitants possèdent un téléphone mobile qui sert entre autres à faire des transferts d’argent. Un exemple pertinent est celui des Masaii – la plus ancienne tribu du Kenya – qui préservent leur culture distincte. Les Masaii font usage de la technologie moderne dans leur vie quotidienne. Les tribus indigènes peuvent vérifier les prix du marché et recevoir des détails sur les lieux où faire paître le bétail en période de sécheresse et ainsi éviter plusieurs jours de voyage. Cet exemple montre comment un simple téléphone mobile bon marché peut favoriser une autonomie sociale dans des régions éloignées. En plus, ils ont recours à des ressources naturelles comme le soleil pour charger leur téléphone au travers des panneaux solaires à bas prix et peuvent ainsi surmonter les problèmes émanant d’une absence d’infrastructure énergétique.
Quelles sont les défis qui peuvent empêcher une adaptation technologique dans ces pays émergents?

Même si les FinTech offrent déjà des solutions d’inclusion financière, de nombreux défis restent à surmonter: l’analphabétisme, la faiblesse de cadres réglementaires, la fraude, l’isolement géographique ainsi qu’un manque d’accès à l’information peuvent ralentir ou empêcher une adaptation technologique. L’accès aux solutions technologiques peut différer de pays en pays, provenant de circonstances spécifiques à chaque région. Reste à clarifier la question de la protection des consommateurs. Certains défis peuvent être adressés grâce à de nouvelles innovations financières, comme des terminaux biométriques qui permettent une validation de l’identité d’un client pour prévenir la fraude et qui ainsi renforcent l’écosystème financier. En outre, le soutien de l’Etat et de cadres réglementaires favorables peuvent agir en tant que moteurs d’innovation. En Inde par exemple, le gouvernement privilégie l’inclusion financière et est en train de construire un paysage pour les FinTech en vue de renforcer des solutions financières innovantes et durables.
Est-ce que LuxFLAG a un rôle à jouer pour promouvoir la finance responsable?

En tant qu’investisseur, il est souvent très difficile de différencier les produits qui se disent «durables» de ceux qui sont réellement investis de façon responsable à travers tout leur portefeuille. La transparence est un critère critique pour l’investisseur qui veut placer son argent dans des produits d’investissement responsable et durable. Pour rassurer l’investisseur, LuxFLAG, en tant qu’agence de labellisation internationale et indépendante, attribue un label transparent à des fonds d’investissement actifs dans la microfinance, l’environnement et l’ESG (environnement, social, gouvernance). Le but est de donner à l’investisseur une certification indépendante que les actifs sous gestion d’un fonds labellisé sont réellement investis de manière responsable. Pour recevoir un label LuxFLAG, un fonds d’investissement doit répondre à des critères d’éligibilité spécifiques qui sont définis par des comités d’éligibilité indépendants, composés d’analystes, d’académiciens et d’experts de l’industrie. LuxFLAG vise ainsi à promouvoir une approche responsable et durable dans le secteur financier.

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