“Mir wölle bleiwe wat mir sin”
La sidérurgie des années soixante qui représentait 31% du PIB, avait besoin d’une main-d’œuvre italienne qui a quadruplé la population de Dudelange en seulement quatre ans. Dix ans plus tard, la crise pétrolière sonne le glas de l’industrie du fer et le pays construit sur ses Terres Rouges, un secteur financier qui pèse aujourd’hui 20% de notre PIB.
C’est l’immigration portugaise qui pose les pierres du nouveau visage architectural du pays et les frontaliers sont employés à faire tourner la nouvelle locomotive économique. De 13% de résidents-étrangers en 1961, le pays en compte aujourd’hui près de la moitié et en y rajoutant les frontaliers, ils représentent les deux tiers de la population active. Dans cette situation unique en Europe, les étrangers rajeunissent une population nationale qui compterait plus de décès que de naissances. Ils contribuent non seulement à une démographie positive mais également à la croissance du taux de nationalités luxembourgeoises qui sans la loi de 2008 relative à la double nationalité, serait en diminution. Paradoxe sémantique puisque ceux qui viennent d’ailleurs contribuent à la pérennité de ce qui est ici.
Si la population nationale est mouvante, c’est que l’histoire de l’immigration de ce pays est intrinsèquement liée à celle de notre économie. Le virage économique que nous opérons depuis la crise financière de 2008 apporte assurément avec lui des changements qui impacteront eux aussi le Luxembourg de demain. Les technologies financières, les biotechs et autres nouvelles technologies mais aussi la recherche et les centres de données sécurisés, sont des domaines où la gestion de l’information constitue un enjeu majeur de la nouvelle ère qui s’ouvre devant nous. Ces domaines favorisent une nouvelle forme d’immigration qui n’a plus comme seul critère, la nationalité mais celui des hautes compétences. À la différence de nos voisins européens, les cultures étrangères ne se greffent pas autour de la culture locale dominante mais s’imbriquent les unes dans les autres. C’est pourquoi notre multiculturalité implique un multilinguisme qui va bien au-delà du simple triangle administratif que forment le français, l’allemand et le luxembourgeois. La fresque linguistique luxembourgeoise s’élargira et se diversifiera encore plus, trahissant bon nombre d’idéologies conservatrices parce que les réalités culturelles et linguistiques répondent à d’autres structures que celles des idéologies politiques.
Ainsi en paraphrasant la devise nationale inscrite sur bon nombre de nos bâtiments publics et qui résonnait comme un symbole dans la résistance de la Seconde Guerre mondiale, “Nous resterons ce que nous sommes“ à la condition que le “nous“ évolue, sans quoi nous ne serons plus. JuB