L’infiniment petit a de grands pouvoirs

L’unité de recherche sur les nanomatériaux du CRP – Gabriel Lippmann planche sur des éléments qui sont au moins cent fois plus petits que le diamètre d’un cheveu. Elle axe ses travaux sur le développement et la synthèse de nanomatériaux intégrés à des macrosystèmes. Les applications de ces recherches sont extrêmement concrètes. Rencontre avec Damien Lenoble, qui est à la tête de cette unité.

Une des thématiques de recherche en synthèse de nanomatériaux est orientée sur les applications environnementales. Par exemple, on peut parvenir à des propriétés de photocatalyse pour la dépollution de l’eau des matières organiques. Un projet allant dans ce sens et soutenu par le Fonds National de la Recherche, est réalisé avec le département ‘Environnement et Agro-biotechnologies’ (EVA) du CRP. L’objectif est de valoriser ces recherches en développant, à terme, système de filtration de l’eau intégré au robinet de manière à pouvoir purifier l’eau de manière locale, ce qui est notamment intéressant dans des pays où il n’existe pas de centralisation des mécanismes de traitement de l’eau.
D’une manière générale, le département ‘Science et Analyse des Matériaux’ (SAM), duquel dépend l’unité ‘Génie des Nanomatériaux’, prend en considération l’interaction de ces nanomatériaux sur l’environnement. “Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos collègues du département EVA. Notre approche est de développer des nanomatériaux avec des applications très intéressantes, mais également d’évaluer les répercussions qu’ils peuvent avoir sur un écosystème défini, de telle sorte que nos nanomatériaux aient peu ou pas du tout d’impact sur l’environnement qui nous entoure”, précise Damien Lenoble.
Un autre axe de recherche important, en lien avec les technologies pour la santé et soutenu par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, vise des applications médicales avec, par exemple, le développement de nanocouches actives et biocompatibles qui permettraient, dans le cadre de la pose de prothèses de remplacement des artères, d’empêcher la croissance de biofilm qui viendrait se déposer sur la prothèse et la boucher.
En maîtrisant à la fois la composition chimique et la texturation de surface des nanomatériaux, il est possible de leur conférer une certaine topologie qui aura un impact sur leurs propriétés macroscopiques. Ils pourront, par exemple, rendre une surface hydrophobe. On peut dès lors imaginer la création d’un revêtement pour les vitres grâce auquel l’eau, au lieu de s’accrocher, glissera sous forme de petites billes et rendra ainsi ces vitres auto-nettoyantes. L’unité ‘Traitement de Surface’ du département SAM travaille principalement sur le développement de nouvelles surfaces actives de ce type. Certains projets en cours devraient permettre de contrôler l’adhésion d’une surface par rapport à une autre, voire de produire des adhésions réversibles.
D’autres projets sont également le fruit d’une collaboration avec des industriels. On peut citer l’exemple d’un travail sur la fabrication de nanoparticules permettant de renforcer des pneumatiques ou un autre sur l’utilisation de nanotubes de carbone, qui sont résistants à la rupture et ont des propriétés de conduction électrique intéressantes, permettant la détection d’espèces chimiques ou de gaz.
Le dernier volet qui relie nanomatériaux et nanotechnologies concerne la caractérisation de ces matériaux. “Comme ils sont de très faible dimension, nous disposons, pour les mesurer, d’équipements de microscopie électronique et d’analyse de la composition chimique, morphologique et cristallographique des matériaux très performants”, explique Damien Lenoble.
Vu le nombre de demandes de projets de recherche, le département SAM compte aujourd’hui quarante-cinq personnes et devrait atteindre soixante personnes dans les trois ans à venir.