Un paysage juridique en changement
NautaDutilh, en tant que l’un des plus grands cabinets d’avocats indépendants du Benelux, est souvent contacté pour fournir un conseil couvrant les trois juridictions. Le but du cabinet, selon la Managing Partner Josée Weydert, est d’«offrir une vaste panoplie de services de bonne qualité à notre clientèle institutionnelle ». NautaDutilh est d’ailleurs «très flexible en termes d’offre de services», appuie Vincent Wellens, associé dans le département propriété intellectuelle (PI), technologies de l’information et de la communication (TIC) et droit de la concurrence. Interview.
La réactivité d’un régulateur est-elle un facteur déterminant dans l’installation au Luxembourg d’entreprises du secteur financier?
JW: Le maintien et le développement d’une place financière solide et attrayante dépendra du dynamisme, de la réactivité et de l’action des acteurs de la place. La politique fiscale, et surtout le taux futur d’imposition des entreprises, joueront un rôle crucial. Tôt ou tard, un taux d’imposition attractif sera le facteur déterminant pour maintenir les entreprises, surtout internationales, au Luxembourg. Il faudra aussi faire valoir notre position en poursuivant le développement des activités transversales et en diversifiant le secteur financier. Les développements récents, comme le positionnement envers le marché asiatique à travers les activités renminbi, en la matière de la finance islamique ou encore dans le domaine de la FinTech, vont dans ce sens.
VW: Une fiscalité transparente est également importante. C’est grâce à cela que l’Irlande, par exemple, attire de grandes entreprises comme Microsoft et Facebook, et donc des possibilités d’emploi.
Comment attirer de nouvelles entreprises au Grand-Duché?
JW: Il est important de ne pas être trop sévère quant au nombre d’employés requis au moment d’octroyer la licence d’établissement. Il y a une phase de développement. C’est évident qu’une entreprise ne peut pas commencer tout de suite avec un grand nombre d’employés spécialisés au Luxembourg, surtout s’ils font partie d’un grand groupe international. Il faut plutôt demander un plan de développement, pas seulement en termes de résultats mais également en termes d’employés, qui investit dans sa présence à Luxembourg.
VW: Nous avons un programme pour les start-ups pour les accompagner d’un point de vue juridique. C’est au début du montage de leur business qu’elles ont le plus besoin de conseils juridiques et qu’elles ont le moins d’argent. Quand elles viennent avec trois ou quatre personnes, c’est déjà bien en termes d’emploi.
A la fin de cette année, une proposition de loi à propos de l’union des marchés de capitaux sera présentée. Quelle est la réaction du marché financier?
JW: L’union des marchés de capitaux est un projet de désintermédiation de grande envergure. Il a pour objectif de réduire le coût de financement des PME et leur dépendance du financement bancaire traditionnel. L’initiative de la Commission a été généralement bien accueillie par l’industrie financière. Le projet vise à inciter les investissements à long terme et à favoriser la croissance et l’emploi. L’union des marchés des capitaux marquera aussi un pas important vers la finalisation du marché financier unique européen. Sur le plan pratique, cela permettra aux entreprises de mobiliser des fonds auprès d’un nombre important d’investisseurs.
Quant à la loi sur l’archivage électronique, vos clients se sentent-ils concernés?
VW: Des clients nous ont contactés dans le cadre de l’archivage électronique avant même que la loi soit adoptée pour préparer le terrain. Ils voulaient s’informer sur les changements impliqués, le champ d’application, etc. La loi sur l’archivage électronique induit peut-être un peu en erreur car beaucoup de monde pense que tous les supports électroniques sont couverts. Il n’en est rien. Seuls les actes sous seing privé, comme par exemple les contrats, sont pour l’instant concernés.
Que stipule exactement cette loi du 25 juillet 2015?
VW: Cette loi, de concert avec un règlement grand-ducal, dit que sous certaines conditions, la version numérique d’actes sous seing privé a la même valeur probante que la version originale papier. Le but est de pouvoir dématérialiser un contrat et le garder sous un format électronique sans que l’authenticité ou l’intégrité en soit affectée.
Est-ce positif pour le Luxembourg d’être l’un des précurseurs de la dématérialisation?
VW: D’un côté, oui, c’est positif. De l’autre, la solution luxembourgeoise doit aussi pouvoir être exportée à l’étranger. Nous sommes dans un contexte européen, et plus particulièrement dans un contexte transfrontalier. Or le contrat est dématérialisé selon les règles luxembourgeoises. Cela peut poser problème car beaucoup de banques au Grand-Duché sont étrangères. L’intégralité de leur documentation doit donc aussi pouvoir servir à des fins de preuve à l’étranger. La question qui se pose alors est la suivante : une fois que j’ai dématérialisé mon contrat selon les règles luxembourgeoises, les mêmes règles s’appliquent-elles à l’étranger?
Comment remédier à la situation?
VW: Un règlement européen, l’eIDAS, entrera en vigueur en juillet 2016. Il stipule qu’un juge étranger ne peut pas rejeter la pièce électronique pour la simple raison qu’elle est sous format électronique. Mais il pourra la rejeter pour un autre motif comme le manque d’authenticité ou le manque d’intégrité. Ce sont des paramètres sur lesquels nous sommes en train de travailler.