«Je vis ma passion pour la musique autrement»

Olivier Toth a seulement 43 ans mais possède déjà un parcours professionnel impressionnant. Il vient en effet de fêter ses dix ans de carrière à la tête de la Rockhal. En vrai passionné, il déborde de projets et voudrait que le temps ralentisse pour avoir l’occasion de tous les réaliser. Nous l’avons rencontré dans ses bureaux, aux murs tapissés de photos rock’n’roll.
 
Juriste de formation, rien ne prédestinait Olivier Toth à devenir directeur de l’une des salles de concerts les plus importantes du pays, si ce n’est sa passion pour la musique. «J’ai toujours été captivé par les interactions entre la musique et le droit». De nombreuses personnes pensent pourtant que ces deux disciplines sont incompatibles. Le droit paraît assez strict et l’art, plus ouvert. Olivier Toth réfute ces aprioris. «Ce n’est pas entièrement vrai. Le droit est flexible, interprétable. Il évolue. Il s’adapte à la réalité, aux circonstances du quotidien. Des sujets comme la propriété intellectuelle et le droit d’auteur sont contraints de s’adapter à l’environnement digital et aux défis que présente l’évolution technologique. L’art et le droit sont donc liés et en constante interaction. C’est en partie cela qui m’a poussé à m’intéresser au droit initialement».
 
 
Un but européen
En 2003, le musicien reçoit un courrier de la part du ministère de la Culture lui demandant s’il souhaite rejoindre le conseil d’administration de la Rockhal. «J’ai évidemment tout de suite accepté». En 2004, l’établissement public est constitué. «En prenant le poste de directeur général en mai 2005, cela me permettait de mettre mon énergie au bénéfice du développement du potentiel que je voyais dans le projet de la Rockhal », dit-il en souriant.
En tant que directeur, son rôle principal et quotidien est d’avoir une vision et de développer avec son équipe une stratégie à atteindre. Il doit aussi donner un environnement propice à son équipe afin qu’elle puisse tout mettre en œuvre pour réaliser les projets. Il est également très impliqué dans l’établissement de partenariats de différentes natures, tant commerciaux que relationnels. «Ceux-ci nous font avancer et nous mettent sur le plan d’attention à un niveau européen. Cela a toujours été important pour nous et je continue à travailler d’arrache-pied dans ce sens. Nous sommes en Europe, je ne peux pas seulement me focaliser sur le marché national». La Rockhal vise en effet d’abord le marché national, de la Grande Région ensuite, et européen pour terminer. «Nous devons nous positionner en Europe. En dix ans, nous avons réussi à faire d’une petite salle dans un petit pays, une salle connue de tous les professionnels et d’une grande partie du public en Europe. C’est cela qui nous donne une énorme satisfaction. Nous avons été nommés en 2013 et en 2015 comme l’une des cinq meilleures salles d’Europe», annonce-il fièrement. «C’est très gratifiant».
 
 
Aider les artistes à se développer
La Rockhal fêtera son 10e anniversaire le 16 octobre. Olivier Toth fouille à l’occasion dans la boîte à souvenirs. «Nous n’avons pas chômé. Nous étions 12 personnes à faire l’ouverture en 2005. Aujourd’hui, nous sommes 32. Il doit rester une bonne petite demi-douzaine de personnes de l’équipe initiale», calcule-t-il. « Les débuts étaient très intéressants, et même spectaculaires par moments. Le site était désert, il n’y avait qu’un petit chemin menant à la Rockhal. Ensuite, nous avons vu grandir le site et notre activité. Nous avons développé beaucoup de projets grâce au Rocklab». L’ancien Centre de ressources est effectivement un lieu de rencontre, d’échange, d’apprentissage, de mise en réseau, etc. «Nous faisons la promotion de la créativité et montrons qu’elle n’a pas de limites. Cet endroit est très important pour nous. Il donne un espace à la scène luxembourgeoise».
Promouvoir les artistes luxembourgeois est l’une des missions importantes de la Rockhal. Cela tient également à cœur à Olivier Toth. «A travers différents outils, nous essayons non seulement de les promouvoir, mais également de les aider à se développer. L’image du catalyseur me plaît beaucoup. Nous ne sommes pas une école, une agence de casting ou des agents. Par contre, nous attendons d’un artiste qu’il ait un projet, une stratégie et des buts. Nous l’aidons ensuite à les atteindre et à mieux les planifier. C’est notre point fort».
Pour y arriver, il faut idéalement une personne suivant cette stratégie pendant que l’artiste consacre la majeure partie de son temps à être créatif. «C’est pour cela que j’ai commencé à m’investir plus récemment dans le Music Managers Forum Luxembourg et le International Music Managers Forum. C’est un groupement de managers d’artistes. A mon avis, il est essentiel que l’artiste ait à ses côtés une personne de confiance qui l’aide à bien diriger sa carrière. Au fil des 25 dernières années, j’étais en permance actif dans le domaine de la musique, dans mon temps libre comme artiste, en produisant nos enregistrements et aujourd’hui dans ma fonction à la Rockhal. Petit à petit, on acquiert une belle expérience et on finit par entendre très vite ce qui sonne bien ou pas. Je peux vous dire après une ou deux chansons si un artiste a du potentiel». A la question «Vous êtes-vous déjà trompé?», il répond: «Bien évidemment, cela fait partie du métier». De nombreux facteurs entrent ensuite en jeu. «Je suis convaincu que si un artiste veut se développer, il doit, en plus d’avoir du talent, travailler très dur, être déterminé et persévérant pour établir son activité. Au Rocklab, nous prenons le temps de discuter avec les artistes pour mettre à leur disposition notre savoir théorique de stratégie, d’objectifs, etc. pour développer leur carrière. Cela m’arrive aussi d’avoir des entretiens avec des artistes qui peuvent aller au-delà de ce que le Rocklab propose, de les mettre en relation avec des personnes qui pourront les aider à développer leurs activités».
 
 
Continuer la musique autrement
Ancien membre du groupe Low Density Corporation, Olivier Toth continue principalement à jouer de la musique avec ses deux jeunes enfants et reste impliqué dans des projets sporadiquement. «Je possède un petit studio à la maison. Je pense que si vous êtes une personne créative et que vous avez eu l’occasion d’exprimer cette créativité, elle ne vous quittera pas et vous ne la quitterez pas non plus. Il y a toujours des moments où il faut qu’elle sorte», s’esclaffe le musicien. Il continue donc à pratiquer son instrument fétiche, le synthétiseur. «Sans oublier l’ordinateur!», s’exclame-t-il. «Je suis fasciné par le travail de production en studio».
Quand nous lui demandons pourquoi le groupe n’existe plus, Olivier Toth nous répond que le projet est en veille, le temps disponible étant devenu un facteur rendant les choses difficiles. «La vie professionnelle prend une énorme partie de votre temps. Cela vous arrivera de rentrer chez vous le soir et de ne pas avoir la tête libre pour la créativité de composition notamment car vous vous rendez compte que vous êtes en fait en train de penser à un autre projet. Très souvent, une idée pour un projet que je veux mener à la Rockhal me traverse l’esprit le soir. Composer de la musique me vient plus difficilement. Le volet de la production musicale me passionne pour l’instant. Sommes toutes, j’ai énormément d’idées à réaliser et je vis ma passion pour la musique autrement mais je continue à la vivre à travers de nombreuses facettes», conclut Olivier Toth, satisfait.    CD

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