«Nous sommes au sein d’un système vertueux»

L’intention qui a présidé la création de l’INFPC était de doter l’économie luxembourgeoise d’un outil de promotion et de développement de la formation professionnelle continue, au sein même des entreprises. Après bien des évolutions, son directeur, Dominique Matera, nous dresse un panorama du système mis en place au Grand-Duché, en abordant les sujets du public, des organismes de formation et des enjeux de la formation professionnelle continue.
Créé en 1992, l’Institut national pour le développement de la formation professionnelle continue visait, à l’origine, à professionnaliser la fonction formation en entreprise, pour développer des compétences en interne. «En effet, à l’époque, la question des besoins en nouvelles compétences se traitait le plus souvent en termes de recrutement», précise Dominique Matera. «Développer les compétences de leurs propres salariés en interne était une possibilité, mais la méthodologie pour le faire n’était pas suffisamment maîtrisée par les entreprises». Au fil des ans, les missions de l’INFPC ont évolué. L’attention à l’accès individuel à la formation s’y est ajoutée, notamment par la promotion du congé individuel de formation, du congé linguistique ou encore de la validation des acquis de l’expérience.
Parallèlement à l’activité de promotion de la formation, l’INFPC s’est attelé à rendre l’offre de formation plus visible et plus lisible. L’institut a donc structuré cette offre, afin qu’elle soit accessible au plus grand nombre. La finalité: instaurer un changement de mentalité afin de faire passer la formation continue dans la culture économique du pays. «Nos missions nous ont poussé à développer une activité d’information importante qui a abouti à la création du portail lifelong-learning.lu: un outil incontournable, à la fois de promotion et d’utilité pratique» explique le directeur. «Tout y est renseigné, tant pour les entreprises que pour l’individu».
Une autre activité majeure de l’INFPC réside dans la gestion du dispositif de cofinancement de la formation professionnelle continue. En effet, depuis 2000, l’Etat soutient financièrement l’effort de formation des entreprises. Celles-ci doivent d’une part déposer des demandes de cofinancement structurées et d’autre part, en amont de ces formulaires, se doter de plans de formation. Les tâches de l’INFPC consistent essentiellement à accompagner les entreprises dans le processus d’accès au dispositif et à instruire les demandes de cofinancement.
 
Enfin, l’INFPC poursuit, depuis 2009, le développement de son Observatoire de la formation qui vise à fournir des éclairages aux différents acteurs oeuvrant sur le champ de la formation tout au long de la vie.
 
L’aide de l’Etat bénéficie à la moitié des salariés de l’économie privée
 
En 2013, environ 1.550 entreprises sont concernées par l’aide financière de l’Etat à la formation, ce qui représente un peu plus de la moitié de l’effectif salarié privé de l’économie luxembourgeoise. Dominique Matera nous précise cependant: «Plus les entreprises sont petites, moins elles sont touchées par le cofinancement. Attention, je ne veux pas dire qu’elles n’organisent pas de formation, mais elles ne possèdent pas forcément un plan de formation structuré permettant de s’adapter facilement aux exigences du formulaire de demande de cofinancement».
 
Selon les chiffres de 2013, un salarié assiste, en moyenne, à 4,3 formations par an. On observe que ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus élevées qui bénéficient le plus de la formation. Par exemple, les dirigeants suivent, en moyenne, 6,6 formations sur l’année. Ce chiffre est de 5,7 pour les cadres, 4,3 pour les salariés qualifiés et tombe à 2,3 pour les salariés non qualifiés. Par ailleurs, les hommes suivent davantage de formations que les femmes, mais la différence est extrêmement minime. «On s’aperçoit également que les salariés seniors, ou 45+, bénéficient moins de formations, avec une moyenne diminuée à 3,7 formations sur l’année, bien que l’Etat appuie cette catégorie de salariés à travers une aide supplémentaire qui leur est spécifique» précise Dominique Matera.
 
Alors que les entreprises gardent généralement un budget formation assez constant depuis 2008, la tendance actuelle est de réaliser des formations plus nombreuses, mais de plus courte durée.
350 organismes de formation actifs
«Selon une enquête menée en 2014 par l’Observatoire de la formation, qui étudie l’activité de formation pour l’année 2013, il y aurait 350 organismes de formation actifs dans le pays. Ce sont soit des structures privées, soit des ASBL ou encore des organismes institutionnels ou sectoriels, notamment les chambres professionnelles» développe Dominique Matera. Il ajoute «Les organismes privés représentent 80% des organismes présents sur le marché luxembourgeois. Il s’agit surtout de structures de moins de cinq salariés».
 
Au niveau du type de formation, la tendance est à la spécialisation. En effet, 89% des organismes de formation délivrent de la formation sur mesure et 58% de la formation catalogue. En d’autres termes, les organismes de formation s’adaptent aux exigences spécifiques des entreprises et proposent des formations adaptées à leurs besoins. Les domaines de formation les plus proposés sont ceux du développement personnel et professionnel, de la gestion d’entreprise et des ressources humaines, et puis également sur les thèmes de la finance, de l’assurance et du droit.
 
 
Qualité et anticipation en ligne de mire pour le pays
 
A la question «la situation du Luxembourg en matière de formation continue est-elle enviable par rapport à celle de ses voisins européens?», Dominique Matera est enthousiaste: «bien sûr, elle l’est sans aucun doute! Toute une panoplie d’outils au service des entreprises et des individus est en place et les différents acteurs sont mobilisés. L’Etat, en particulier, a activement participé à son développement depuis une vingtaine d’années. Selon moi, nous sommes en présence d’un système vertueux, où la formation continue améliore non seulement le capital humain mais sert largement le développement économique».
Avec comme résultat que l’objectif initial de l’INFPC est en voie d’être atteint: depuis la mise en œuvre du dispositif législatif en 2000, les entreprises ont largement professionnalisé leurs pratiques de formation. Les demandes de cofinancement sont récurrentes et la structuration de la formation est en place pour servir la stratégie de l’entreprise.
 
Il reste au Luxembourg à développer la qualité en matière de formation, un maître-mot pour les années à venir. Le pays doit se mettre au diapason européen et se doter notamment de dispositifs de certification et d’accréditation, que ce soit à l’échelle des organismes de formation ou des formations. «En parallèle, il nous faut anticiper l’évolution des métiers, anticiper les compétences qui seront demandées dans le futur» ajoute-t-il. «Certaines entreprises le font déjà, mais on pourrait imaginer une réflexion nationale sur le thème « Quels seront les métiers de demain? » et ainsi ne pas attendre que les emplois nouveaux soient en place». Prévoir les talents qui seront nécessaires pour répondre à l’évolution du marché du travail, et ainsi les formations qui y seront liées: une bonne idée qui, espérons-le, se concrétisera.