Produire du gaz vert: une idée brillante, mais à quel prix?

Après presque cinq années de fonctionnement, à traiter des déchets organiques et à injecter du biométhane dans le réseau, la centrale biogaz Naturgas Kielen est fière d’être le premier producteur de ce genre du pays. Elle est toujours ouverte à de nouveaux clients qui voudraient revaloriser leurs déchets organiques. Cependant, la compagnie regarde son avenir avec inquiétude: l’adaptation du système de commercialisation tarde à s’effectuer. Rencontre avec le directeur des lieux, Nico Godart.
Fondée en 2004 par une coopérative agricole de plusieurs agriculteurs, Naturgas Kielen est une centrale biogaz innovante qui injecte du biométhane dans le réseau de gaz naturel existant grand-ducal. L’installation fait fermenter des matières organiques: des produits et sous-produits agricoles tels que du fumier et du lisier, ainsi que des déchets organiques qui viennent des villes ou bien de l’industrie alimentaire et fourragère. «Nous pouvons traiter les déchets alimentaires périmés, de restauration, de cantines d’école, de garderies ou bien de cafétérias d’entreprises, mais également les déchets des collectes de poubelles organiques de plusieurs communes et syndicats intercommunaux ainsi que la tonte de gazon. Si une entreprise ou une commune désire revaloriser ses déchets, c’est un excellent moyen de s’y prendre» explique Nico Godart.
 
«Ce sont des bactéries qui, dans des cuves digestives, transforment la matière organique en biogaz. Concernant ce procès biologique, la seule chose que nous aillons à faire en tant que main d’œuvre humaine est de contrôler et d’analyser que cette transformation se déroule correctement; bien entendu après la séparation des matières inertes non organiques des matières premières» décrit le directeur des lieux.
Le biogaz obtenu à partir des matières organiques fermentées est ensuite purifié afin de devenir du biométhane, un “gaz vert“ d’une très haute qualité. «Par rapport à la cogénération, l’avantage du biométhane est qu’il peut être transformé n’importe où, en n’importe quelle énergie, soit thermique pour chauffer les bâtiments, cinétique qui permet aux voitures de rouler, ou électrique et ceci sans avoir des pertes» ajoute-t-il. Actuellement, Naturgas Kielen injecte ce biométhane obtenu dans le réseau national de gaz, c’est-à-dire dans la même conduite que le gaz naturel, une source d’énergie fossile, car ils sont de même qualité.
 
Les déchets sont donc transformés en énergie renouvelable, mais ce n’est pas tout. Les dépôts laissés après l’opération de fermentation sont ensuite répandus sur les champs. Les surfaces agricoles bénéficient ainsi des nutriments restants, par ce système circulaire! Rien n’est donc superflu dans ce processus très écologique.
 
Première du genre au Grand-Duché, Naturgas Kielen n’est aujourd’hui plus seule sur le marché, «mais il y a assez de matières premières pour tout le monde» dit Nico Godart en souriant, «nous ne nous faisons pas tellement de concurrence, nous sommes plutôt des confrères en plus nous avons à nous battre avec les mêmes problèmes».
Les clients potentiels sont les bienvenus chez Naturgas Kielen, qui accueillera avec plaisir les communes et entreprises dont les déchets organiques sont une préoccupation. N’hésitez donc pas à les contacter si vous désirez trouver des solutions écologiques.
 
 
Une belle idée à la commercialisation incertaine
Les producteurs de biométhane comme Naturgas Kielen font face à un grand problème: celui du système de commercialisation défini par le gouvernement en 2011.
«En 2004, nous nous sommes réunis en coopérative afin de fonder Naturgas Kielen. A l’époque le modèle de purification du biogaz et d’injection du biométhane était totalement inconnu au Grand-Duché. En 2005, nous avons contacté plusieurs ministères pour savoir si notre projet d’une centrale biogaz différente les intéressait. Ils étaient enthousiasmés par ce modèle, mais à ce moment-là il n’existait pas encore de législation réglant la production et commercialisation. Le gouvernement a donc commencé à profiler un tel système non seulement pour les producteurs mais aussi pour les bénéficiaires, c’est-à-dire les distributeurs/fournisseurs de gaz. Entre temps, encouragé par plusieurs représentants du gouvernement d’avancer le projet, nous bâtissions notre centrale sans toujours savoir sous quelles conditions détaillées nous pourrions commercialiser notre biométhane. Malheureusement ceci est valable pour toutes les installations de ce genre» explique Nico Godart.
Le système de commercialisation actuel pour l’achat de biométhane n’est pas adapté à la réalité. Une révision du calcul est heureusement en cours. Mais cela prend beaucoup de temps. Naturgas Kielen ainsi que les autres producteurs se retrouvent étranglés financièrement pendant cette longue attente. «L’étude lancée en 2013 a bien constaté que la valeur de rémunération pour le biométhane était insuffisante considérant les conditions du secteur. Même si le gouvernement a annoncé en novembre 2014 qu’il a décidé de supporter ce genre d’énergie renouvelable et qu’il va pour cette raison adapter les conditions à partir du 1er janvier 2015; la révision tarde car le nouveau texte pour améliorer la commercialisation est actuellement coincé pour validation à la Commission européenne à Bruxelles. Pour l’instant nous n’avons aucune nouvelle de quand et/ou comment le texte sera approuvé, nous sommes donc très préoccupés».
 
Les acteurs privés de production de biométhane du pays désirent que les choses s’accélèrent enfin. Ils aimeraient voir le Gouvernement presser les instances européennes, afin que celles-ci donnent leur accord et que cette révision salutaire soit acceptée avant les congés d’été 2015. Cette adaptation leur permettra d’enfin sortir du flou et de se concentrer sur leur métier: rendre notre planète un peu plus écologique.
 

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