La Finance d’impact : vision, stratégie et mesure

La conférence organisée par SELECTRA Management Company S.A. a réuni des acteurs majeurs de la finance venus expliquer l’importance d’une nouvelle orientation économique. Trois des conférenciers ont bien voulu se prêter au jeu de l’interview croisée: Anne Contreras Avocate chez Arendt & Medernach, Annemarie Arens Directrice Générale de Luxflag et Fabio Salviato Directeur Général de SEFEA.
 
 
Même si la question peut paraitre provocante, cette nouvelle orientation qui tend vers une économie sociale, n’est-elle pas une manière pour la finance de se racheter une nouvelle conduite?
 
FS: C’est une bonne question. Nous nous trouvons dans la huitième année de crise qui n’est pas seulement financière mais globale. Elle touche également des secteurs comme l’environnement et le social; nous devons donc trouver de nouvelles solutions. Il faut essayer de comprendre que l’unique alternative est celle qui prend en compte l’aspect social. L’entrepreneur qui se lance dans les marchés avec l’unique but de faire du profit a une logique destructrice. Des institutions de la Communauté Européenne comme la banque d’investissement, tentent de trouver des solutions dont les fonds d’investissements responsables en font partie.
 
AC: Je ne pense pas que nous puissions réduire la finance d’impact à une initiative des financiers qui emballeraient autrement les mêmes produits. Je crois que c’est un mouvement beaucoup plus large qui répond d’abord à la demande des investisseurs et pas uniquement à une offre des structures financières.
 
AA: D’autant plus que c’est l’investisseur qui définit le produit qu’il va financer. Il y a un changement de génération qui pousse à l’évolution et une prise de conscience collective. La nouvelle génération n’est pas uniquement obsédée par la performance du gain, elle se sent également concernée par les désastres socio-écologiques qu’elle voit dans les médias. À défaut de se déplacer pour apporter une aide manuelle, elle peut néanmoins procurer une aide financière.
 
 
Lors de la conférence, il n’était que très peu question des bénéficiaires de ces produits, pouvez-vous nous les présenter?
 
AA: Dans la micro finance, c’est l’investisseur qui pousse le projet. Il va par exemple nous expliquer que durant ses vacances, il a rencontré un entrepreneur avec un projet prometteur mais sans moyen de financement. Nous allons ensemble mettre en place un fond d’investissement. C’est l’objectif du “Luxembourg Microfinance Platform Fund”: financer de petits entrepreneurs avec des fonds à hauteur de 10.000 dollars maximum. On ne parle pas ici d’un investissement privé exorbitant mais bien de plusieurs investissements qui additionnés les uns aux autres, peuvent atteindre des sommes importantes. C’est comme cela que l’économie sociale est financée, la demande est faite par une identification et par des opportunités entrepreneuriales.
 
 
Y a-t-il une concurrence ou de la complémentarité?
 
AA: Ce n’est pas de la philanthropie non plus. Le premier souci d’un philanthrope, c’est l’exigence sociale, cela ne requiert aucune exigence de performance. Ici, les investisseurs veulent au minimum récupérer leur investissement à la fermeture du fond.
 
AC: Il est difficile de poser des définitions précises. La finance d’impact, c’est celle qui cherche un certain rendement financier mais qui reste raisonnable. Le rendement n’est pas uniquement financier, il se rattache aussi à un résultat autre qui peut aussi bien être la lutte contre la pauvreté que la protection de l’environnement. Toutes ces caractéristiques tissent un lien plus étroit entre l’investisseur et celui qui crée le produit.
 
FS: Il faut également expliquer qu’il y a encore une dizaine d’année, on pensait la micro finance comme exclusivement réservée à l’hémisphère sud. Aujourd’hui, l’Europe compte 48 million de personnes considérées comme pauvres. Nous sommes en train de développer de nouveaux outils de communication, de nouveaux systèmes, de nouveaux instruments pour des personnes qui veulent participer à ce mouvement mis en place.
 
 
Ne craignez-vous pas qu’à la longue, les investisseurs se détournent de l’économie sociale pour retourner vers un outil plus rentable. La finance d’impact est-elle une mode qui par définition serait vouée à l’éphémérité?
 
FS: C’est la qualité des fonds qui le déterminera.
 
AC: Je suis d’accord et il y a encore beaucoup de travail à faire. Nous travaillons sur un certains nombre de questions relatives aux objectifs à atteindre. Comment y arriver et par quel moyen peut-on en mesurer les effets? Cependant, le fondamental ne disparait pas pour autant; le bien-être et l’insertion dans la société sont des sujets sur lesquels on ne peut pas fermer les yeux.
 
AA: Il y a de plus en plus de grosses compagnies qui appliquent des principes majeurs parce que montrer à leurs clients l’impact environnemental et social lors de la présentation de leur bilan est devenu une plus-value.
 
 
Pour conclure, quel serait votre message fort?
AA: Mon message à la presse serait d’en parler plus fréquemment. Expliquer l’importance de ne pas penser uniquement en termes de performances mais assimiler aussi d’autres repères dans nos modes de réflexions. La crise financière nous a démontrée que plus la performance prévaut, plus il y a de produits synthétiques qui forment un risque.
 
FS: Il faut dire aussi que les enjeux écologiques sont devenus d’une telle importance que c’est la première fois dans l’histoire qu’on se retrouve ainsi, au pied au mur. Prenez la Chine qui compte 250 millions de familles; imaginez maintenant que ces familles adoptent un mode de consommation occidental. Bien évidemment, la modernité ne saurait être réservée qu’à une partie de l’humanité seulement et c’est pour cela qu’il nous faut revoir nos modes de fonctionnement.   JuB
 
 

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