Développer des produits durables et leur donner de nouvelles fonctionnalités

Chaux de Contern, l’un des plus grands fabricants luxembourgeois de produits en béton depuis un siècle, a élaboré une stratégie de développement durable contribuant à la préservation de l’environnement et au dynamisme de l’économie locale.
Interview de Carlo Spina, responsable gros oeuvre, et de Eric Klückers, directeur général.

Vous allez bientôt lancer un important programme de recherche et d’innovation en matière de construction durable, pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
EK: Pour ce projet, qui s’étendra sur trois années, nous envisageons un investissement d’environ trois millions d’euros. Il sera réalisé en collaboration avec plusieurs partenaires publics et privés, dont l’université du Luxembourg et le futur LIST, ainsi que des experts internationaux. Notre objectif est double: développer des produits durables et leur apporter des fonctionnalités supplémentaires.
Nous souhaitons trouver d’autres agrégats pour nos bétons. Notre principal fournisseur de matière première, qui nous livre des scories de haut-fourneaux, sera en rupture de stock d’ici deux ans. Nous devons donc trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. Nous pourrions remplacer ce laitier par du sable et du gravier, mais nous préférons également nous orienter vers des matériaux biosourcés comme le bois et le miscanthus.
Par ailleurs, le durcissement de la norme en matière de construction en 2017 constituera un grand défi pour les industriels du secteur. Toutes les nouvelles constructions devront alors être “classe A”. Pour obtenir les performances énergétiques requises, il est aujourd’hui indispensable de poser une façade isolante très épaisse constituée de polystyrène expansé, qui a le désavantage de ne pas être recyclable et d’être composé à base de pétrole. Nous cherchons donc des alternatives en travaillant avec l’université à la création d’un nouveau bloc isolant hybride.

 
Vous avez également évoqué votre volonté d’apporter de nouvelles fonctionnalités à vos produits. Quelles seraient-elles?
CS: Nous voulons créer davantage de valeur ajoutée autour de nos produits existants. Nous pourrions parler de propriétés anti-graffiti ou auto-nettoyantes et même de produits dépolluants, purificateurs d’air en ce sens qu’ils absorbent les monoxydes d’azote.
 
Qu’en est-il de votre politique en matière de recyclage?
EK: Le recyclage est, en effet, une autre filière à exploiter en matière de développement durable de notre entreprise. Nous avons prévu de recycler 100% de nos déchets de fabrication. Ces déchets proviennent de produits de second choix, de fins de série ou de lots qui n’auraient pas passé le contrôle de qualité. Ils sont stockés sur le site, concassés puis criblés. Ils servent ensuite de matière première à la fabrication de nouveaux produits béton.
Recycler sur notre site des déchets externes serait un pas supplémentaire que nous envisageons de faire, mais nous commençons déjà par travailler avec nos propres résidus.
CS: A l’avenir, nous souhaiterions aussi reprendre certains produits que nous vendons pour les réutiliser dans la composition de nouveaux produits. On peut imaginer, par exemple, qu’une commune qui veut rénover ses trottoirs, couverts avec nos pavés il y a trente ans, nous rende ces pavés et achète à la place de nouvelles dalles qui auront été fabriquées avec ses anciens produits.
EK: Cela nous amène au concept de “Cradle to Cradle” ou d’économie circulaire qui repose sur le constat que chaque produit peut servir, à la fin de son cycle de vie, à créer un nouveau produit. On peut très facilement appliquer ce principe au béton, qui est, à la base, un produit écologique, car il ne contient que des matériaux naturels (de l’eau, du sable, du gravier et environ 10% de ciment composé de marnes et de calcaire) et est recyclable à l’infini. Je soulignerai aussi que la production à Contern se fait entièrement à froid et demande donc peu d’énergie: la fabrication d’un bloc béton est quatre à cinq fois moins gourmande en énergie que son concurrent en terre cuite.
 
Votre gamme comprend-elle déjà des produits verts?
EK: Nous proposons, à l’heure actuelle, un bloc composé majoritairement de matériaux recyclés. A cela s’ajoutent différents produits auxquels on peut attribuer une étiquette verte, comme le verre cellulaire en vrac qui crée un radier isolant, le Territ®, un béton maigre à conductivité thermique qui permet de récupérer la chaleur des câbles à haute tension souterrains, les pavés écologiques ou le revêtement Ecosols®, qui est utilisé en revêtement de surface, même en zones vertes, et fonctionne comme un asphalte, tout en restant drainant c’est-à-dire en permettant aux eaux de pluie de s’infiltrer dans le sol. Ecosol® peut être utilisé pour la réalisation de chemins piétonniers ou de parkings, par exemple.
 
Quelle est l’étape suivante dans votre stratégie de développement durable?
EK: L’étape suivante serait la certification. Il existe toute une série de labels en Europe. Il va nous falloir choisir le bon pour pouvoir prouver à nos clients que nous avons une approche écologique. De plus, si demain ces critères deviennent obligatoires dans les cahiers des charges des donneurs d’ordre publics, nous aurions un certain avantage concurrentiel sur nos confrères étrangers.
Nos confrères étrangers qui ont, en plus, l’inconvénient de devoir transporter leur marchandise sur des centaines de kilomètres ce qui nuit à l’environnement, alors que nous sommes au coeur du marché: toutes nos matières premières proviennent de sources locales ou régionales, et nous vendons nos produits dans un cercle de 80 kilomètres.
Il est dommage que certaines communes qui ont adhéré au Pacte climat ou à l’Alliance pour le climat fassent venir leurs produits de loin. Nous lançons donc un appel à tous les donneurs d’ordre publics et privés à utiliser des produits locaux, qui contribuent réellement à l’économie luxembourgeoise, ce que nous-mêmes faisons directement en employant 160 personnes et indirectement par l’intermédiaire de tous les sous-traitants que nous occupons.
 
Où en est l’avancée de la nouvelle zone d’activités mixte que vous développez à Contern?
Elle est en train d’être réalisée sur deux terrains qui font partie de longue date du patrimoine de la société, l’un à l’Est de nos usines, l’autre un peu plus au Nord, regroupant 8 hectares au total. Le zoning sera commercialisé sous le nom de “Oak Park, Natural Solutions for Business”. La particularité du site est de permettre aux futurs occupants de s’installer en tant que locataires, propriétaires ou investisseurs, mais aussi de présenter une configuration mixte, exceptionnelle au Luxembourg, qui répond à la fois aux besoins en bureaux, en halls de production et en entrepôts. Le site est situé dans un environnement exceptionnellement vert à deux pas de la Ville et de l’aéroport. D’ici deux ans, nous aurons également une gare à 500 mètres.
 
 
 
 
 
 

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