«La réponse humanitaire n’est pas adaptée»

Tandis que la crise humanitaire au Proche-Orient explose, l’aide internationale diminue. Tel est le triste constat que dresse Martin Lagneau, directeur de l’entité luxembourgeoise de l’ONG Handicap International, laquelle a publié récemment une étude sur la situation humanitaire dans les camps de réfugiés syriens au Liban et en Jordanie. Interview.
Qu’est-ce qui caractérise l’«aide humanitaire» ?
Par «aide humanitaire», on entend des actions destinées à sauver des vies et à soulager une population de souffrances extrêmes liées à une situation de crise, qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit armé. Ces actions doivent s’appuyer sur un certain nombre de règles et de principes ancrés dans le droit international humanitaire, à savoir l’impartialité, l’indépendance et la neutralité.
Quelle est la «politique» d’Handicap International dans ce contexte ?
En situation de crise, le travail d’Handicap International s’inscrit dans un cadre général, même si l’ONG est spécialisée dans l’assistance des personnes les plus vulnérables. Elle aide à satisfaire les besoins essentiels de toutes les populations affectées par une crise sans distinction d’âge, de sexe ou encore de religion. Concrètement, l’aide peut être d’ordre logistique – comme le déblocage d’accès aux zones sinistrées -, d’ordre matériel ou des soins prodigués aux intéressés.
Ce qui nous différencie principalement des autres ONG est l’attention particulière que nous portons aux groupes les plus vulnérables. De manière imagée, je dirais que nous sommes ceux qui, face à une longue file d’attente de réfugiés, allons faire l’effort d’identifier les personnes qui sont systématiquement laissées pour compte et n’accèdent que très difficilement à l’aide. Paradoxalement, les personnes vulnérables sont celles qui ont le plus de besoins et le moins facilement accès à l’aide humanitaire. Il faut garder à l’esprit que 10% de la population mondiale est porteuse d’un handicap. Or le pourcentage de personnes avec des besoins spécifiques peut grimper à 30% lors de conflits ou catastrophes naturelles, comme c’est actuellement le cas dans les camps de réfugiés syriens au Liban et en Jordanie. La moitié des personnes vulnérables de ces camps ne sont pas en mesure de poser des actes de base du quotidien.
 
Quel est le ou les principal/aux terrain(s) d’action d’Handicap International à l’heure actuelle ?
Il s’agit sans conteste des conflits qui font rage au Moyen-Orient, principalement en Syrie où la situation s’est considérablement dégradée depuis peu. Au stade actuel des choses, l’on compte d’ores et déjà 200.000 morts – dont 100.000 dans les douze derniers mois -, et 3 millions de réfugiés depuis le début des hostilités il y a plus de trois ans, faisant de ce conflit la plus grande crise humanitaire depuis la création du Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en 1950, selon les dires mêmes de cette agence. Et tandis que la crise explose, l’aide internationale diminue.
 
Quelles sont les réalités sur place ?
La crise humanitaire et sanitaire ne cesse de s’aggraver, et devant l’ampleur de la tâche, les ONG ne savent plus où donner de la tête. Des ONG qui plus est, doivent faire face à une baisse de l’aide financière internationale, comme je le disais. Et même les agences des Nations unies sont affectées, à commencer par le Programme alimentaire mondial qui a dû diminuer son aide de 40% en octobre et de 60% en novembre.
 
Quelles sont les missions d’Handicap International, dans ce cadre ?
Aujourd’hui, les mécanismes de la réponse humanitaire sont très basiques, standardisés et généralisés ; ils se cantonnent trop souvent à la distribution de vivres pour le plus grand nombre. Le rôle d’Handicap International consiste à fournir une aide spécialisée, et à pousser tous les acteurs humanitaires à développer une réponse inclusive, c’est-à-dire une réponse qui permette aussi d’atteindre les personnes les plus vulnérables.
Il nous revient par ailleurs de faire du lobbying auprès des décideurs, afin de conduire ces derniers à renforcer les efforts tant politiques que financiers, à faciliter le travail des ONG et à garantir l’accueil et la protection des réfugiés dans les pays limitrophes.
 
Handicap International et HelpAge International ont publié récemment une étude sur le conflit syrien. Que faut-il principalement retenir de cette étude ?
L’étude que nous avons publiée porte sur les victimes cachées du conflit syrien, c’est-à-dire les personnes handicapées, blessées et âgées. Cette étude, qui s’appuie sur des données collectées auprès des réfugiés syriens des camps en Jordanie et au Liban, nous a permis d’établir des statistiques précises sur la situation humanitaire dans ces camps, à savoir le type de handicaps, de blessures et de maladies dont souffre la population et le nombre de personnes concernées tout comme d’identifier les besoins spécifiques. Une telle étude constitue une aide précieuse pour les décideurs, qui peuvent ainsi mieux définir l’ampleur de la réponse à donner et   les moyens à allouer aux ONG dans le cadre d’une mission donnée. PhR
 
 

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