Des disparités importantes
La corrélation entre la santé économique d’un pays et l’effort de formation n’est plus à prouver. Aussi, même si la dernière analyse sur l’effort de formation des entreprises au Luxembourg date de 2012, Dominique Matera, directeur de l’Institut national pour le développement de la formation professionnelle continue, s’attend à retrouver les chiffres d’avant-crise dans les prochaines études. Quant aux enseignements de cette analyse, force est de constater que les disparités selon les secteurs d’activité et la taille des entreprises sont importantes. Interview.
En 2012, les entreprises qui sollicitent la participation financière de l’Etat pour le financement du plan de formation investissent, en moyenne, 2,5% de leur masse salariale en formation, un niveau quasi-identique à celui de 2011 (2,4%). Dans un contexte marqué par la reprise économique, doit-on s’attendre à de meilleurs résultats pour les prochains exercices ?
Les investissements en formation des entreprises sont restés constants de 2009 à 2012, s’élevant, en moyenne à 2,3%/2,4% de la masse salariale, alors qu’ils se situaient à 3,4% en 2007 et à 3,1% en 2008.
Pour répondre à votre question, à mon sens, si les entreprises renouent avec la confiance, elles reviendront progressivement aux taux que l’on a connus avant la crise. En effet, c’est une dynamique cyclique de la part des entreprises: elles diminuent leur investissement en formation lors des ralentissements économiques et elles l’augmentent en phase de reprise.
Nous constaterons probablement une amorce de relèvement du taux d’investissement sur l’exercice 2014, mais plus sûrement sur l’exercice 2015.
Dans les moyennes et grandes entreprises, l’effort de formation est de 2,1%, contre 2,9% pour les très grandes entreprises, mais 4,3% pour les TPE. N’y a-t-il pas là un paradoxe ?
Non, cela n’a rien de surprenant. Pour les très grandes entreprises, les montants en jeu représentent des centaines de milliers d’euros, voire des millions d’euros, qu’il importe de relativiser lorsqu’ils sont rapportés à des masses salariales élevées.
En revanche, lorsqu’une très petite entreprise de moins de dix salariés investit ne serait-ce que 10.000 euros en formation, l’effet sur le pourcentage de l’investissement par rapport à la masse salariale est particulièrement marqué.
Par ailleurs, plus de la moitié des très petites entreprises étudiées appartiennent à des secteurs d’activité très formateurs tels que «Activités spécialisées, scientifiques et techniques», «Activités financières et d’assurance» et «Information et communication».
En outre, les formations suivies sont plus longues, donc plus coûteuses en frais de salaire.
L’effort de formation diffère beaucoup selon le secteur d’activité, vous venez de le dire. Ainsi, tandis que les entreprises du secteur «Transports et entreposage» investissent en moyenne 4% de leur masse salariale en formation, les entreprises du secteur «Activités de services administratifs et de soutien» investissent trois fois moins. Comment interprétez-vous ces résultats ? Quid des autres secteurs ?
Les entreprises actives dans le secteur «Transports et entreposage» sont soumises à une rude concurrence et doivent absolument innover si elles veulent rester compétitives. S’ajoute à cela une réglementation toujours plus sévère dans ce secteur, qui demande une adaptation constante de la part des entreprises face aux enjeux du développement durable. L’effort de formation est donc beaucoup plus élevé que dans d’autres secteurs d’activité. De plus, le coût d’une heure de formation, qui tient principalement aux frais de salaire des participants, compte parmi les plus élevés.
Si le secteur «Activités de services administratifs et de soutien» affiche un effort de formation peu élevé, c’est parce qu’il est fortement représenté par les entreprises de travail intérimaire. Or, compte tenu de la nature temporaire des contrats de travail, l’investissement en formation est, sans surprise, relativement faible. Il en va de même pour les entreprises liées aux activités de voyage, ou de nettoyage, qui sont peu formatrices et rémunératrices.
Le secteur « Activités spécialisées, scientifiques et techniques », quant à lui, est le deuxième secteur le plus formateur au Luxembourg, qui talonne celui des transports et de l’entreposage. Dans ce secteur, dont le cœur d’activité est l’innovation, il y a nécessité d’investir dans des formations pour une main d’œuvre hautement qualifiée, bien rémunérée, qui se doit de le rester.
En matière d’accès à la formation, il s’avère sans surprise que plus une personne active est diplômée, plus elle a accès à la formation. Or les femmes, statistiquement quasiment aussi diplômées que les hommes au Grand-Duché (48% contre 50,4%), suivent nettement moins de formation que leurs homologues masculins (3,8% contre 4,7%). Comment cela s’explique-t-il ?
Nous avons pu constater que dans les entreprises de moins de 250 salariés, les femmes suivent autant, voire plus de formations que les hommes. En revanche, la différence hommes/femmes à ce niveau est particulièrement marquée dans les grandes entreprises, à savoir les entreprises de plus de 1.000 salariés. Cela s’explique notamment par le fait que les femmes occupent 87% des emplois à temps partiel et que l’on peut aisément considérer que les employeurs ont tendance à former davantage les collaborateurs travaillant à temps plein.
Notons, par ailleurs, que ce sont les femmes les moins qualifiées qui accèdent le moins à la formation.
Pour finir, sans surprise, la tranche d’âge qui suit le plus de formations est celle des 25-45 ans, une tranche d’âge que les employeurs veulent fidéliser, mais qui est également celle où les charges et les responsabilités familiales sont les plus lourdes pour une femme.
… ce qui explique que les seniors – les plus de 45 ans, toujours d’après les résultats de l’étude, participent eux aussi sensiblement moins à des formations que les plus jeunes…
Le raisonnement est très simple. La formation a un coût, et les employeurs souhaitent rentabiliser ce coût. Pour ce faire, statistiquement, plus un collaborateur est jeune, plus la période de rentabilisation de l’investissement est longue. Aussi, les plus âgés font souvent les frais de ces calculs.