La directive AIFM, Pourquoi? Pour qui?

Après la directive sur les fonds d’investissement UCITS, c’est l’AIFMD qui vient renforcer un dispositif législatif visant davantage de contrôle et de transparence pour les fonds alternatifs. De quoi rassurer les investisseurs  et donner une opportunité nouvelle au secteur financier luxembourgeois d’ajouter une corde supplémentaire à son arc et d’encore mieux se positionner en devenant un acteur incontournable dans le domaine des fonds d’investissements qu’ils soient UCITS ou AIFM.
Interview de Pierre-Yves Augsburger, Administrateur chez Fuchs Asset Management et de Timothé Fuchs, Chief Executive Officer chez Fuchs Asset Management.
Quelle est la différence entre les directives AIFM et UCITS?
P.-Y.A: La directive UCITS est une directive ‘produits’ alors que la directive AIFM est une directive ‘managers’. Exprimé autrement, tous les fonds qui ne sont pas UCITS tomberont quasiment dans le cadre de l’AIFMD, comme par exemple le Private Equity, les fonds immobiliers ou les fonds alternatifs qui ne veulent ou ne peuvent pas pour des raisons réglementaires ou de stratégie d’investissement entrer dans un format UCITS.
Pourquoi les distributeurs de fonds alternatifs se conformeraient-ils à la directive AIFM?
T.F.: Il y a quelques années, les fonds offshore avaient le vent en poupe dans le domaine de l’alternatif, parce qu’ils n’étaient pas chers, permettaient d’être lancés très rapidement et pouvaient adopter une politique d’investissement tout à fait flexible Mais, avec la crise de 2008, les investisseurs européens se sont rendu compte de leur opacité et de leurs limites en termes de gouvernance. Ils ont donc eu tendance à les éviter progressivement. Les aspects  d’information aux investisseurs pouvant, dans certains cas, être aussi un problème, ainsi qu’une liquidité souvent difficile, ont achevé de les mettre à mal. Que le monde financier ait pris, depuis 2009, de nombreuses dispositions afin d’éviter certains domiciles jugés trop offshore a renforcé le besoin d’avoir un cadre réglementaire attractif en Europe pour domicilier ce genre de fonds. Aujourd’hui, la protection des investisseurs est un élément essentiel pour qui veut promouvoir son fonds de placement en Europe. Avec AIFMD, il s’agit de créer une norme européenne. Du reste, les futures directives comme UCITS V et VI iront dans le sens de ce qui a été adopté dans AIFMD.
Ensuite, cette nouvelle directive offre un passeport de distribution européen et ouvre ainsi un marché potentiel de 450 millions de personnes, sans devoir recourir au régime extrêmement compliqué du Private placement. En s’enregistrant dans un pays comme, par exemple, le Luxembourg et en y mettant la substance nécessaire, les gestionnaires et distributeurs ont accès aux 28 pays européens.
Enfin, se conformer à la directive est aujourd’hui obligatoire dès lors qu’on dépasse les seuils réglementaires.
Qu’est-ce qui changera pour eux avec l’introduction d’AIFMD?
T.F.: La CSSF ne demande plus seulement de la substance au sein de l’entité AIFM, mais exige que de la compétence soit logée au Luxembourg, c’est-à-dire qu’il faudra non seulement y avoir  du personnel mais, en plus, disposer d’une organisation adéquate, d’un système informatique performant, d’un Risk Management complet, etc. Les Conducting Officers devront, en plus de leurs compétences en adéquation avec le type de fonds gérés, désormais pouvoir justifier du temps passé à ses activités entrant dans le champ de l’AIFM.
Qu’est-ce que cette Directive peut apporter à la place luxembourgeoise?
P.-Y.A: Les fonds UCITS représentent quelque 2.500 milliards d’actifs au Luxembourg. Ils sont devenus un véritable ‘branding’ pour le pays, et cela s’étend bien au-delà des frontières. Les fonds alternatifs, quant à eux, représentent aujourd’hui 300 milliards.  Avec l’introduction de la directive AIFM, nous pouvons nous attendre à obtenir rapidement un doublement de ces chiffres. Tout d’abord, les règles trop compliquées du régime de placement privé et l’insécurité juridique liée à ce type de placement vont décourager de nombreux gérants étrangers de distribuer leurs stratégies aux investisseurs européens. Ils choisiront par simplification le format AIFM. Assurément, il s’agit d’un challenge très intéressant pour la place de Luxembourg d’avoir, à côté des UCITS, un nouveau ‘branding’ comme AIFM; cela  va permettre de développer le segment de la gestion alternative en Europe. Le Luxembourg a  su intelligemment développer une place internationale, forte de nombreuses compétences. C’est un point de départ nécessaire pour se faire un nom dans le domaine régulé par la nouvelle directive.
T.F.: Les professionnels de la place essaient de faire en sorte que, comme pour UCITS, quand on parle d’AIFM, l’on pense automatiquement à Luxembourg. Avec un gouvernement proactif, plus de 150 nationalités présentes auprès des acteurs financiers et des experts dans tous les domaines ayant trait au domaine des fonds d’investissement, le Luxembourg réunit tous les ingrédients pour y arriver. Le challenge sera cependant d’attirer à terme plus de compétences dans le domaine propre de la gestion (Asset Management). Ces compétences sont encore trop souvent sur des places comme Londres, Paris ou la Suisse.
Comment un gestionnaire doit-il s’y prendre pour vendre des fonds alternatifs en Europe?
T.F.: A partir du moment où il s’est enregistré auprès d’une autorité compétente, deux possibilités s’offrent à lui: soit distribuer son fonds lui-même, soit mandater une société tierce pour le faire.
Pourquoi déléguer la distribution et la gestion administrative à une société tierce?
T.F.: Simplement, pour se concentrer sur son métier de base et ses compétences, ainsi que sur les relations avec la clientèle. Mieux vaut déléguer les travaux liés à la gestion administrative à une société qui a l’expérience d’un certain nombre de fonds et de politiques d’investissement, et qui dispose des licences, de la substance et des compétences nécessaires pour s’occuper des volets administratif, légaux, taxes et reporting.
Le groupe Fuchs a obtenu sa licence au mois de juin 2014 pour pouvoir proposer ce genre de services à ses clients institutionnels. En quoi cette offre consiste-t-elle plus précisément?
T.F.: Fuchs Asset Management est une ‘Super Management company’ qui offre la substance, le reporting, la gestion des risques, les personnes qualifiées, le conseil, les licences aux gestionnaires étrangers ou aux gestionnaires locaux qui ne possèdent pas les licences nécessaires, ou ne veulent pas mettre la substance nécessaire à Luxembourg. Ainsi, chacun se concentre sur son métier de base.
Comment vous distinguez-vous des autres ‘SuperManco’?
T.F.: Nous avons une approche différente du fait de nos origines de gestionnaire de fortune indépendant. Fuchs Asset Management, avec sa nouvelle licence de ‘SuperManco’, se positionne  comme un chef d’orchestre pour une clientèle institutionnelle. En nous basant sur notre connaissance globale du marché, nous sommes en mesure de proposer un point d’entrée unique à nos clients sur une base de ‘win-win’ que ce soit pour les clients, pour les partenaires ou pour nous. Nous fonctionnons sur une architecture complètement ouverte. Nous nous assurons que le gestionnaire et le distributeur jouent leur partition. Nous nous mettons en relation avec les différents intervenants du fonds pour que celui-ci puisse être efficace tout en vérifiant que le ‘day to day’ soit en ordre et bien fait, et en apportant en plus notre expérience à nos clients. Nous faisons le lien avec les autorités, les administrations centrales, les avocats, les notaires, les fiscalistes, les banques. Nous chapeautons tous ces acteurs pour permettre à chacun d’exceller dans son domaine de compétences spécifiques et encore une fois de permettre à notre client de son concentrer sur son métier : la gestion et la relation client.
Nous avons pris du temps pour obtenir notre licence, parce que nous avons décidé de monter entièrement notre dossier nous-mêmes, de recruter au fur et à mesure les personnes compétentes pour chacun des points et des procédures à mettre en place afin que nous soyons prêts dès le premier jour comme si nous avions déjà traité de nombreux dossiers. Cela aussi fait une différence.
P.-Y.A: Un autre point important: comme c’est le cas dans les activités de gestion privée du groupe Fuchs, la société Fuchs Asset Management est totalement indépendante, ce qui nous permet de sélectionner pour nos clients les meilleurs prestataires en fonction de leurs desiderata et de leurs objectifs stratégiques.

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