Rajeunir son image de marque
Pour faire face à une clientèle toujours plus exigeante, Domaines Vinsmoselle adapte son offre et sa stratégie marketing: introduction de vin bio, ouverture de vinothèques, packaging personnalisé, events, participation aux foires internationales, et, surtout, montée en gamme, rien n’est laissé au hasard. Interview de Georges Schaaf, directeur de la coopérative Domaines Vinsmoselle.
Monsieur Schaaf, que regroupent Domaines Vinsmoselle, si l’on s’en réfère à son appellation?
Les Domaines Vinsmoselle, coopérative fondée en 1921, regroupent les anciennes caves de Greiveldange, Grevenmacher, Remerschen, Stadtbredimus, Wellenstein, de même que le Centre d’élaboration des Crémants POLL-FABAIRE à Wormeldange.
Ce ne sont ainsi pas moins de 300 familles de vignerons réparties sur 800 hectares qui ont adhéré à la coopérative, ce qui fait de nous le plus grand acteur sur le marché des vins luxembourgeois. Contrairement aux négociants de vins, nous ne vendons quasi-exclusivement que nos produits. En effet, notre philosophie est celle du « produire local, consommer local ». De par sa population éminemment internationale, le Luxembourg revêt un déficit d’identité, et il nous est très à cœur de chercher à unifier le pays.
C’est-à-dire?
Je considère que le vin peut être un élément unificateur. Je ne vais pas vous cacher que la consommation par capita est en régression, passant de 60 litres en 2003 à 50 litres dix ans plus tard. Notre clientèle traditionnelle, luxembourgeoise de souche, diminue, et il nous faut toucher une nouvelle clientèle, à savoir les résidents étrangers, qui ne connaissent pas forcément nos produits et qui sont très exigeants sur la qualité. Aussi, c’est avant tout sur la qualité que nous devons miser.
Nous sommes en passe de mettre en place un nouveau système de qualité avec une appellation d’origine protégée, qui verra le jour avec la récolte 2014.
Parallèlement, les différents acteurs luxembourgeois tant de la gastronomie, de la viticulture qu’encore de l’art doivent faire cause commune pour promouvoir leurs produits de grande qualité mais trop souvent méconnus ou laissés sur la touche à la faveur de produits étrangers. C’est là que le bât blesse, et j’en appelle dès lors aux collectivités locales et aux acteurs économiques de faire le choix du « made in Luxembourg ».
Peut-on dire que vous souffrez de la concurrence, avec la proximité de la France, surtout de l’Alsace, et de l’Allemagne?
Avec nos voisins directs, allemands, les relations s’inscrivent sous le signe de la fraternité, nous avons les mêmes contraintes ; le vignoble allemand est lui aussi en perte de vitesse.
En revanche, les vins blancs étrangers, que ce soit les vins français, d’Europe du Sud ou du «Nouveau Monde» – notamment l’Australie, l’Afrique du Sud ou encore le Chili, sont clairement des concurrents.
Nous tirons cependant notre épingle du jeu en proposant des vins affichant beaucoup de fraîcheur, d’acidité et de fruité, qui nous permettent de récupérer certaines catégories de clients. Quant aux crémants, c’est là notre grande force, comme en témoignent les produits POLL-FABAIRE, qui constituent 45% de notre chiffre d’affaires sur le Luxembourg.
J’imagine que les campagnes de sensibilisation, toujours plus présentes, invitant les consommateurs à faire preuve de modération dans leur consommation d’alcool, tant pour des raisons de santé que de sécurité routière, ne doivent pas arranger la donne…
Effectivement, la pression est toujours grandissante, mais ces campagnes sont nécessaires, et en tant qu’acteur dans la filière du vin, nous avons un devoir de responsabilité. Au secteur de la restauration d’une part, et aux viticulteurs et cavistes, d’autre part, d’innover en proposant du «vin à emporter» ou des formats de plus petite taille. En ce qui nous concerne, nous avons déjà adapté nos produits et nos mono-formats, et continuons de développer en permanence de nouveaux produits.
Le marketing devient une arme incontournable?
Nous devons effectivement augmenter la notoriété et l’image de marque des vins luxembourgeois, qui ne rencontrent pas le succès des crémants, d’où la volonté d’introduire l’AOP que j’évoquais. Ce qui est plus important encore que le marketing à proprement parler, c’est de réorienter notre stratégie vers de nouveaux produits. En effet, contrairement aux Luxembourgeois, les résidents affichent une nette préférence pour le vin rouge voire également le vin rosé, ce qui nous fait «perdre» deux tiers des clients potentiels. Aussi, nous sommes en train de promouvoir l’encépagement du Pinot Noir qui peut se décliner tant en vin rouge qu’en vin rosé.
Pour satisfaire une frange des consommateurs de plus en plus tournée vers la protection de l’environnement, nous nous sommes lancés dans le bio sur 5 ha de vignoble, et la première récolte s’effectuera cette année.
Précisons que, dans le cadre de notre stratégie marketing cette fois-ci, nous avons ouvert quatre vinothèques le long de la Moselle luxembourgeoise et Vinocity dans la capitale. S’ajoutent à cela nos efforts en termes de packaging – que nous nous proposons de personnaliser sur demande – et notre participation à des concours internationaux dont le but est de rajeunir notre image de marque.
Nombreux sont les amateurs de vin qui s’accordent à dire que les vins luxembourgeois ont beaucoup progressé ces quinze dernières années, d’un point de vue qualitatif…
La raison est très simple, le savoir-faire s’est nettement amélioré. Beaucoup de jeunes vignerons luxembourgeois sortent de grandes écoles vinicoles de Bordeaux, Champagne ou de Geisenheim dans la Hesse.
Nous avons chez Domaines Vinsmoselle des maîtres-cavistes français, allemands, luxembourgeois, et cet esprit pluriculturel qui prévaut dans d’autres secteurs d’activité fait également la force dans le nôtre.