Une nécessaire réorientation du débat
110 agents immobiliers, promoteurs et syndics de copropriété, sur quelque 400 professionnels en activité, font partie de la Chambre immobilière qui est la garante du professionnalisme de ces métiers et vise à encourager la création de conditions réglementaires propices au dynamisme du secteur.
Tour d’horizon des problématiques soulevées par cette fédération et des propositions faites pour y répondre avec son président, Jean-Paul Scheuren.
Par quelles actions la Chambre immobilière favorise-t-elle le professionnalisme de son secteur?
Nous avons élaboré en 2012 un code déontologique auquel tous nos membres sont soumis, ainsi qu’une charte de qualité, pour encourager une concurrence saine. Nous avons également mis en place une commission de discipline qui permet aux clients mécontents de déposer une réclamation. Il s’agit d’une procédure extrajudiciaire où nous tentons de concilier les intérêts des deux parties.
Nous agissons par ailleurs en faisant du lobbying pour que la réglementation soit favorable au développement de notre secteur.
Nous travaillons actuellement à la création d’une bourse professionnelle qui sera lancée en fin d’année. Cette initiative devrait dynamiser les ventes et augmenter le nombre de mandats exclusifs. Nous planchons aussi sur la mise en place d’un système de formation professionnelle débouchant sur un BTS dédié aux métiers de l’immobilier et, parallèlement, sur un programme de formation professionnelle continue.
Quelles tendances observez-vous sur le marché de la promotion qui compte pour un tiers des ventes?
Nous ne parvenons aujourd’hui pas à produire suffisamment pour répondre à la demande car nous sommes à défaut de nouvelles autorisations. Et ce, à cause de procédures trop longues, et d’un certain manque de flexibilité.
Cherchez-vous par conséquent à infléchir la réglementation sur les procédures d’autorisation? Dans quel sens?
Cela fait cinq ans que nous communiquons sur ce sujet et nous sommes passés, dans ce laps de temps, d’une approche du marché totalement tournée vers la demande, à une politique plutôt orientée vers l’offre qui doit, de notre point de vue, rester suffisamment soutenue pour ne pas aboutir à une explosion des prix. Nous sommes à l’origine de ce changement de paradigme au niveau de la politique du logement, même si nous en sommes encore au stade des discours.
Quelle est votre opinion sur le durcissement de la législation en matière d’efficacité énergétique?
Le passeport énergétique a été introduit en 2008 et nous avons félicité le gouvernement pour l’avoir fait. On nous demande d’aller vers la classification A+ d’ici janvier 2017. La question qui se pose donc aujourd’hui est de savoir si le marché luxembourgeois va réussir à produire des maisons à énergie positive à moindre coût par rapport aux standards actuels. A mon avis, non. Une maison A coûte 8 à 10% de plus qu’une maison B ; ce chiffre monte à 15-20% pour une maison A+. Nous pensons qu’une réflexion sincère doit être menée sur la justification de cet écart de prix par rapport aux économies d’énergie réalisées, si l’on considère que le prix du logement est un problème dans notre société, et qu’il faudrait éventuellement revoir le calendrier de mise en oeuvre.
Y a-t-il suffisamment de logements sociaux au Luxembourg selon vous?
Sur 220.000 logements, seuls 3.000 sont à coût modéré. Pour nous, le débat autour du problème du logement est mal orienté: le problème ne vient pas seulement des prix qui seraient surfaits, puisque l’offre et la demande se rencontrent, mais il est bien plus large. Il est d’ordre social. Nous avons, en effet, constaté que les revenus les plus modestes contribuent jusqu’à 50% de leur budget à leur logement et que le nombre de propriétaires est inversement proportionnel aux revenus. En janvier 2011, nous avons présenté aux instances politiques un nouveau modèle, économiquement soutenable, qui permettrait de financer les 15.000 logements locatifs à coût modéré qui manquent selon nous. L’idée est de créer des unités qui seraient louées à 75% du prix du marché avec une option d’achat au bout de dix ans, à un prix prédéfini. Elles seraient financées par le biais du levier fiscal. Le loyer payé entre-temps serait fixe, ce qui permettrait aux locataires de mettre de côté l’argent gagné en vue de l’achat de leur appartement.
J’insiste sur le fait que nous avons un retard énorme. Sachant que nous produisons 3.000 unités par an, tous types de logements confondus, il nous faudrait cinq ans pour créer les 15.000 logements dont je viens de parler si nous ne faisons que cela. Pour y parvenir, nous avons besoin de procédures simplifiées et de volonté de mettre en place de nouveaux modèles. Nous espérons pouvoir discuter de notre projet avec le prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur. MT