Un challenge commun

Mettre en œuvre une politique qui vise à infléchir le coût du foncier vers le bas, à augmenter l’offre de logement social et à encourager la création d’habitations durables ne peut pas se faire sans les communes, ni sans les promoteurs privés d’ailleurs. C’est ce qui ressort des propos que nous a livrés Marco Schank, ministre du Logement.

Quel rôle les communes ont-elles à jouer dans la mise en œuvre d’une politique foncière?

Les communes jouent un rôle clé. Le logement est un challenge que le gouvernement, les promoteurs publics, les communes et les promoteurs privés doivent relever en commun.

Elles ont de grandes responsabilités, à commencer par celle de façonner le PAG, donc de décider de la stratégie locale de développement immobilier et  infrastructurel.

Je rappelle également qu’elles peuvent se constituer promoteur public et bénéficier ainsi des mêmes aides étatiques que la SNHBM ou le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat (FdL) pour l’acquisition et la viabilisation de terrains en vue d’y construire des logements à coût modéré. Avec les aides existantes, une commune peut faire de petits miracles. Par exemple, lorsque j’étais bourgmestre, nous avons réalisé un projet à Eschdorf où nous avons pu vendre des terrains entre 8.000 et 17.000 euros l’are à nos citoyens alors que le promoteur privé qui détenait les terrains situés juste en face les a vendus 35.000 euros l’are.

Depuis l’introduction du Pacte logement en 2008, les communes ont la possibilité d’avoir recours au droit de préemption, donc d’être prioritaire pour l’acquisition d’un bien.

Elles peuvent aussi user du droit d’emphythéose et du droit de superficie dont le but est de neutraliser le coût du foncier en vendant à l’intéressé un logement tout en mettant à sa disposition le foncier sur base d’une location d’une durée maximale de 99 ans.   

Enfin, la loi de 2004 portant sur l’aménagement communal et le développement urbain prévoit l’obligation, pour chaque terrain de plus d’un hectare, au moins 10% de la surface à bâtir nette ou au moins 10% des logements y construits soient réservés à la réalisation de logements à coût modéré.

Par ailleurs, les communes peuvent, dans la convention PAP à passer avec le promoteur, définir toute une panoplie de mesures ayant pour but de réduire le prix du foncier: les réserves foncières, l’obligation de construire, le remembrement urbain, etc.

Depuis le lancement du Pacte logement, combien de communes l’ont signé? Et combien de logements ont été réalisés?

Le bilan est très positif. 98 communes l’ont signé à ce jour sur un total de 106 et se sont ainsi engagées à créer 52.780 logements d’ici 2021, dont 31.700 unités sont déjà achevées, en construction ou le seront à court terme. De 2008 à 2012, l’Etat a investi 156 millions d’euros qui ont été versés aux communes et nous atteindrons 205 millions d’euros d’ici la fin de cette année.

Le Pacte logement accorde le droit aux communes d’instaurer une taxe spécifique sur les terrains et immeubles vacants. Seules 4 communes en ont fait usage. Nous avons récemment signé, le ministre de l’Intérieur et moi-même, un règlement-type pour encourager les communes à avoir recours à ce dispositif.

Les données relatives au Pacte logement sont actualisées tous les 3 ans par le biais d’un monitoring. Les prochains résultats sont attendus pour le 1er trimestre 2014.

Une des 21 mesures du Paquet logement, qui date de 2011, a été de créer la Société Nationale de Développement Urbain (SNDU) qui sert d’interface avec les communes. Quels sont les objectifs de cet organisme?

Le projet de loi afférent a été déposé le 5 décembre 2012 à la Chambre des Députés et les discussions seront à l’ordre du jour de la nouvelle Chambre des Députés.

Il s’agit d’optimiser l’organigramme du FdL qui a atteint ses limites en termes de capacité de production. Il convient donc de le doter d’organes de décision et de gestion plus rapides, permettant une meilleure répartition des tâches et des responsabilités.  

Une adaptation de la structure du FdL est, par ailleurs, devenue indispensable car un établissement public n’a pas la souplesse et la flexibilité dont il aurait besoin pour se développer et accomplir ses missions.

La nouvelle SNDU permettra d’améliorer et de fluidifier les processus d’exécution des différents projets d’aménagement, d’assister les communes dans la conduite de leurs plans d’aménagement, de créer des synergies pour réaliser des économies d’échelle et d’introduire une séparation stricte entre actions subventionnées et les opérations réalisées sur le marché concurrentiel.

Selon l’Observatoire Européen du Logement Social, le Luxembourg compte 2% de logements sociaux. Est-ce suffisant?

Je ne crois pas que ces chiffres soient exacts. Il y en a certainement plus et c’est la raison pour laquelle je viens de charger officiellement l’Observatoire de l’Habitat d’établir un listing de tous les logements financés ou cofinancés par des deniers publics.

L’essor de la démographie est énorme au grand-Duché. Chaque mois, la population augmente de 1.000 personnes environ, ce qui correspond à un besoin mensuel de 415 nouveaux logements, soit 5.000 par an! En 2010, le ministère de l’Intérieur a avisé  des PAP pour 3.300 logements, 3.800 en 2011 et 4.200 en 2012. Les choses évoluent mais, à mon avis, pas assez vite. Il faudrait encore plus de dynamique pour suivre la croissance de la population.

Ceci dit, l’Etat et les communes disposent d’un certain nombre d’outils pour pallier à cette carence, notamment le 9e programme de construction d’ensembles de logements subventionnés qui vise la réalisation de 10.000 unités.

Rappelons également ce que je disais tout à l’heure: le Pacte logement stipule que pour tout projet de construction supérieur à 1 hectare, 10% des logements proposés à la vente ou à la location doivent être à coût modéré.

En outre, le futur Plan sectoriel ‘logement’ constituera l’outil réglementaire permettant de dynamiser et surtout de piloter territorialement la construction de logement, tout en orientant la construction résidentielle vers les communes prioritaires pour le développement de l’habitat.

Enfin, le projet de loi relative à la promotion du logement et de l’habitation durables place tous les promoteurs, qu’ils soient publics, privés, asbl, fondations ou fabriques d’église, sur un pied d’égalité face à la participation financière de l’Etat.

C’est l’implication de tous les promoteurs qui permettra d’accroître le parc locatif social à long terme!

L’avant-projet de loi relative à la promotion du logement et de l’habitation durables, a été présenté en mai de cette année. Quelles en sont les grandes lignes et les nouveautés?

En ce qui concerne les aides au logement, la première mesure est de regrouper les deux services d’aides au logement en un guichet unique. Pour l’instant, ce sont deux services différents qui gèrent respectivement les aides socio-économiques et les aides énergétiques. Dans un souci de simplification administrative, les utilisateurs n’auront plus désormais qu’un seul interlocuteur.
Ensuite, je vais fixer une base légale pour la certification de logements durables et pour les aides financières prévues pour prévenir la pauvreté énergétique, notamment le prêt à taux zéro, ainsi que pour les primes concernant les matériaux de construction écologiques, en visant une plus grande sensibilisation du public à l’habitat durable.

Il faut savoir que seule une infime partie des terrains se trouve entre les mains des pouvoirs publics ce qui réduit considérablement les possibilités de l’Etat de mener une politique suffisamment active et efficace. Les personnes morales possèdent 11% des terrains constructibles, terrains qui sont souvent situés dans le centre et le Sud du pays et qui ont un intérêt stratégique important. Il est dès lors important de sensibiliser les promoteurs privés à la nécessité d’augmenter considérablement l’offre de logements à coût modéré. Par conséquent, comme je vous le disais, ce projet de loi ouvre la possibilité aux promoteurs privés de bénéficier des mêmes aides que les promoteurs publics.

Il y a aussi des nouveautés concernant les critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité, d’habitabilité et de location. J’entends responsabiliser les propriétaires et exploitants-gérants de cafés pour éviter que certains abusent de leurs locataires. Désormais, en cas de décision de fermeture d’un local d’habitation par décision du bourgmestre, le relogement des locataires incombera au propriétaire ou sera fait à ses frais par la commune.

Enfin, un modèle qui me semble intéressant pour le Luxembourg dans le futur est le logement coopératif. Se mettre ensemble permet d’épargner beaucoup d’argent et s’il s’agit de ménages qui bénéficient d’aides individuelles au logement, je mets à disposition les mêmes aides à la pierre que pour les promoteurs publics.

Qu’en est-il du Plan sectoriel logement dont la mise en œuvre a été retardée suite aux élections?

Le Plan sectoriel logement porte sur 520 hectares réservés exclusivement à l’habitat et permettra de loger 45.000 personnes supplémentaires. Seuls 2/5 de cette surface sont compris dans les PAG. Avec la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire ensemble avec le plan sectoriel logement, nous proposons un moyen d’aller plus vite pour exploiter ces terrains, ensemble avec les communes mais aussi avec les propriétaires.     MT

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