Un barreau extrêmement dynamique et varié

Qui pense barreau et Ordre d’avocats souvent pense faux. L’image en tête de la majorité des gens est ancienne, poussiéreuse et bien dépassée. Le Luxembourg en tant que centre financier international et melting-pot linguistique a prêté à une évolution constante du métier d’avocat et ainsi du rôle du barreau et de l’Ordre des avocats. Interview de René Diederich, Bâtonnier et chef de l’Ordre au barreau de Luxembourg.

Quel est le rôle de l’Ordre des Avocats du Barreau pour le Luxembourg en tant que capitale juridique aussi bien au niveau national qu’européen?

La loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat a institué dans chaque arrondissement judiciaire, à Diekirch et à Luxembourg, un Ordre des avocats ayant la personnalité civile qui regroupe tous les avocats inscrits au tableau de l’Ordre en cause. La loi précise en effet que nul ne peut exercer la profession d’avocat s’il n’est inscrit au tableau d’un Ordre des avocats établi au Grand-Duché de Luxembourg.
Au cours de ces dernières années, le nombre des avocats inscrits a littéralement explosé et a dépassé récemment le seuil des 2.000 avocats pour le seul barreau de Luxembourg. L’Ordre des avocats à Luxembourg comprend bon nombre d’avocats européens ainsi qu’un certain nombre de sociétés d’avocat. Le barreau de Luxembourg est ainsi un barreau réellement international et européen, extrêmement dynamique et varié.
Le contentieux classique occupe encore une place importante dans l’activité de beaucoup d’avocats, mais l’évolution actuelle n’a été rendue possible que par le développement des affaires et de métiers spécifiques dans le domaine bancaire et dans le domaine des fonds d’investissement.
D’un point de vue linguistique, le droit ne se pratique plus seulement en français ou en allemand, mais l’anglais a tendance à prendre une place éminemment importante dans toutes les entreprises du secteur privé voire aussi dans les administrations.
Cette diversification et internationalisation de la profession d’avocat a eu des effets bénéfiques pour le Luxembourg qui peut s’affirmer aussi comme une place juridique et juridictionnelle importante (grâce évidemment aussi aux juridictions européennes).
L’Ordre des avocats est administré par un Conseil de l’Ordre qui se compose, à Luxembourg, de quinze membres dont le Bâtonnier et qui a pour mission de veiller à la sauvegarde de l’honneur de l’Ordre et des principes qui forment la base de la profession d’avocat, de veiller à l’observation des règles professionnelles et déontologiques et de veiller au respect par les membres de l’Ordre de leurs obligations découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.
Les attributions de l’Ordre comprennent par ailleurs, outre l’administration de l’Ordre et notamment la tenue du tableau des avocats, les devoirs requis par l’assistance judiciaire, la taxation des honoraires et des frais des avocats, la rédaction des avis en matière de législation et de justice, et plus généralement l’examen de toutes les questions intéressant l’exercice de la profession et la défense des droits des avocats.

Quels sont les défis spécifiques pour le Bâtonnier du Luxembourg de nos jours?

Le Bâtonnier, en sa qualité de chef de l’Ordre, représente l’Ordre et veille à l’unité de la profession dans un contexte de diversification des activités des avocats, tenant bien entendu compte du développement dynamique des dernières années.
C’est un défi majeur alors que d’autres professionnels qui ne sont pas soumis aux réglementations strictes de la profession d’avocat et qui n’offrent pas les mêmes garanties aux justiciables essaient de se lancer dans la consultation juridique sans y être autorisés par la loi. Le Conseil de l’Ordre doit réagir chaque fois qu’une infraction à la loi est constatée.
Le Bâtonnier règle aussi les différends qui peuvent naître entre avocats dans l’exercice de leur profession. Heureusement ces affaires ne sont pas trop fréquentes, mais malheureusement suffisamment fréquentes pour occuper une partie non négligeable du temps et de l’énergie du Bâtonnier et du Conseil de l’Ordre.

Y a-t-il eu des changements importants au niveau de la nature et les spécificités des missions de l’Ordre les dernières années?

Au cours de ces dernières années, le Conseil de l’Ordre a suivi avec beaucoup d’attention l’organisation des études d’avocats. Ceci est résulté notamment de la possibilité désormais donnée aux avocats d’exercer leurs activités dans le cadre de sociétés d’avocats, mais aussi de la croissance importante du nombre des avocats qui se sont parfois organisés de manière diverse et variée nécessitant une guidance renforcée.
Compte tenu de ses attributions en matière de respect par les avocats des règles en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, le Conseil de l’Ordre a apporté une attention particulière, au cours des dernières années, à toutes les questions touchant à cette matière particulièrement sensible pour la place de Luxembourg.
Le Conseil de l’Ordre a, à cet égard, des compétences de contrôle et il a organisé, dans cette optique, plusieurs campagnes de contrôle confraternel sur place d’études d’avocats. Il s’agit là encore d’aider les avocats à se doter des outils nécessaires pour faire les vérifications indispensables concernant l’identité de leurs clients potentiels.
Enfin, le Conseil de l’Ordre dispose de moyens de sanctions en cas de non-respect par des membres de l’ordre des obligations professionnelles découlant de la législation en la matière ou en cas d’obstacle à l’exercice des pouvoirs de contrôle ou de demande d’informations du Conseil de l’Ordre.

Selon vous, Mr. Diederich, quels seront les challenges futurs pour le Barreau en prenant en considération le développement actuel de notre société?

Au vu de l’évolution en nombre et en qualité des avocats inscrits au tableau de l’Ordre et au vu également d’un afflux parfois déraisonnable de jeunes avocats mal adaptés aux réalités de la société et de l’économie de notre pays, notamment aussi au niveau de leurs compétences linguistiques parfois déficientes et pourtant indispensables au Luxembourg, la formation complémentaire et continue constitue un défi et un élément essentiel de notre action.
La profession d’avocat a fortement évolué au cours de ces dernières années et elle sera en mutation permanente. D’un côté, il convient de sauvegarder les éléments essentiels qui caractérisent la profession et la mission de l’avocat : dont notamment l’indépendance et le secret professionnel.
Le sujet d’une organisation efficace de l’assistance judiciaire me tient particulièrement à cœur et l’Ordre vient de recruter pour renforcer ses services à partir du mois de septembre 2013.
Enfin, nous vivons et vivrons encore une profonde remise en cause du métier d’avocat et de la manière dont ce métier est exercé. La spécialisation accrue n’est qu’un des aspects de cette remise en cause.
Le Bâtonnier et l’Ordre doivent accompagner ce mouvement et encourager les avocats à se doter des outils et procédures nécessaires pour exercer leur métier de manière efficiente.

Etre Bâtonnier – un challenge, un honneur ou une vocation?

Je ressens cette fonction comme un devoir, une charge et une responsabilité avec toutes ses joies et ses peines.

CW

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