Avec son port, le Luxembourg prépare l’avenir
A l’heure où la diversification économique s’impose, le gouvernement luxembourgeois investit massivement dans son port pour créer les conditions optimales à un partage efficace entre les transports par route, rail et voie fluviale, et se donne ainsi les moyens de positionner le pays comme une plateforme logistique européenne de premier rang.
Entretien avec Jeannot Poeker, président du conseil d’administration et administrateur délégué de la société du port de Mertert.
Construit en 1964/65 sur un terrain de 65 hectares situé le long de la Moselle entre Grevenmacher et Mertert, le port de Mertert est l’unique plateforme d’échange trimodale (voie fluviale, route et rail) du Grand-Duché de Luxembourg.
Historiquement, l’activité du port a toujours été étroitement liée à l’industrie sidérurgique puisque, depuis sa création et jusqu’à ces dernières années, les transbordements concernaient majoritairement la ferraille destinée à être transformée dans les usines luxembourgeoises en import et les produits finis sortant des aciéries en export.
La crise économique mondiale de fin 2008 n’a donc pas été sans conséquences pour le port de Mertert. «Nous avons malheureusement été très sérieusement impactés par la crise. Notre tonnage annuel a chuté de manière drastique: entre 2008 et 2012, il est passé de quelque1,8 millions à 1,1 millions. Quant à l’import de ferraille pour l’usine Arcelor Mittal de Schifflange, il est passé à quasiment zéro l’année passée suite à l’arrêt de la production», souligne Jeannot Poeker.
Du côté des produits pétroliers qui constituent un autre pilier des activités portuaires, on note une certaine stabilité. Avec une rotation du stock de 7 fois par an, le dépôt pétrolier actuel est arrivé à la limite de ses capacités. Une augmentation notable de l’import de produits pétroliers par la voie fluviale, moyen de transport à la fois écologique et sûr, pourra seulement se faire dès l’extension projetée du dépôt pétrolier.
A la question «comment la société du port de Mertert, à qui le propriétaire du port, à savoir l’Etat, a accordé une concession de 99 ans pour gérer et exploiter ses infrastructures, réagit-elle face à cette conjoncture défavorable?» Jeannot Poeker répond «Nous devons en partie subir cette situation parce que nous sommes tributaires des produits qui sont importés ou exportés par Arcelor Mittal. Mais, d’un autre côté, nous cherchons des alternatives. C’est pourquoi nous voulons nous positionner dans la logistique de containers en renforçant la coopération avec le site bimodal de Bettembourg». Si c’est la voie routière qui domine actuellement largement le marché du transport de containers pour des raisons de coût notamment sur de courtes distances, la voie fluviale gagnera en compétitivité dans les années à venir, avec la hausse croissante du prix des carburants, mais pas seulement. Le transport par voie fluviale est également beaucoup plus écologique et plus sûr. «La politique du gouvernement est d’avoir un transfert de la route vers les modes de transport alternatifs, voie ferrée ou fluviale. Nous sommes bien placés pour aider le gouvernement à aller dans cette direction», ajoute Jeannot Poeker.
Les investissements consentis durant ces dernières années par l’Etat, par le biais du Ministère du Développement durable et des Infrastructures, pour atteindre cet objectif ont aujourd’hui trouvé leur vitesse de croisière et les installations portuaires sont au «top niveau», selon Jeannot Poeker. Elles vont néanmoins subir encore quelques adaptations dans les années à venir.
Au programme: la création d’une station d’épuration sur un terrain de 1,5 hectares contigu au site occupé par le manutentionnaire Tanklux qui, lui-même, verra son dépôt passer de 62.000 m3 à 152.000 m3, notamment dans le contexte de la sécurisation de l’approvisionnement en produits pétroliers du Luxembourg, et ceci après assainissement du site qui accueillait au début du XXe siècle une usine à gaz, mais aussi l’élargissement de l’aire de braquage pour bateaux. En effet, cette dernière est adaptée à la dimension standard des grands bateaux à l’époque de la construction du port, qui était de110 mètres et qui est aujourd’hui passée à 135 mètres. Après la réfection du quai Nord il y a deux ans pour un montant de 5,5 millions d’euros, la rénovation de la partie Sud est programmée avant 2016, ainsi que la réalisation d’un nouveau quai de 300 mètres de long, où deux grands bateaux pourront être arrimés à la fois. Le projet devrait se chiffrer à 8 millions d’euros.
Par ailleurs, la Syre, qui avait son lit naturel à la place du port avant sa construction, sera renaturée. Une passe à poissons sera créée dans ce contexte, ainsi qu’une petite centrale électrique.
Tous ces investissements, visant pour la plupart à rendre le port plus compétitif et plus performant, sont décisifs pour le pays lui-même qui mise sur la logistique dans le cadre de sa politique de diversification économique. «La logistique est un outil très important pour l’industrie et pour l’économie nationales et, dans le futur, le port de Mertert jouera un rôle primordial dans la logistique», conclut Jeannot Poeker.
Avec son positionnement géographique central en Europe et les moyens déployés pour mettre en place des infrastructures modernes, dont le port de Mertert est un élément central, et un environnement favorable au développement du secteur, le Luxembourg dispose d’atouts majeurs pour atteindre ses objectifs d’instaurer des synergies entre les différents modes de transports existants et de capter de nouveaux flux logistiques.