Les vins et Crémants, une richesse unique
La vigne a façonné le paysage mosellan. Patrimoine naturel emblématique de cette région au même titre que la rivière éponyme, elle constitue un patrimoine touristique et gastronomique qui a un grand potentiel de diversification et de perfectionnement, à l’heure où consommer local est une tendance en hausse.
Le point avec Romain Schneider, ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural.
Source photo: Ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural
Quel est le ‘poids’ de la viticulture dans l’économie luxembourgeoise?
D’après des valeurs provisoires pour 2012, la valeur de la production viticole devrait se chiffrer aux alentours de 19 millions d’euros.
L’agriculture en général -y compris la viticulture- représente 0,3% de la valeur ajoutée brute de l’économie luxembourgeoise. Toutefois, la viticulture ne représente qu’une petite partie de ce pourcentage. Or, ces chiffres ne tiennent pas compte du ‘poids’ réel de la viticulture. N’est, par exemple, pas pris en compte le paysage viticole qui constitue un atout majeur pour le secteur touristique et gastronomique de la Moselle.
Est-ce que vous pourriez citer des chiffres concernant le nombre d’exploitants, la surface dédiée à la vigne, la production annuelle ?
En 2012, 375 exploitations viticoles luxembourgeoises ont exploité quelque 1.300 hectares. Au cours des vingt dernières années, la superficie viticole totale a diminué et est passée de 1.400 à 1.300 hectares. Cette réduction est notamment due à l’urbanisation et à l’arrachage de parcelles viticoles dans la périphérie de la région viticole.
Ces dernières années, l’encépagement connaît également une évolution importante. Une diminution importante de la surface du cépage Rivaner peut être observée. Avec 334 hectares, ce cépage occupe actuellement 26% de la superficie viticole, ce qui constitue une diminution de 249 hectares par rapport à 1993. Les cépages Auxerrois, Pinot blanc et Pinot gris représentent 41% de notre superficie viticole et affichent une augmentation de 28% depuis vingt ans.
Par ailleurs, le processus de restructuration vers des unités de production plus grandes se poursuit. En l'espace de vingt ans, le nombre des exploitations viticoles luxembourgeoises est passé de 817 unités en 1993 à 375 unités en 2012, soit une régression de 54%. Il est à noter que sur un total de 375 exploitations, 31 exploitent une surface supérieure à 10 hectares. Ces 31 exploitations gèrent ensemble 443 hectares, soit 34% de la surface totale.
Au sujet de l’âge des exploitants viticoles, il est à noter que 69% sont âgés de plus de 50 ans et exploitent 60% de la superficie viticole au Luxembourg. Pour les décennies à venir, la viticulture luxembourgeoise sera confrontée au défi d’assurer la succession de la génération vieillissante et de garantir par là le maintien en production des surfaces viticoles luxembourgeoises.
L’évolution de la production viticole au cours des dix dernières années est fortement influencée par les aléas climatiques. En moyenne, la viticulture mosellane produit environ 130.000 hectolitres de vin, soit plus de 17 millions de bouteilles de 0,75 litre, par année!
Le secteur de la viticulture présente-t-il un potentiel de développement?
La viticulture luxembourgeoise possède un grand potentiel de développement, et ce à plusieurs niveaux.
Tout d’abord nous pouvons citer la qualité et la diversité de nos vins et Crémants. Dans une volonté de valoriser davantage la production de vins de terroir et de Crémants, l’institut viti-vinicole ensemble avec les trois organisations viticoles ont établi un projet réformant l’actuelle appellation contrôle pour devenir une Appellation d’Origine Protégée.
Le deuxième potentiel, bien qu’indirectement lié au secteur viticole, réside dans le paysage viticole mosellan et dans l’attrait de petits villages viticoles. La région mosellane dispose d’un atout touristique et culturel énorme. Ce volet est actuellement développé sous l’égide de ORT ensemble avec le LEADER Miselerland et l’Entente Touristique de la Moselle.
En troisième lieu, il faut mettre en avant les jeunes qui reprennent les exploitations viticoles. Dynamiques, dotés d’une très bonne formation et bien encadrés par un conseil technique professionnel, ils sont à la pointe du savoir-faire viticole et œnologique. Le conseil technique est fourni soit par l’institut viti-vinicole, soit par des conseillers de la Chambre de l’Agriculture cofinancés par le ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural. Comme le volet économique devient de plus en plus important, les vignerons sont soutenus par les comptables du Service d’Economie Rurale dans le but de leur fournir des conseils économiques.
Finalement, le quatrième potentiel réside au niveau du consommateur. Car le consommateur d’aujourd’hui est de plus en plus averti et exige des produits régionaux produits de façon durable et de bonne qualité. Dans cette vision, la viticulture biologique joue un rôle clé comme mode production durable.
Quelles sont les mesures ministérielles qui visent à soutenir ces développements?
Le ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural poursuit, tout en prenant en compte les préoccupations environnementales, le remembrement viticole de façon ciblée, pour que les vignobles puissent être exploités de manière rationnelle et rentable.
Depuis 2010, le secteur viticole bénéficie du paiement unique pour toute la zone viticole. Dans cet ordre d’idées, mon ministère continue à renforcer le soutien aux reprises des exploitations par de jeunes viticulteurs. Position que je soutiens aussi activement au niveau européen.
Le maintien de la viticulture sur des terrains en pente afin de préserver le paysage viticole unique est une autre priorité pour mon ministère, laquelle va de pair avec un autre projet du gouvernement, à savoir l’aménagement du Musée du Vin d’Ehnen en ‘Maison de la Moselle’.
Une autre mesure est la promotion de la plantation de cépages de haute qualité dans des emplacements appropriés, car préserver la haute qualité des vins doit être la première priorité du secteur viticole.
Au sein de l'institut viti-vinicole, il y a eu création d’un centre de compétences en matière de viticulture de la Moselle luxembourgeoise afin d'améliorer le conseil aux viticulteurs, l'encouragement de l’innovation et la simplification des procédures administratives. En parallèle, l'institut remplit la fonction de ‘guichet unique’ pour la profession viticole.
Les mesures visent aussi le soutien des initiatives promotionnelles au profit des vins de qualité luxembourgeois et des Crémants de la Moselle luxembourgeoise.
Une des récentes mesures est la mise en œuvre au niveau national de la réforme communautaire dans le secteur viti-vinicole, laquelle aura pour but de mettre davantage l’accent sur la production de vin de grande qualité, de montrer les différentes typicités du terroir et d’améliorer l’image de marque des vins luxembourgeois sur le marché de l’export.
Comme la discussion sur la libéralisation des droits de plantation a fait naître de grandes inquiétudes auprès des viticulteurs et qu’elle pourrait avoir un effet néfaste sur la commercialisation des produits viticoles luxembourgeois, je me suis porté fort au niveau européen pour une conservation du système actuel ou d’un système similaire, mais offrant les mêmes garanties que le système actuel. Le résultat de ces négociations fut la proposition d’un système fonctionnant par le biais ‘d’autorisations’ données par chaque Etat membre. Toutefois cette proposition est toujours en négociations au niveau du trilogue Commission, Conseil et Parlement européens.
Enfin, parmi les aides financières qui sont proposées, il peut notamment être mentionné les aides pour la viticulture biologique ainsi que pour une viticulture respectueuse de l’environnement, les aides pour le maintien des vignobles en pente raide, voire très raide (supérieure à 45%) et en terrasses, dans le but de maintenir les aspects du paysage viticole et les aides à l’investissement pour augmenter la compétitivité et l’innovation.
Quel est le taux d’exportation de la production viticole luxembourgeoise? Vers quels pays?
52% de la production de la campagne 2011-2012 est passée à l’export. Le premier pays acheteur de nos vins reste la Belgique (66%) suivie par l’Allemagne (27%) et la France (5%). Les vins issus du cépage Rivaner continuent à dominer sur le marché extérieur des vins de qualité et représentent 49% des exportations de ce marché. Les vins portant les mentions qualitatives ‘premier cru’ et ‘grand premier cru’ ne représentent que 4.076 hectolitres, soit 10% de la vente de vin de qualité vers les pays étrangers. Au cours de la campagne 2011-2012, les caves coopératives ont réalisé 94,5% des exportations totales, le négoce 3,5% et les viticulteurs indépendants 2%.
Le Plan d’action national pour la promotion de l’agriculture biologique a été lancé, il y a quatre ans. Pouvez-vous déjà en dresser un bilan?
Dans le cadre du Plan de développement rural 2007-2013, le gouvernement s’est donné comme objectif ambitieux d’augmenter la superficie en viticulture biologique de 6 hectares en 2006 à 40 hectares en 2013. 35 hectares ont déjà été atteints en 2012, dont 24 sont certifiés Biolabel ou Demeter et 11 sont en cours de conversion. D’où, il est possible de prétendre que les premiers objectifs politiques en matière de viticulture biologique ont quasiment été atteints.
Le ministère soutient-il la production et la promotion des produits agricoles et viticoles locaux? Par quels moyens?
Le ministère soutient de telles initiatives.
La Commission de Promotion des Vins et Crémants de Luxembourg du Fonds de solidarité viticole est chargée de la promotion des vins et Crémants luxembourgeois. Sa mission consiste à améliorer l’image de marque des vins et Crémants de Luxembourg et à promouvoir leur notoriété afin de faciliter leur positionnement au Luxembourg et sur le marché international.
‘Sou schmaacht Lëtzebuerg’ est un autre exemple d’une telle initiative. Cette campagne d’information et de sensibilisation de la Chambre d’Agriculture et du ministère de l’Agriculture vise à promouvoir la vente de produits locaux. Cette action est d’ailleurs étendue dans la gastronomie. Dorénavant les restaurants, mais également la restauration collective, pourront se dorer du logo ‘Sou schmaacht Lëtzebuerg’ s’ils s’engagent à cuisiner des produits indigènes dans leurs cuisines. Ceci vaut également pour les boissons telles que vins, Crémants, boissons non alcoolisées, thés, eaux-de-vie ou liqueurs. La liste des fournisseurs de produits ‘Sou schmaacht Lëtzbuerg’, des produits des labels Produit du terroir et de la Marque Nationale, mais également des produits des parcs naturels et bien d’autres spécialités de nos producteurs engagés, est mise à jour régulièrement dans le cadre de cette action.
D’autres actions sont menées dans le cadre de la production et de vente de produits agricoles et viticoles locaux par les groupes d’actions locales LEADER.
Une autre mesure visant à soutenir la promotion des produits viticoles est notamment des aides à l’investissement pour la construction de caves et de salons de vente.
Sans transition, où en sont les négociations avec le Parlement européen concernant la réforme de la PAC? Quelle est la position du Luxembourg?
La prise de décision sur la réforme de la PAC se fera selon les dispositions du Traité de Lisbonne, à savoir selon une procédure de codécision entre le Parlement européen et le Conseil sur base de propositions de la Commission. L’objectif de la Présidence irlandaise, appuyée par le Conseil et la Commission et en concertation avec le Parlement, est de parvenir à une prise de décision en première lecture au cours du premier semestre 2013.
Un certain nombre d’étapes ont été franchies à ce stade. Ainsi le Conseil européen des 7 et 8 février est parvenu à des conclusions sur le cadre financier pluriannuel (CFP) qui comporte notamment le budget consacré à la politique agricole commune. Le Parlement européen a, lors de sa session des 11 au 14 mars à Strasbourg, déterminé un mandat de négociation de cette institution concernant les quatre propositions de la Commission (paiements directs, OCM unique, développement rural et règlement horizontal). Le Conseil de son côté est parvenu à une orientation générale lors de sa session des 18 et 19 mars.
Sur ces bases, la procédure de trilogue a débuté le 11 avril. L’ambition des co-législateurs, Parlement et Conseil, ainsi que de la Commission, est de parvenir à une prise de décision selon le calendrier prévu, à savoir fin juin 2013.
Les quatre propositions de réforme de la PAC en cours de discussion sont le règlement établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs (règlement ‘paiements directs’) ; le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement ‘OCM unique’); le règlement relatif au soutien au développement rural (règlement ‘développement rural’); et le règlement relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune (règlement horizontal).