Une question de timing

Les entreprises familiales représentent une part considérable de l’économie et nombreuses sont celles qui changeront de mains dans la prochaine décennie. Afin de cerner plus clairement de cette problématique, Baker Tilly, 8ème réseau mondial d’experts comptables, a lancé un sondage international, auquel  IF Group participe comme représentant pour Luxembourg.
Le point avec Raphaël Mortier, Conseiller PME et dirigeants d’entreprises, Senior Manager, et Jean-Claude Lucius, Partner.

 
Pouvez-vous nous en dire plus sur la participation d’IF Group à l’initiative de Baker Tilly?

R.M.: Baker Tilly nous a proposé d’introduire ce sondage international réalisé en collaboration avec l’université de Melbourne auprès d’entreprises luxembourgeoises afin d’établir des statistiques en matière de transmission. Il comporte une vingtaine de questions adressées à l’entrepreneur lui-même et vise à déterminer où ce dernier se situe dans ses réflexions et démarches concernant sa succession. Les résultats devraient être publiés au mois de mai.

 

A qui cette étude s’adresse-t-elle?

R.M.: L’échantillon interrogé se compose d’environ 850 entreprises, clientes ou non chez IF Group, qui participent de manière anonyme. Elles sont issues de tous les secteurs à l’exception de domaines comme la finance ou l’énergie dont l’actionnariat est multinational.

 

Quels en sont les objectifs? Qu’en attendez-vous?

J.-C. L.: Le Luxembourg occupe une place particulière dans le monde et est souvent peu représentatif des autres pays. Cette étude étant internationale, elle nous permettra de nous situer par rapport aux tendances mondiales.
Les participants pourront également se positionner les uns par rapport aux autres, savoir s’ils sont une exception ou si les autres rencontrent les mêmes problématiques qu’eux ; bref, cette étude leur permettra d’y voir plus clair sur la façon dont ils abordent personnellement la question.

R.M.: Un autre objectif est d’attirer l’attention des dirigeants d’entreprises sur cette question qui, parce qu’elle est très sensible, est parfois occultée ou reportée, alors qu’elle est essentielle pour la prospérité des économies globales et locales.

 

Quand on parle de transmission d’entreprises familiales parle-t-on nécessairement de transmission en famille ou celle-ci peut-elle se faire à un tiers?

R.M.: C’est la première question à se poser et à oser poser ouvertement à ses proches. A-t-on, dans sa famille, quelqu’un qui est susceptible de reprendre l’entreprise ou non? Si ce n’est pas le cas, il faut  que le patrimoine accumulé soit transmis à un tiers à sa juste valeur et au bon moment.

 

Combien de temps à l’avance faut-il réfléchir à la transmission de son entreprise pour que celle-ci puisse se faire dans les règles de l’art?
 

R.M.:Il n’y a pas de règle générale. Si la communication au sein de la famille a toujours été bonne, cette transmission peut être organisée en deux ou trois ans. Mais, en principe, la question peut déjà se poser dès l’âge de quarante ans. Si elle arrive trop tard, le repreneur éventuel pourrait ressentir une certaine pression, ce qui pourrait compromettre l’opportunité qui s’offre à l’un de transmettre son entreprise, à l’autre de la reprendre.

J.-C. L.: Chacun a une horloge biologique et doit suivre une évolution personnelle. On suit des études, puis on fait ses premières expériences professionnelles pour s’établir vers le milieu de la trentaine. Une chose est sûre: mieux vaut ne pas attendre d’être proche de la retraite pour se lancer!

 

Quels services IF Group propose-t-il à en matière de transmission d’entreprises?

R.M.: Nous avons deux casquettes: celle d’expert comptable et celle de conseiller fiscal. Comme expert comptable, notre objectif est de soutenir notre client pour assurer la gestion pérenne et continue de l’entreprise au travers des générations.  
En tant que conseiller fiscal, nous aidons nos clients à planifier leur succession. Ce service concerne surtout les transmissions à un tiers et les entreprises basées dans la Grande Région, puisque les entreprises luxembourgeoises ont l’avantage de ne pas devoir payer de droits de succession pour une transmission en ligne directe.

J.-C. L.: Ce qui est aussi un désavantage dans la mesure où les personnes concernées ne sont pas soumises à la pression d’une législation qui change souvent, comme c’est le cas en France par exemple, et ont donc tendance à laisser la question en suspens plus longtemps.

 

Est-ce que cela signifie qu’il est plus facile de transmettre une entreprise à ses enfants au Luxembourg que dans les pays voisins?

R.M. : Le volet humain, psychologique, n’est pas forcément plus facile à appréhender, notamment pour la raison que vient de citer Jean-Claude Lucius. Nous connaissons l’histoire et les chiffres de nos clients. Nous sommes un bon interlocuteur pour faire la médiation entre les deux générations. Cela consiste parfois à pousser un peu le père à passer la main, à lui rappeler que l’heure tourne.

 

Parmi les situations diverses et variées auxquelles vous êtes confrontés, quelles sont les problématiques récurrentes?

R.M. : Une question ni comptable ni fiscale: celle de la transmission en cas de décès des actionnaires. Elle est souvent éludée, pourtant il est primordial d’inscrire une clause dans les statuts de la société qui définisse qui, dans cette situation, dirigerait l’entreprise, comment, et à qui les parts seraient transmises. Il faut y réfléchir dès que l’activité prend un certain volume et que la question d’une transmission se pose.

J.-C. L.: Une autre problématique qui revient souvent est celle de l’évaluation et de la répartition du patrimoine. Comment définir les pouvoirs et les droits de chacun dans l’entreprise lorsque l’on a plusieurs enfants? Ce sont des là encore des problématiques sensibles, humaines difficiles à gérer. Et puis, encore une fois, le timing est essentiel.

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