L’attrait de la nouveauté

Il aurait pu être instituteur, volleyeur professionnel ou architecte, mais c’est en tant que président-directeur général de La Luxembourgeoise qu’on le connaît aujourd’hui. Posé et réfléchi, Pit Hentgen a toujours su prendre des décisions rationnelles sans pour autant renier ses passions, se construisant ainsi une vie sur mesure.

Bridel n’était encore qu’un «petit village» en 1961, à l’époque où Pit Hentgen y est né, a joué dans ses rues et a traîné des pieds sur ses trottoirs pour aller à l’école. Mais «la Place, qui commençait à se distinguer, attirait de nombreux fonctionnaires étrangers. Tout cela donnait un brassage très intéressant au moment de jouer au foot», se souvient-il, un sourire presque enfantin sur les lèvres, en ajoutant que l’arrivée de tous ces nouveaux visages a fortement encouragé son amour pour la nouveauté.

Et rien n’apaise cette soif de découverte, bien au contraire. Elle le pousse à explorer de nouveaux univers et à pousser des portes que personne n’avait encore ouvertes comme celles du tout nouveau lycée Michel Rodange à Luxembourg où il décroche son examen de fin d’études secondaires en mathématiques, ou encore celles de l’université de Louvain-la-Neuve, en Belgique, où il étudie les sciences économiques appliquées avant d’obtenir une Maîtrise en méthodes quantitatives. Des intitulés de diplômes aux noms un peu compliqués pour un jeune homme qui se rêvait pourtant architecte! «J’ai toujours aimé dessiner, tout comme j’ai toujours été passionné par l’architecture», raconte celui qui, aujourd’hui encore, noirci des feuilles de dessin de projets immobiliers.

Si ses choix de carrières ont tant différé de ses souhaits de lycéen (Pit Hentgen a aussi envisagé la carrière d’instituteur), c’est d’abord parce que la raison l’a emporté sur l’envie. «Avoir de l’intérêt ne signifie pas avoir du talent. Au moment de choisir mon orientation, je n’étais pas certain d’être assez doué pour devenir architecte, alors je n’ai pas eu le courage de tenter l’expérience». A ce soupçon de rationalité s’est ajouté une bonne dose d’observation. «Après la sidérurgie, il devenait évident que l’avenir du Luxembourg serait plutôt dans les services». Face au développement de la Place, Pit Hentgen a donc revu quelque peu les plans de sa vie à bâtir.

C’est ainsi que, sans pour autant mettre de côté ses passions pour l’architecture, le dessin ou même le volley (il côtoiera la ligne des trois mètres jusqu’à ses 40 ans), Pit Hentgen fait de nouvelles découvertes dans le monde de la finance. «A l’université, je me suis beaucoup intéressé à la modélisation des marchés financiers.» Un intérêt qui l’aide à établir de bons contacts avec la Banque Générale qui devient, par la suite, son premier employeur.

Il y officie dix années durant dans le private banking et il en garde un très bon souvenir que seule la crise financière actuelle entache. «C’était dans les temps où le mot “banquier“ était encore un terme positif. Pour pouvoir travailler au mieux, nous devions parfois connaître des détails de la vie des gens», et ces derniers se livraient donc, confondant parfois banquier et confident. «J’ai beaucoup appris sur la vie pendant toutes ces années.»

Empreinte familiale

Ainsi, le chemin vers La Luxembourgeoise, dans laquelle son père était pourtant déjà en fonction, n’était pas tracé d’avance.
Désireux de se lancer dans sa propre vie et de «trouver mes repères», il n’était pas question que Pit Hentgen rejoigne les couloirs de la compagnie d’assurance pour «une cohabitation père-fils». L’idée n’avait même d’ailleurs jamais été envisagée. De plus, «avoir son père comme chef, doit quand même être assez particulier», imagine-t-il.

Cependant, lorsqu’une nouvelle opportunité professionnelle s’offre à lui, Pit Hentgen prend conseil auprès de son père et de son oncle. Ces derniers lui proposent alors de réfléchir à une carrière dans la compagnie d’assurance.
Au final, en 1988, Pit Hentgen vient s’asseoir au comité de gérance pour y représenter la jeune génération, découvrir et appréhender le fonctionnement de la compagnie. En 1997, lorsque le président-directeur annonce son départ, c’est encore l’oncle de Pit Hentgen qui le convainc de proposer sa candidature pour la succession.

A 51 ans, Pit Hentgen admet avoir «réalisé la plupart, sinon tous mes objectifs professionnels». De «bons choix» faits «aux bons moments», ainsi que ses «rencontres avec de bonnes personnes» lui ont permis de ne pas «commettre beaucoup d’erreurs».
Siégeant dans de nombreux conseils d’administration, nommé trois fois président de l’Association des Compagnies d’Assurances (dont la dernière nomination date de mars dernier), il ne relègue pas pour autant ses passions à l’étage des folies adolescentes. Après avoir dessiné lui-même les plans de la maison dans laquelle il vit aujourd’hui, il s’est vu confier entièrement le projet de construction du nouveau siège social de la compagnie. Un travail fructueux réalisé avec un architecte qui lui a offert une nouvelle occasion de tracer quelques lignes du nouvel édifice.
Face à la réussite de ce premier projet, un second débutera dans quelques mois: la création d’une fondation qui aura pour objectif de construire des logements sociaux pour étudiants sur le site d’Esch/Belval.

Autant dire, donc, que «la retraite, ce n’est pas pour maintenant»! Si l’idée même d’y penser le fait rire, Pit Hentgen retrouve son sérieux au moment d’évoquer le futur. «Il est difficile de prévoir l’avenir alors que nous traversons une crise beaucoup plus grave que ce que beaucoup semblent penser.» Cela dit, «je ne suis pas une personne qui s’accroche coûte que coûte à un titre», rassure-t-il. Sous-entendu, une fois cette tempête financière calmée, «retourner à une vie plus libre ne serait pas déplaisant». FC
 

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