Un très large spectre d’applications
En marge de l’inauguration du laboratoire en génie des nanomatériaux du CRP – Gabriel Lippmann, LG Magazine a eu l’honneur de s’entretenir avec le Prix Nobel de physique 2007, Albert Fert, qui nous a fait part des nouvelles possibilités qu’offrent les nanotechnologies à la recherche. Interview.
Qu’entend-on par «nanotechnologies»? Pourquoi ont-elles connu un véritable essor ces dernières années ?
Les nanotechnologies sont une multitude d’outils nouveaux à la disposition des scientifiques. Dans ma spécialité, les circuits électroniques, elles permettent de réaliser des circuits très fins dont les gravures sont de l’ordre du nanomètre. Dans d’autres disciplines, elles rendent possibles l’isolation de feuilles de graphènes (ndlr: des cristaux de carbone) grâce auxquelles on peut imaginer le développement d’applications intéressantes.
Les nanotechnologies ont permis de réduire considérablement la taille des composants électroniques et d’augmenter fortement leur vitesse. C’est ainsi qu’ un nouveau type d’électronique a vu le jour, la «spintronique» ou magnétoélectronique, et que les disques durs ont vu
accroître leur rapidité de lecture ainsi que leur capacité de stockage.
Quel est le spectre de disciplines scientifiques que recouvre à l’heure actuelle les nanotechnologies?
Le spectre est très large puisqu’on peut les utiliser dans le domaine de l’électronique, comme je l’évoquais, mais aussi pour des applications médicales où l’on amène des nanoparticules médicamenteuses jusque dans des tumeurs cancéreuses, par exemple. On peut également y recourir pour la fabrication de matériaux aux propriétés mécaniques particulières, comme par exemple des raquettes de tennis ou des skis avec des nanotubes de carbone. L’on peut même concevoir des chaussettes avec des nanoparticules d’argent éliminant les odeurs de sueur.
Quels sont les nouveaux développements qui pourraient voir le jour prochainement?
Je reviens sur mon domaine, la spintronique, où l’on travaille actuellement sur des applications destinées à mettre au point de nouveaux types d’oscillateurs, oscillateurs qui revêtent un intérêt certain en matière de télécommunications – pour la fabrication de téléphones portables, par exemple.
La spintronique est également une des voies pour dépasser les limites de l’électronique habituelle.
Dans la technologie des ordinateurs arrivera prochainement une génération de mémoire RAM non volatile ; la consommation d’énergie des ordinateurs et des serveurs s’en trouvera dès lors réduite.
Un petit mot sur la remise du prix Nobel de physique en 2007. Quelles sont selon vous les raisons pour lesquelles vous avez été retenu ? Que récompense t-il ?
Comme l’a expliqué le Comité Nobel, le prix m’a été remis d’une part parce que mes recherches ont directement eu un impact dans les technologies de l’information ou plus précisément dans l’informatique, et d’autre part parce qu’elles ont ouvert la voie à ce nouveau domaine qu’est
la spintronique, qui s’avère être une technologie importante.
Dans quelle mesure ?
La spintronique permettra de dépasser les limites de l’électronique actuelle. Car dans l’industrie électronique, les limites des semi-conducteurs vont être atteintes, et il faut désormais d’autres pistes – comme celle-ci – si l’on veut encore augmenter la vitesse de lecture ou diminuer le prix.
Quelles sont vos premières impressions sur le laboratoire ?
Je note que le Luxembourg se propose aussi de développer un laboratoire expert en nanotechnologies qui contribuera au développement de l’industrie de haute technologie dans le pays. PhR