La réforme: une opportunité pour l’apprentissage

Le Centre National de Formation Professionnelle Continue d’Ettelbruck est aussi concerné par la réforme de la formation professionnelle. Si certains sont pessimistes et négatifs, Jean Billa, chargé de direction, reste optimiste, d’autant plus que son établissement ne semble pas connaître la crise, bien au contraire.

L’objectif de la réforme est de développer une démarche plus pragmatique grâce à l’enseignement par compétences et par un système modulaire avec, à la clé, des passerelles entre formations, une abolition de l’examen de fin d’étude par la réalisation d’un projet intégré et un “référentiel d’évaluation“ remplaçant la notation. Quel est votre regard sur cette réforme?

Tout d’abord, il faut rappeler qu’il est très difficile, au Grand-Duché, de seulement penser une réforme quel qu’en soit le domaine, sans que les esprits ne s’opposent ou s’échauffent rapidement.
En ce qui concerne la réforme de la formation professionnelle, si beaucoup ont un point de vue négatif, je crois qu’il faut quand même avouer qu’elle apporte des avantages et de la qualité à l’apprentissage, à la formation et surtout aux écoles.
En premier lieu parce que l’enseignement de compétences que vous avez cité permet un meilleur transfert de la théorie vers la pratique. Jusqu’à maintenant, dans notre système scolaire, nous acquérions des compétences, c’est-à-dire un ensemble de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes nécessaires à un métier, de manière très théorique, sur les bancs de l’école. Le but était d’apprendre et non, forcément, d’appliquer. Il était alors difficile de regrouper tous ces savoirs appris çà et là pour les mettre en pratique sur le terrain et arriver à un résultat. Le système de compétences que propose la réforme répond beaucoup plus à la demande du marché, car les apprentis arrivent plus facilement à faire le transfert des calculs appris en cours vers le devis qu’ils doivent remplir en situation professionnelle. C’est, d’un point de vue pédagogique, une véritable plus-value au système scolaire.

L’autre point positif, selon moi, concerne le système modulaire qui, en regroupant ainsi les compétences, permet aux élèves ayant des difficultés dans une matière de ne pas redoubler l’année entière juste à cause d’un échec dans celle-ci lors de l’examen. En effet, si l’étudiant n’a eu de difficultés que dans ce domaine, ce serait dommage qu’il soit pénalisé et doive redoubler juste à cause de ça.
La réforme est construite de telle manière que l’élève peut, le cas échéant, obtenir une session de rattrapage qui ne concernera que ce module.

La réforme facilite donc le passage d’un niveau à l’autre mais aussi celui entre les différentes formations sans pour autant que cela ne tourne à la braderie des diplômes.

Je me suis également renseigné auprès des étudiants pour connaître leur avis et leur ressenti par rapport à tout cela, et la plupart sont plutôt pour.

A vous écouter, cette réforme semble parfaite.

C’est vrai, la théorie semble idéale pour le moment mais c’est la mise en pratique qui, parfois, complique les choses.
L’organisation des modules et la gestion des rattrapages demandent un temps énorme pour les administrations et l’organisation des écoles.
Ici, au CNFPC d’Ettelbruck, nous offrons actuellement 8 classes dans le système modulaire. Dans la mesure où l’une des missions principales du CNFPC est la formation professionnelle et la formation professionnelles continue, nous pouvons investir la totalité de notre énergie et de notre savoir-faire dans l’organisation modulaire. Le système s’avère donc jouable. Mais pour les établissements qui offrent en parallèle d’autres ordres d’enseignement, les choses pourraient se compliquer.
 

Qui dit formation professionnelle dit apprentissage au sein d’une entreprise. La crise dans des secteurs-clé comme le bâtiment ou l’industrie ne limite-t-elle pas le nombre de places?

Au niveau des inscriptions, nous ne connaissons pas de crise. Au contraire même, nous inscrivons plus d’élèves sous contrat d’apprentissage qu’avant. Ce qui commence, d’ailleurs, à nous poser souci puisque dans certaines sections comme la vente, la cuisine ou encore la formation chauffage-sanitaire, nous dépassons nos capacités d’accueil. Il nous faudrait, aujourd’hui, le double de notre bâtiment actuel pour pouvoir répondre à la demande.
Du côté des entreprises, je crois que si la tendance est à la hausse, c’est aussi grâce aux aides que l’Etat apporte aux entreprises qui embauchent des apprentis.

Nous ne connaissons donc pas de crise au niveau “quantité“ et encore moins au niveau “qualité“ des inscrits qui sont tous des apprentis motivés contrairement à tout ce que l’on peut entendre dans les media sur une jeunesse un peu molle.
Vraiment, nous avons un très bon cru cette année!

Le CNFPC d’Ettelbruck ne se cantonne plus à dispenser des formations, puisqu’il a endossé depuis peu le rôle d’employeur. Pourquoi et comment cela est-il décliné?

En effet, depuis octobre 2011, les CNFPC d’Ettelbruck et d’Esch peuvent jouer le rôle de patron formateur, conformément à la loi du 16 mars 2007 du CNFPC qui stipule que dans certains domaines professionnels nous pouvons dispenser la formation patronale.
Cependant, pour ne pas concurrencer le secteur privé et pour qu’il ne manque pas d’apprentis, nous n’endossons cette fonction que lorsque la demande d’apprentissage est plus élevée que l’offre, c’est-à-dire, uniquement dans des domaines très très saturés. Aujourd’hui, cela concerne, par exemple, les filières de peintres, des débosseleurs automobiles, chauffagistes, peintres auto-moto, électriciiens ou encore assistants paysagistes.
Par ailleurs, les élèves ne peuvent pas s’y inscrire d’office. Ils doivent, avant ça, passer par l’Orientation professionnelle de l’Adem qui nous fournit une première liste sur laquelle nous faisons également une sélection grâce à des entretiens, car nos capacités d’accueil sont tout de même assez limitées. Nous avons aujourd’hui une trentaine de conventions signées.
Il faut quand même noter que notre but n’est, encore une fois, que d’accueillir les élèves qui ne trouvent pas d’entreprises à cause d’une saturation du marché. Nous essayons donc toujours de remédier à cette situation et de trouver un patron via les stages obligatoires qu’effectuent les élèves durant l’année. Si, malheureusement, l’élève n’a toujours pas trouvé de patron au cours de l’année, il est possible de prolonger notre rôle de patron formateur, mais cela ne se fait pas automatiquement non plus.

Quelles formations ont vu le jour cette année?

Cette année encore, nous avons bien travaillé en étant toujours à l’écoute du secteur privé pour répondre à la demande. De plus, un centre doit toujours savoir s’évaluer et évoluer.
Pour cette année donc, nous avons ouvert quatre grands volets de formations.
Le premier est celui de conducteur de chariots élévateurs, une conduite pour laquelle il est nécessaire d’obtenir un permis agréé par l’Association Assurance Accident. Faisant face à une trop forte demande pour cette formation, nous avons même dû former trois formateurs de plus et nous offrons la possibilité de réaliser les cours ‘in house’, c’est-à-dire, sur le terrain des entreprises avec leurs propres engins.
Le second volet n’est pas vraiment une nouveauté dans la mesure où nous avions déjà proposé cette formation dans le passé. Il s’agit de la formation d’élagage en hauteur. Un métier très dangereux dont l’apprentissage doit être fait par un formateur qualifié que nous employons maintenant.
Le troisième volet par contre est une nouveauté. Nous avons fait l’acquisition, il y a trois mois, d’un simulateur de coupe d’arbres déjà pliés, par une tempête par exemple, voire quasiment tombés à terre. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il est nécessaire d’être formé à cette technique de coupe, car c’est la plus dangereuse dans l’abatage d’arbres à cause de l’énorme pression retenue par le tronc qui n’est pas encore tout à fait rompu et qui pourrait comme exploser, lorsque l’on coupe et que la tension lâche, entraînant alors un vrai danger de mort. Il n’y a que deux simulateurs de ce type au Grand-Duché et 300 personnes, dont des ouvriers communaux et des pompiers, se sont déjà inscrites pour cette formation.
Quatrième et dernier volet ayant ouvert ses portes cette année: la formation ‘Train the trainer’. Il s’agit là d’une sorte de formation de management, pour entraîner des chefs d’équipes à gérer et diriger des groupes de personnes. Cette formation, dont les diplômes seront décernés ce mois-ci (ndlr: le 18 avril), a connu un vif succès et sera donc reconduite.

L’autre nouveauté du CNFPC d’Ettelbruck est plus administrative. A partir du mois de juillet, nous mettrons en ligne toutes les informations et la documentation nécessaires en ce qui concerne les cours du soir. Les candidats pourront donc s’inscrire directement en ligne pour mettre toutes les chances de leurs côtés pour avoir une place dans ces classes qui sont toujours très sollicitées.