Formation professionnelle continue : un intérêt certain
Les résultats tant attendus de l’enquête menée par l’INFPC sur la perception de la formation professionnelle continue et de la formation tout au long de la vie viennent d’être publiés ce mois-ci. Dominique Matera, directeur de l’institut, nous en esquisse les contours. Interview.
Vous avez affirmé, lors de notre dernière rencontre, que la formation professionnelle continue s’intégrait dans une dimension qui est l’éducation et la formation tout au long de la vie. Tout d’abord, comment différencie-t-on «formation professionnelle continue» et «formation tout au long de la vie», et comment la première notion s’intègre-t-elle à la deuxième?
Dans le code du travail, la formation professionnelle continue désigne toutes les activités de formation qui s’adressent aux salariés. Elle a pour objectif l’adaptation de la qualification de ces travailleurs aux évolutions de l’entreprise, que ce soit en interne en termes de modes d’organisation interne, d’appropriation de technologies nouvelles, ou en externe face aux exigences d’un marché mondialisé en perpétuel changement.
Il y a d’autre part dans cette notion l’idée de «conversion» du salarié afin qu’il accède à une autre activité professionnelle, en interne ou en externe.
Enfin, la formation professionnelle continue revêt également l’aspect «promotion du salarié», pour lui permettre d’occuper des postes à plus haute responsabilité et mettant en œuvre des tâches plus exigeantes.
La formation tout au long de la vie est une notion plus globale qui prend en compte tous les modes d’apprentissage. Elle s’applique à tous les niveaux de l’éducation et de la formation, et concerne toutes les étapes de la vie.
L’Institut National pour le développement de la Formation Professionnelle Continue a lancé deux enquêtes, dont l’une sur la perception de la formation professionnelle continue et de la formation tout au long de la vie. Concrètement, il s’agit de sonder les salariés actifs au Luxembourg. Si vous aviez déjà pu dégager des tendances lors de notre dernière interview, les résultats n’avaient pas encore été publiés. Pouvez-vous aujourd’hui nous en dire plus?
Le premier volet de cette enquête, menée auprès d’environ 1200 actifs, sera publié ce mois-ci.
Intéressons-nous à ce volet.
Nous nous sommes aperçus que deux tiers des actifs connaissent l’expression «éducation et formation tout au long de la vie». Sans surprise, selon eux, le meilleur moyen d’assurer son avenir professionnel est de continuer à se former après la formation initiale.
Parallèlement, 46% des sondés jugent insuffisantes les connaissances acquises à l’école pour intégrer le marché du travail, et 90% estiment que la formation continue contribue largement à accroître les compétences et l’employabilité.
Aussi, la moitié des actifs interrogés sont prêts à trouver des compromis pour suivre des formations à la fois pendant les heures de travail et durant leur temps libre.
Contrairement aux actifs sur le marché du travail depuis un certain nombre d’années, les 18 à 24 ans sans grande expérience professionnelle évoquent moins le lieu de travail que les autres publics. Ainsi, nombreux sont ceux qui considèrent l’école comme premier lieu d’apprentissage.
Résidents et frontaliers prétendent communément avoir le plus appris sur le lieu de travail. L’affirmation reste toutefois moins nette chez les résidents.
Il est également intéressant de souligner que 11% des actifs n’ont jamais suivi de formation après leur entrée dans le monde du travail : les actifs évoluant dans de grandes entreprises ont plus facilement accès à la formation.
Dernier point et non des moindres, plus de la moitié des sondés affirment que l’offre en formation continue est satisfaisante. En revanche, un actif sur cinq (18%) n’est pas satisfait par cette offre, essentiellement pour des raisons de faible choix proposé et de manque de communication sur l’offre.
Vous avez parallèlement entamé à la rentrée scolaire 2010/2011 un travail statistique qualitatif sur la formation des entreprises qui bénéficient de l’aide de l’Etat, en collectant des informations ayant trait par exemple à la durée, au type de formation ou encore aux publics cibles. Quels sont les résultats de cette analyse?
Pour l’année de référence 2010, les statistiques devraient être disponibles dans les semaines à venir.
Nous savons cependant déjà qu’il y a eu un accroissement de 21% du nombre d’entreprises désireuses d’obtenir l’aide de l’Etat, qui se traduit par une augmentation de 4,8% du volume de salariés inscrits à des formations, dans ce cadre.
De façon plus globale, le volume de participants aura augmenté de 11% en 2010 pour un investissement en hausse de 0,6%. On peut donc en conclure que les tendances sont les mêmes que pour l’année 2009.
Alors que la crise économique battait son plein cette année-là, nous avions pu constater une augmentation du nombre d’entreprises sollicitant le cofinancement de l’Etat de même que de participants aux formations, et ce, malgré un nombre d’heures de formation dispensées en recul et un investissement lui aussi en baisse.
Autrement dit, les entreprises forment plus de personnes mais avec des budgets revus à la baisse et sur des durées plus courtes.
Dans une interview qu’il nous a accordée l’été dernier, Nic Alff, ancien directeur à la formation professionnelle au ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, évoquait l’importance d’adapter à la réalité de nos jours un système éducatif qui remontait à 1945, et de créer un système cohérent d’apprentissage tout au long de la vie. En quoi n’était-il pas «cohérent», et cette réforme va-t-elle véritablement changer la donne ?
Il est difficile pour moi de vous dire si l’ancien système d’apprentissage tout au long de la vie était cohérent ou non, en tout cas il était perfectible.
Je me cantonnerai dès lors à dire que je ne peux que saluer une réforme donnant de la valeur à la notion de compétences et mettant l’accent sur la modularisation, soit l’acquisition de modules capitalisables dans le temps pour l’obtention in fine du diplôme recherché, ce qui n’était pas possible auparavant.
On rejoint là la notion de VAE, la validation des acquis de l’expérience, qui permet à tout un chacun de valoriser ses acquis afin d’accéder à un certain nombre de diplômes durant sa vie professionnelle, c’est-à-dire sans passer par les filières traditionnelles.