«Le travail du CVCE est d’abord destiné à la communauté scientifique»

Moins connu du grand public, le CVCE est un centre de recherche et de documentation luxembourgeois qui étudie le processus de la construction européenne selon une approche interdisciplinaire. Sa particularité, intégrer ses activités de recherche dans un environnement numérique (www.cvce.eu). Les explications de Marianne Backes, directrice.

 

Le Centre Virtuel de la Connaissance sur l’Europe (CVCE) est un établissement public où une équipe interdisciplinaire de chercheurs retrace le processus de la construction européenne. Comment s’articulent concrètement vos travaux de recherche?

La mission du CVCE consiste à analyser le processus de l’intégration européenne, essentiellement depuis la Deuxième Guerre mondiale. Dans le cadre de nos projets de recherche, nous analysons un certain nombre de questions ou de thématiques spécifiques, à l’instar de celle concernant Pierre Werner et son œuvre européenne et plus particulièrement sa contribution au développement de l’Union économique et monétaire. Une convention de collaboration avec  la famille Werner nous a ainsi permis d’explorer les archives personnelles de Pierre Werner qui procurent un nouvel éclairage sur questions spécifiques liées à la construction européenne. Un autre projet de recherche en cours, mené en étroite collaboration avec l’Université Complutense de Madrid et la Fundación Academia Europea de Yuste,  porte sur l’Espagne et le processus de la construction européenne.

Nos grands axes de recherche en EIS (European Integration Studies) portent sur quatre domaines prioritaires : les organisations européennes, les États européens et la construction européenne, les personnalités européennes ainsi que les idées, les valeurs et les identités.

Nous avons effectivement une équipe interdisciplinaire de chercheurs dans des domaines aussi variés que l’histoire bien entendu, mais également le droit, les sciences politiques ou encore l’économie. Ces chercheurs, épaulés par des traducteurs, des informaticiens, des spécialistes en propriété intellectuelle, réalisent un travail d’investigation notamment dans les centres d’archives en Europe comme dans le reste du monde afin de trouver du matériel pertinent pour effectuer des recherches sur un sujet donné.  

 

Les institutions européennes elles-mêmes possèdent des services de documentation sur la construction européenne (Archives historiques de l’Union européenne à Florence), et il existe de nombreux centres de documentation européenne en Europe qui font part du réseau Europe Direct. En quoi diffèrent vos activités de celles des autres centres?

Ce qui nous différencie fondamentalement d’un centre d’information ou de documentation sur l’Europe, c’est l’approche scientifique. Nos travaux comportent la sélection, l’analyse et l’interprétation critique des sources en rapport avec une problématique spécifique ainsi que la structuration et la contextualisation de ces sources à des fins notamment de publication dans un corpus de recherche numérique.

La publication de ces corpus se fait au sein de l‘environnement numérique dédié aux études européennes et développé par le CVCE. Il s’agit d’un environnement de production, d’interaction et de dissémination.
Nous nous inscrivons ainsi résolument dans une production scientifique innovante tant au niveau des méthodes que des outils et qui s’inscrit dans une démarche que les Anglo-saxons appellent «Digital Humanities» (ndlr: en français, «humanités numériques»).

 

Qu’est-ce qui a, selon vous, motivé l’État luxembourgeois à créer le CVCE?

Au milieu des années 90, nous avons mené nos travaux de recherche et de publication sous  forme de projets. En 2000, le gouvernement a estimé que ces travaux et les connaissances accumulées présentaient un grand intérêt ainsi qu’une plus-value pour le Luxembourg, très impliqué dans la construction européenne et porté sur les nouvelles technologies. Il a donc décidé de la création de ce centre.

 

Quel est le public cible?

Notre travail s’adresse d’abord à la communauté scientifique, qui utilise le fruit de notre travail, pour, à son tour, effectuer des travaux de recherche. Nous sommes d’ailleurs sur le point de lancer une plateforme de recherche qui  favorisera la collaboration entre les chercheurs et permettra de partager les résultats scientifiques avec l’ensemble de la communauté.

Notre deuxième groupe cible est celui de l’enseignement et de la formation tout au long de la vie (life long learning) . Les résultats de la recherche et les compétences accumulées au sein des équipes sont adaptés à ce public pour qu’il puisse se les approprier. Cette approche se traduit notamment par la publication de dossiers thématiques ou encore de cartes et de schéma interactifs.  
Je souhaiterais cependant insister sur le fait que, non seulement les chercheurs et les enseignants, mais toute personne intéressée par le processus de la construction européenne peut découvrir nos publications en se rendant sur le site www.cvce.eu .

 

Un petit mot sur l’Europe pour conclure: de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que la construction européenne a atteint ses limites et que l’Union européenne ne sera jamais au mieux qu'une structure de coopération intergouvernementale. Qu’en dites-vous?

On a prédit plus d’une fois la fin de l’Union européenne, mais à chaque fois celle-ci a su non seulement s’en relever mais souvent elle en est même sortie renforcée.
Il faut cependant reconnaître que la crise que nous traversons aujourd’hui est nettement plus grave que celles que nous avons connues jusqu’à présent. Je pense pour ma part que nous avons la capacité de la surmonter mais que cela restera très difficile.

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