Un pari pour le moins audacieux
La démarche est avant-gardiste, mais la société Estonteco croit dur comme fer en l’avenir de l’électro-mobilité et s’est récemment jetée à l’eau pour anticiper les besoins de demain. Interview de Fréderic Foeteler, fondateur d’Estonteco, et de Martin Wienands, chef de service du fournisseur d’électricité Electris.
Estonteco est une société créée tout récemment qui se lance dans un pari inédit, à savoir réaliser un concept intégré de stations de recharge rapide pour véhicules électriques. Pourquoi s’être lancé dans pareille aventure?
Fréderic Foeteler : A première vue, la démarche peut en effet paraître futuriste, mais c'est bien dans la direction vers laquelle nous nous dirigeons. Tout le monde a d'ailleurs pu se rendre compte lors du grand salon automobile IAA de Francfort, qui s'est tenu en septembre, véritable vitrine du savoir-faire des constructeurs, que quasiment chacun d'entre eux propose au moins un modèle de véhicule électrique. Et même si les modèles présentés sont plutôt à usage urbain, certains fabricants sont sur le point d’adapter des modèles familiaux. Il y a encore ainsi fort à parier que la mobilité électrique saura rapidement séduire les foules dans leur ensemble.
L’Etat en est d’ailleurs pleinement conscient et a pour cela réuni les principaux acteurs de l’électro-mobilité, dont Estonteco et son partenaire fournisseur d’électricité Electris, pour définir un plan national sur la stratégie à adopter, les infrastructures à mettre en place et les aides financières à prévoir. Et je dois vous avouer que les deux sociétés sont étroitement impliquées dans ce processus dont elles sont les instigateurs, et que l’Etat paraît réceptif.
Dans quelle mesure un concept intégré de stations de recharge rapide à l’échelle nationale est-il vraiment indispensable?
Fréderic Foeteler : Même si les véhicules sont les mêmes, le passage du moteur thermique au moteur électrique change la donne. Inutile de rappeler que le processus de rechargement d’une batterie prend beaucoup plus de temps que faire le plein d’essence. Et donc même si la grande majorité des personnes qui en acquerront un le rechargeront certes chez eux et même si l’autonomie des batteries ne cesse de s’accroître, il y aura des besoins ponctuels auxquels il faudra pouvoir répondre. C’est la raison pour laquelle l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques est quelque chose d’incontournable. Nous préparons donc aujourd’hui l’infrastructure pour un besoin de demain.
A quoi ressembleront ces bornes du futur?
Fréderic Foeteler: Elles ressembleront un peu à des horodateurs avec deux prises sur les côtés. Le client, muni de sa carte Estonteco, la présente simplement devant un capteur prévu à cet effet, puis, une fois reconnu par le système, pourra brancher la prise à son véhicule et recharger son véhicule.
En d’autres termes, il ne s’agit pour nous pas que d’installer les bornes, loin s’en faut, mais toute l’infrastructure qui va avec, et ce, à gros renfort d’IT. Recharger sa batterie ne coûtera que quelques euros, et le chargement devra pouvoir se faire un peu partout, sur les parkings des centres commerciaux, devant les restaurants, les salons de coiffures, etc., ce qui signifie qu’il faudra mettre en place un système de paiement facile, rapide et standard. Le client recevra donc une facture détaillée tous les mois où seront mentionnés les endroits au Luxembourg où auront été réalisés les rechargements et le nombre de kWh consommés.
Vous semblez préciser au Luxembourg. Qu’en sera-t-il des frontaliers au Luxembourg ou des résidents luxembourgeois qui devront s’approvisionner de l’autre côté de la frontière?
Fréderic Foeteler : Il n’en est rien en fait.
Il est impossible de se cantonner au seul territoire luxembourgeois. Il est inconcevable que les frontaliers ne puissent pas accéder au système, effectivement.
Aussi, quel que soit l’utilisateur, où qu’il réside, à partir du moment où il est enregistré chez nous, il pourra bien évidemment recharger son véhicule sur nos bornes. C’est le même principe que lorsque vous utilisez une carte de fidélité d’une compagnie pétrolière et que vous l’utilisez à l’étranger.
Ce qu’il faut absolument éviter, pour rester sur cet exemple, c’est d’introduire un système où les différents fournisseurs d’énergie ne “cohabitent” pas entre eux. Il faudra trouver un consensus entre tous les différents acteurs du secteur.
Il s’agit là d’un pré-requis aux ambitions internationales que nous nourrissons, pour répondre à la deuxième partie de votre question. Nous travaillerons main dans la main avec nos partenaires européens. Nous achèterons les infrastructures aux entreprises spécialisées étrangères de sorte que l’approvisionnement soit garanti un peu partout à l’international.
Mais je tiens à rappeler que l’électro-mobilité n’en est qu’à ses débuts et que nous sommes la première société à s’être spécialisée dans le seul domaine de l’électro-mobilité. Nous ne savons pas où tout cela va nous mener, mais lorsque l’on voit les efforts déployés dans les pays voisins dans le domaine, nous n’avons que des raisons d’être optimistes, et espérer que le gouvernement luxembourgeois emboîte le pas.
Quelle est la carte à jouer d’Electris dans ce projet?
Martin Wienands : Tandis que l’aspect technique de l’électro-mobilité est intégralement pris en charge par Estonteco, nous, chez Electris, apportons tout notre savoir-faire dans la technologie des réseaux et dans la distribution de l’électricité. Les bornes d’Estonteco seront ainsi alimentées par Electris.
Electris a participé à la création du concept d’Estonteco, et les deux entreprises continuent à travailler main dans la main pour le faire développer, aussi bien au niveau technique que commercial.
Depuis longtemps, Electris est établi comme fournisseur d’électricité et compte plus de 500 clients en dehors de son propre réseau dans tout le pays. Précisons que l’électricité d’Electris, qui alimente les stations de recharge d’Estonteco, provient de SwitchBLUE, l’offre sur base de ressources à 100% renouvelables qui a été certifiée “éléctricité verte” par les organisations luxembourgeoises Greenpeace, Mouvement Ecologique et Eurosolar.