Construction durable et certifications
Le chemin est le but (Bouddha)
Depuis plusieurs années maintenant, le terme de développement durable est utilisé de façon tellement récurrente dans tant de contextes différents, que sa notion même risque d’en être galvaudée. Il convient d’ancrer le développement durable de façon concrète, transparente, compréhensible et démontrable dans nos modèles économiques et sociaux pour en préserver le sens et la finalité, si nous voulons éviter de le réduire à une étiquette promotionnelle. [1]
Le secteur de la construction n’échappe pas à cette tendance. Au sein de l’Union européenne, les bâtiments consomment 40% de l’énergie finale et sont responsables de 28% des émissions de gaz à effet de serre. La construction génère de plus de grands flux de matériaux et, de par l’échelle d’espace et de temps sur laquelle il faut considérer l’espace bâti, impacte considérablement notre société, notre environnement et notre économie.
Ainsi, l’évolution des exigences réglementaires en termes d’efficience énergétique, de santé et de qualité environnementale traduit une volonté politique fondée sur la prise de conscience sociétale de l’impact de notre mode de vie sur le bien-être, le climat et les ressources disponibles. En ce sens, la transposition à partir de 2019 de la directive européenne EPBD II instaurant, entre autres, l’obligation d’atteindre des performances d’efficacité énergétique des bâtiments proches du “zéro énergie”, impose au secteur de la construction un saut quantique en termes de compétences techniques et organisationnelles.
Dans le contexte du développement urbain, il convient également de proposer des réponses aux préoccupations et à la demande des citoyens en termes de qualité de vie et de réduction des impacts environnementaux, le but étant d’offrir à chaque habitant la possibilité d’adopter un mode de vie durable, réduisant son empreinte environnementale.
Ces enjeux suscitent l’émergence de nombreux systèmes de certification et de labellisation (1), principalement axés sur la performance environnementale des bâtiments et, depuis peu, des aménagements urbains. Ces certifications restent généralement réservées à des projets d’envergure, principalement dans le tertiaire, et visent à assurer aux investisseurs qui y recourent la pérennité de la valeur de leurs actifs immobiliers.
Cette démarche ne répond donc que très partiellement à l’intérêt général, même s’il faut reconnaître le caractère d’exemplarité et incitatif des réalisations certifiées. Il n’en reste pas moins que ce type de certification est coûteux, que le droit d’attribution est en général détenu par des organismes de certification privés, et que le processus de certification nécessite le recours à des experts agréés externes. La multiplicité des systèmes de certification ne permet par ailleurs pas de comparaison directe entre les différents bâtiments. Il n’existe pour l’instant pas de consensus au niveau international sur le champ d’évaluation à considérer (par exemple: qualités écologiques, économiques, socio-culturelles, techniques, fonctionnelles, etc.) et la structure des méthodes d’évaluation. Des études et projets de recherche sont cependant en cours pour déterminer, entre autres, des indicateurs de base prioritaires (Core Indicators). (2)
Aux niveaux international (ISO/TC59/SC17) et européen (CEN/TC350), un cadre normatif visant à établir des règles d’harmonisation des méthodes de certification actuelles et futures est en cours d’élaboration. Ainsi des principes de base, des exigences, des lignes directrices et une terminologie sont définis tant pour l’évaluation de la durabilité des bâtiments que pour la communication d’informations environnementales et sanitaires des produits de construction au travers d’EPD (3). La publication des normes européennes a débuté en 2010, la majeure partie devrait être disponible en 2012. [2]
Dans ce contexte, les normes serviront à l’évaluation de la qualité environnementale dans une approche basée sur l’analyse du cycle de vie. Si cette approche a le mérite d’établir de façon objective l’impact d’un produit de construction sur l’environnement, l’évaluation de cet impact dans le contexte global d’un bâtiment reste complexe et pour l’instant hors de portée de la plupart des concepteurs. [3]
N’oublions pas que l’évaluation de la contribution au développement durable des bâtiments nécessite de plus la prise en compte des aspects sociaux, de la performance économique (approche par le coût global) et des qualités techniques et fonctionnelles.
Cette approche nécessite une nouvelle forme de qualification et d’organisation. Seul un apprentissage rapide d’un savoir-faire organisationnel (décloisonnement des métiers) et fonctionnel (physique du bâtiment, par exemple), ainsi que le développement de modèles de gestion et d’exploitation innovants permettront d’assurer à terme la compétitivité du secteur luxembourgeois de la construction dans un environnement en pleine évolution. Ceci inclut l’ensemble des acteurs concernés, donc non seulement les entreprises de construction mais également les architectes, bureaux d’études, promoteurs, pouvoirs publics, industriels, etc.
Si nous voulons engager le secteur sur la voie de la construction durable, il ne suffit pas d’évaluer le degré de “durabilité” d’un bâtiment, mais bien de mettre en place un processus intégré de la conception à l’exécution des ouvrages tenant compte de l’ensemble des critères du développement durable. Ceci implique l’acquisition des compétences et savoir-faire évoqués précédemment par l’ensemble des acteurs du secteur.
Christian Rech / CIMALUX
Partenaire et consultant NEOBUILD S.A.
Note de bas de pages:
1. BREEAM (GB), LEED (USA), DGNB (D), HQE (F)
2. Sustainable Building Alliance, e.a.
3. Environmental Product Declaration, EPD
Sources:
[1] Assbrock, Hauer, Wiens & Co.: Nachhaltiges Bauen mit Beton, BetonMarketing Deutschland GmbH, 2011
[2] Ebert, Essig, Hauser: Zertifizierungssysteme für Gebäude, Edition Detail Green Books, 2010
[3] Jakob Schoof: Graue energie oder graue Theorie – Ökobilanzierung von Gebäude, Detail Green, 02/2011