La Scandinavie comme source d’inspiration
Le cluster EcoInnovation a envoyé une délégation au Danemark et en Suède pour étudier différents modèles scandinaves d’urbanisme durable et y puiser des idées pour Neischmelz, son projet phare, qui vient d’entrer en phase de planification. Entretien avec Christian Rech, président du Luxembourg EcoInnovation Cluster.
Dans le cadre de sa stratégie de diversification économique, le gouvernement a choisi de mettre l’accent sur les éco-technologies et a créé, par le biais de LuxInnovation, le Luxembourg EcoInnovation Cluster. Dans cette vaste thématique, il fallait trouver un projet à la fois emblématique, fédérateur et susceptible d’offrir des opportunités à l’ensemble des membres du cluster, qui peuvent être des entreprises ou des institutions et venir de divers secteurs. C’est la réhabilitation des friches industrielles de Dudelange en éco-quartier qui a été retenue.
Après toute une série de brainstormings visant à déterminer les leviers à activer et les compétences à développer, le cluster est entré dans une phase de promotion de ce projet, baptisé entre-temps Neischmelz. Ce qui l’a conduit, en octobre 2010, à l’exposition universelle de Shanghai, dont la thématique ‘Better City Better Life’ était tout à fait appropriée et où la présentation de Neischmelz à l’occasion de la semaine commerciale luxembourgeoise a connu un beau succès, avec près de 300 participants et des répercussions au Luxembourg. Le projet en est, aujourd’hui, au stade de la planification et les membres du cluster en deviennent partie prenante en donnant des impulsions en matière d’énergie, de mobilité, de gestion des déchets ou encore de cycle de l’eau, qui seront prises en compte dans la rédaction du plan directeur.
Pour puiser de l’inspiration et créer une dynamique entre ses membres, les maîtres d’ouvrage et l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, le cluster a organisé un voyage d’étude en Scandinavie, plus précisément à Copenhague au Danemark et à Malmö en Suède. Le principal point commun entre les différents sites visités est leur approche fondamentalement pragmatique, qui consiste à définir les solutions proposant le meilleur rapport coût / impacts positifs sur l’environnement, les ressources ainsi que le dynamisme économique et social.
Le quartier de Sluseholmen, à Copenhague, est composé d’îlots entre lesquels coulent des canaux et à l’intérieur desquels des cours communes, où les habitants se rencontrent et développent du lien social, ont été aménagées. Les façades des habitations sont réalisées par des architectes différents. Résultat: la céramique côtoie la tôle, la brique côtoie le bois sur les façades avec une grande liberté d’expression. Ces maisonnettes, accolées les unes aux autres avec des façades très variées et colorées, rappellent le quartier italien de Dudelange qui jouxte le site à réhabiliter. Même mixité architecturale à Malmö pour les anciennes zones portuaires de Västra Hamnen et le quartier Bo 01, vitrine de l’urbanisme durable en Suède. Là encore, l’accent est porté sur l’essentiel, c’est-à-dire la valeur intrinsèque du concept urbanistique, le fonctionnement du quartier, plus que son esthétique.
Sur l’ancien site de production de la bière Carlsberg, les bâtiments historiques de la brasserie seront restaurés et le nouveau quartier intègrera la trame industrielle existante. En attendant, on réfléchit à des solutions provisoires, qui apportent de l’animation sans investir trop d’argent, pour faire en sorte que les habitants de Copenhague se réapproprient le site. Les mêmes réflexions sont à l’œuvre pour Neischmelz.
Le projet de développement de Nordhavn, plus grand projet d’urbanisation danois, est présenté aux participants par l’architecte Dan Stubbergaard du bureau COBE. Nordhavn comptera à terme quelque 40.000 habitants et offrira des espaces de travail pour 40.000 personnes supplémentaires. Ici aussi, l’accent est mis sur la qualité de l’espace public, le respect du patrimoine industriel, la mobilité douce et la mixité sociale et fonctionnelle.
Dans les deux villes, la délégation luxembourgeoise a pu constater que certaines orientations politiques déterminantes ont été prises il y a une vingtaine d’années déjà. Par exemple, à Copenhague, on a misé sur les énergies renouvelables centralisées et la cogénération associée à un réseau de chaleur urbain, ce qui implique que les propriétaires n’aient aujourd’hui plus à se soucier d’investir dans des installations de chauffage décentralisées. Les coûts sont divisés alors que l’efficacité du réseau de chaleur est démultipliée comme cela a été démontré au groupe lors d’un exposé d’Anders Dyrelund, ingénieur économiste, du bureau d’études Ramboll. La cogénération, associée aux énergies renouvelables et à un système de gestion intelligente, fait d’ailleurs partie des concepts qui seront repris pour Neischmelz.
Goran Rosberg, responsable du service d’urbanisation de la ville de Malmö, qui a présenté les projets de développement de Västra Hamnen aux membres du cluster, a insisté sur le fait que, sans volonté politique, Malmö n’aurait pas pu aller aussi loin dans sa démarche de création de quartiers durables. De ce côté-là, Dudelange n’a pas de souci à se faire car les compétences du cluster sont soutenues par les autorités communales comme par les autorités gouvernementales via les ministères de l’Economie et du Logement.
Ce voyage a donné de la motivation et de l’ambition aux membres du cluster EcoInnovation et leur a permis de partir sur une base commune. “L'enseignement le plus important que je tire de ce voyage, réside dans le fait que le développement des grands et petits projets visités ont en commun d'être menés de façon cohérente dans la durée, avec une volonté politique claire établissant les grandes orientations énergétiques et urbaines. Celles-ci favorisent l'adoption par les habitants d'un mode de vie durable. Cette approche me semble universellement applicable. Par ailleurs, la réappropriation des friches de Carlsberg au travers d'installations urbaines éphémères et d'affectations temporaires de bâtiments existants en attendant le démarrage des travaux de construction et de transformation, a nourri la réflexion sur une démarche similaire pour le site Neischmelz. Je me réjouis que l'ensemble des parties prenantes du projet Neischmelz ait pu partager cette découverte d'une approche différenciée de l'urbanisme durable et j'ai eu beaucoup de plaisir à voir et entendre les échanges nourris d'expériences et de points de vue entre les participants. Nous revenons de ce voyage plus que jamais inspirés et motivés à collaborer de façon à faire de Diddeleng Neischmelz un projet phare de l'urbanisme durable au Luxembourg”, conclut Christian Rech.