Des échos agricoles

Martine Hansen

Le Grand-Duché dispose d’un patrimoine agricole de premier plan. À la fois grenier alimentaire, mais aussi refuge pour la biodiversité, ces terres méritent toute notre attention. C’est en tout cas le cap tenu par la ministre de l’Agriculture. Entretien avec Martine Hansen.

 

Quels sont aujourd’hui les grands axes de la politique agricole luxembourgeoise ?

À l’heure où je vous parle, les deux grandes thématiques sont d’une part la discussion budgétaire au niveau européen, ainsi que la nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) d’autre part. Les deux sujets sont bien évidemment liés, il est difficile d’établir une PAC sans définir un budget en amont. Ce que l’on peut d’ores et déjà dire, c’est que l’attention sera portée sur la production et la souveraineté alimentaire européenne. C’est fondamental dans le contexte géopolitique que nous connaissons actuellement, émaillé par le conflit Ukraino-Russe notamment.

Pour parvenir à cet objectif, nous devons disposer d’une agriculture durable, reposant elle-même sur les trois piliers : économique, social et bien sûr écologique. Nous allons d’ailleurs élaborer un nouveau plan d’action Bio, qui sera présenté en fin d’année. Nous étudions actuellement ce que les pays voisins ont réalisés à cet égard, afin de retenir les bonnes idées qui pourraient être implantées ici. Je tiens à préciser que, dans tous les cas de figure, un budget dédié à l’agriculture biologique sera retenu, en plus de ce que la PAC prévoit.

 

Comment soutenez-vous les exploitations agricoles de petite et moyenne taille dans leur transition vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement ?

Le Luxembourg est actuellement le pays européen qui distribue le plus grand nombre d’aides agro-environnementales à ses exploitants. Je m’en félicite et je veille à ce que nous conservions cette première place du podium. Nous souhaitons motiver ces exploitations et les récompenser à emprunter la voie de l’agriculture responsable.

Nous dispensons des primes et des aides spécifiques pour les jeunes qui reprennent des exploitations, d’autres destinées à ceux qui investissent en faveur de pratiques respectueuses de l’environnement.

Nous les soutenons aussi de manière plus indirecte en incitant les restaurateurs ou bien les responsables des cantines scolaires à utiliser des produits Bio, régionaux ou issus de circuits courts, je pense notamment à l’opération Supply4Future conduite par Restopolis.

 

Quelle est la place des communes rurales dans la stratégie agricole nationale ? Existe-t-il des programmes de collaboration spécifiques ?

Nous avons bien sûr des aides spécifiques, destinées aux communes rurales qui développent des initiatives en lien avec le développement rural au sens large. Je pense bien sûr à l’initiative LEADER qui est un instrument-clé pour renforcer l’attractivité des villages et diversifier l’économie locale.

Ce type d’opération permet également à la population de s’investir et cela favorise le vivre-ensemble. En effet, la politique agricole n’est pas seulement faite de décisions en lien avec la production des fruits et légumes ou des exploitations agricoles. C’est aussi un ensemble d’initiatives presque culturelles de ce type. Nous sommes très impliqués et attentifs au fait que celles-ci perdurent et même, s’amplifient. C’est un dialogue continu et plutôt combatif de notre part auprès des institutions européennes.

Du côté des bourgmestres des communes concernées, les retours sont très bons. Ces responsables politiques semblent très satisfaits de nos actions en ce sens.

 

Quelles sont les priorités du ministère en matière de renouvellement des générations dans le secteur agricole ?

Je vous disais un peu plus tôt que nous avons mis en place des subventions spécifiques pour les jeunes agriculteurs qui s’installent ou reprennent une exploitation.

Au-delà de ces subsides, nous allons concevoir un plan d’action de soutien aux jeunes exploitants. En avril dernier, un workshop s’est tenu afin de récolter de premières idées. Fin octobre, se tiendra un second workshop en collaboration avec la Chambre d’Agriculture.

Il est également important de noter que la dimension psychologique est centrale lors d’une reprise d’exploitation agricole par des jeunes. Le leg par les parents, la mise au point avec les frères et sœurs s’il y en a, la question des dettes… de nombreuses questions sont sur la table et c’est parfois un moment difficile à gérer. Ce workshop sera également un moment important pour les aider, nous avons à cœur de les soutenir, de les accompagner dans leur démarche en créant une sorte de guichet unique.

 

Quel rôle attribuez-vous aux communes pour la protection de la biodiversité et la gestion du paysage ?

Les communes ont un rôle central, j’en suis persuadée. D’ailleurs, les mentalités ont changé sur ces sujets et aujourd’hui toutes les communes ont à cœur de développer la biodiversité. Un des exemples les plus parlants est le fauchage tardif le long des chemins qui parcourent les territoires du pays.

Les communes collaborent également avec les syndicats intercommunaux pour participer à des projets de développement de la biodiversité.

Il faut bien comprendre qu’une partie des terres détenues par les exploitants agricoles a une grande valeur pour la production de céréales, de fruits ou de légumes, alors qu’une autre partie de ces sols ont plutôt une valeur de refuge pour la biodiversité. De valeur différente, ils méritent pourtant toute notre attention et les communes sont nos partenaires privilégiés dans cette perspective.

 

Peut-on enfin revenir sur Gielt Band, l’opération ruban jaune que vous avez initié ?

Une des préoccupations majeures de mon ministère est la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour y parvenir, nous déployons plusieurs initiatives, à l’instar de Gielt Band, ruban jaune en français. Son point de départ est le suivant : chaque année, plusieurs dizaines de tonnes de fruits finissent par tomber des arbres et pourrir sur le sol. L’idée est donc de récolter ces fruits avant qu’ils ne tombent, afin qu’ils puissent ensuite être consommés.

Cette opération rassemble 71 communes, ainsi que toute personne volontaire qui possède des arbres fruitiers. Ils peuvent alors accrocher un ruban jaune à ces arbres pour les signaler et donc autoriser la cueillette des fruits par des tiers. L’idée derrière cette opération est aussi de sensibiliser la population à la préciosité de ces aliments.

 

Par Julien Menegalli

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