Le SEBES au fil de l’eau

Pour chacun de nous, il parait normal qu’une eau potable et abondante jaillisse du robinet. Mais savez-vous comment le traitement et la distribution de cette ressource sont assurés au Grand-Duché ? Pour faire la lumière à ce sujet, nous avons rencontré André Weidenhaupt et Georges Kraus, respectivement président et directeur du SEBES.

 

Un peu d’histoire et de gouvernance

Le SEBES, acronyme de Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre, a été créé le 31 juillet 1962, par une loi. Comme son nom le laisse entrevoir, sa mission consiste à renforcer l’alimentation en eau potable du Grand-Duché, à partir du réservoir situé à Esch-sur-Sûre. En effet, à cette époque, la capacité des eaux souterraines venait à ses limites et des mesures devaient être prises.

L’activité du SEBES s’articule aujourd’hui autour de trois piliers : la protection des ressources dont l’eau du Lac de la Haute-Sûre premièrement, le traitement de cette dernière afin de la rendre propre à la consommation deuxièmement, et dernièrement la sensibilisation du public.

Une des missions principales du SEBES est de sensibiliser le grand public à la valorisation de l’eau potable. Cette ressource est naturelle, mais elle est aussi rare et il faut la chérir

Le SEBES a été institué comme syndicat mixte, rassemblant l’État et les communes. La parité est respectée dans tous les organes du syndicat. Notons que la représentation de l’État est assurée par les ministères des Affaires intérieures, des Finances, de l’Environnement, de la Santé et des Travaux publics. « À l’avenir, le ministère de l’Agriculture pourrait rejoindre cette représentation avec une voix consultative » précise André Weidenhaupt.

Initialement, le SEBES rassemblait le Syndicat des Eaux du Sud (SES) et la Distribution des Eaux des Ardennes (DEA), au nord du pays, ainsi que la Ville de Luxembourg. Par la suite, se sont adjoints le Syndicat des Eaux du Centre (SEC), qui regroupe les communes entourant la capitale et finalement les communes de l’Est du pays (SIDERE).

Les communes n’étant pas rattachées aujourd’hui au SEBES, sont celles qui disposent de suffisamment d’eau potable sur leur territoire, à l’instar du Mullerthal par exemple.

 

En quelques chiffres

Le SEBES assure près de 50% de la distribution de l’eau potable au Grand-Duché. Un chiffre qui monte à 70% durant les périodes estivales particulièrement chaudes et sèches. « C’est finalement 90% de la population qu’approvisionne le syndicat, parfois plus, dans la mesure où certaines communes « mélangent » les sources », tient à indiquer le président du SEBES. Pour l’anecdote, la fourniture maximale d’eau potable a été atteinte le 25 juillet 2019 avec 95.844 m3. Cette date marque la dernière période réellement caniculaire intervenue au Luxembourg à ce jour.

Le mur de barrage d’Esch-sur-Sûre mesure 47 m de haut et le lac peut recueillir jusqu’à 60 millions de m3 d’eau. Pour donner un ordre d’idée, cela permet largement d’alimenter le pays durant l’été et l’automne. Le remplissage se fait au printemps, après la période hivernale, à partir des eaux de pluie.

Au total, les différentes installations du SEBES permettent de fournir jusqu’à 148.000 m3 d’eau par jour aux habitants du Grand-Duché, 110.000 m3 / jour par la station de traitement d’Eschdorf et 38.000 m3
par les quatre sites des captages d’eau souterraines de la solution de secours. La distribution se fait via un réseau de conduites dont la longueur totale s’étend sur plus de 190 km.

 

Une industrie économe en eau

Lorsque l’on regarde les courbes d’approvisionnement en eau depuis le début du siècle, à la fois pour l’industrie et les ménages, on constate tout d’abord que la consommation industrielle était la plus importante jusqu’au milieu des années 20 du dernier siècle, avant qu’elle ne soit définitivement dépassée par celle des ménages.

L’industrie est en effet devenue bien plus efficace dans sa gestion de l’eau au fil du temps et les ménages sont depuis lors tous raccordés aux réseaux de distribution d’eau potable des communes. Contenue sous les 2 millions de m3 jusqu’aux années 70, sa consommation connait ensuite un pic aux alentours de 4 millions, avant de redescendre sous la barre des 2 millions de m3 depuis près d’une dizaine d’années.

 

Boom démographique

Après-guerre, la consommation des ménages croit considérablement pour atteindre 5 millions de m3 par an, avant de littéralement exploser à partir du milieu des années 70, avec près de 13 millions de m3.

Un chiffre qui s’explique logiquement par l’accroissement démographique, mais qui a su se maintenir de façon assez stable grâce à l’efficacité des équipements et la discipline des ménages.

« En 10 ans, la population a augmenté de près de 25% au Luxembourg, c’est 15 fois plus que dans le reste de l’UE » précise Georges Kraus avant de poursuivre « Nos infrastructures ont cependant su assurer la continuité de l’approvisionnement en eau potable de manière efficace ». Ce sont ces besoins croissants, en constante augmentation, qui ont notamment motivé la construction d’une nouvelle installation de traitement des eaux à Eschdorf.

 

Le circuit de l’eau

Une prise d’eau à hauteur variable permet de prélever l’eau brute du lac, à une profondeur où elle est de la meilleure qualité. Des analyses de l’eau brute du lac sont faites toutes les deux semaines pour en monitorer les caractéristiques.

Deux conduites issues du mur de barrage acheminent ensuite l’eau dans la station de refoulement. L’eau y est filtrée avant d’être refoulée vers le site d’Eschdorf situé 238 m plus en amont, grâce à des pompes très puissantes.

Si l’on utilisait par le passé des filtres à sable, les nouvelles infrastructures modernes équipées de membranes filtrantes ont aujourd’hui pris le relais et ne laissent passer quasiment aucun virus et bactéries : moins d’un sur 1.000.000 ! Ces équipements sont à la pointe de la technologie en matière de production d’eau potable.

La prochaine étape consiste à augmenter par trois la dureté de l’eau, celle de la Sûre étant pauvre en calcaire et en carbonate, pourrait en effet corroder les conduites d’eau potable. Puis, une ozonisation, des biofiltres, et du charbon actif éliminant encore les derniers micropolluants organiques présents dans l’eau, notamment les traces de pesticides ou de médicaments. « Ces dernières sont heureusement quasiment indétectables dans l’eau brute du lac, et nos traitements les font définitivement disparaitre » détaille Georges Kraus.

Enfin, une désinfection finale a lieu à l’aide d’UV ce qui suffit à éliminer les dernières bactéries dans l’eau et la rendre très pure, tout à fait propre à la consommation.

 

Suivez le guide !

Si la question du traitement de l’eau et de sa distribution vous intéresse, sachez que le SEBES propose sur son site une exposition sur ce thème, intitulée « Vun der Natur an de Krunn (de la nature dans le robinet) ». Au travers d’un parcours de 48 stations proposant des films d’animation, des installations multimédia et artistiques, vous découvrirez le parcours de l’eau, de son captage à son traitement, jusqu’à sa distribution à votre domicile.

Une initiative ludique et pédagogique d’intérêt public, qui ravira à la fois les plus petits comme les adultes, les étudiants comme les curieux. Pendant deux heures, vous serez accompagné d’un guide pouvant conduire la visite en luxembourgeois, en français, en allemand ou en anglais.

« Une des missions principales du SEBES est de sensibiliser le grand public à la valeur de l’eau potable. Cette ressource est naturelle mais elle est aussi rare et il faut la chérir. C’est tout le message que véhicule cette exposition », explique André Weidenhaupt.

 

Un acteur de la durabilité

L’activité du SEBES peut apparaitre comme énergivore. Le pompage de l’eau consomme en effet beaucoup électricité. C’est pourquoi le syndicat souhaite utiliser une énergie 100% renouvelable et a donc opté pour la mise en place de panneaux photovoltaïques sur les toits de ses infrastructures. « Ces panneaux solaires pourront fournir 10% des besoins en électricité et seront complétés à l’avenir par une éolienne, construite en collaboration avec SOLER, qui fournira les 90% restants », précise le président du SEBES.

Le long du réseau de conduites, sur les chambres à vannes plus précisément, des dispositifs photovoltaïques seront également installés. « En outre, ils permettront au système d’être autonome, en cas de black-out électrique », complète le directeur.

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