Un partenaire des communes
Ancien député-maire de Grevenmacher devenu ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden se pose comme un partenaire des communes. À travers un dialogue constant avec le SYVICOL, la digitalisation et une participation citoyenne renforcée, il défend l’autonomie communale pour relever les défis actuels et futurs des territoires. Interview.
Quelle vision portez-vous pour les communes luxembourgeoises à moyen et long terme ?
En tant qu’ancien bourgmestre, je connais le fonctionnement et les défis actuels des communes. Mon but premier est de guider et d’aider les communes dans leurs missions et leurs tâches. Mon objectif est de renforcer l’autonomie communale et de garantir un développement harmonieux des territoires. Je suis convaincu que les communes sont les mieux placées pour répondre aux attentes de nos citoyens. Pour cela, elles doivent être considérées comme de véritables partenaires, et non comme de simples exécutantes de décisions nationales.
Ma vision repose sur quatre grandes priorités. La première concerne les finances communales. Ensemble, avec le ministre des Finances, nous avons pu augmenter les subsides à disposition des communes. J’insiste également sur la sécurité, afin de donner plus de moyens en faveur des communes. Nous avons notamment instauré les projets de Police locale. Troisièmement, la résilience. Nos communes doivent être en mesure d’intervenir rapidement en cas de crises, quelle qu’en soit la nature. Il est impossible de les éviter, mais on peut faire en sorte d’être bien préparé pour les affronter. Comment ? En s’appuyant sur des systèmes mis en place comme LU-Alert, ou en imaginant des constructions pouvant servir en cas de crise, comme des écoles, des halls techniques ou des salles de sport. Nous souhaitons également établir une liste nationale de tous les équipements utiles en cas de besoin – qu’ils appartiennent à l’armée, aux communes, au CGDIS ou aux entreprises – afin de les localiser rapidement en cas de crise. C’est une leçon que j’ai tiré personnellement des inondations de 2021, où la réactivité et la solidarité étaient les maîtres mots. Quatrièmement, le logement est un chantier prioritaire : une commune doit pouvoir offrir un cadre de vie qui permet de compiler travail, loisirs et logement.
Lors de la 48e session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, vous avez souligné que « la démocratie locale est le meilleur rempart contre l’érosion démocratique ». Quelles initiatives concrètes envisagez-vous pour renforcer l’autonomie et la participation citoyenne au niveau communal ?
Je suis convaincu que l’un des piliers de la démocratie se joue dans les communes, à un niveau local, car ce sont les citoyens qui participent à la vie culturelle, sportive et associative de chaque ville. Le contact et le lien direct entre les habitants et les élus communaux sont aussi des atouts. Pour renforcer cette démocratie à l’échelle locale, il faut favoriser la participation de la population aux décisions. La politique communale n’est plus la même qu’il y a 20 ou 30 ans.
La démocratie bat au quotidien dans nos communes et nos régions : c’est à ce niveau que naissent les initiatives concrètes qui rapprochent l’Europe des citoyens. Le gouvernement précédent avait déposé un projet de loi portant sur les référendums au niveau communal que j’entends poursuivre. Je considère que ce mode de scrutin est un instrument important pour la démocratie et la prise de décision.
Vous avez rencontré le SYVICOL à plusieurs reprises pour discuter de divers sujets. Quels sont les principaux axes de cette collaboration et les réformes envisagées en matière de finance et de gouvernance communales ?
Je consulte le SYVICOL sur les sujets, qu’ils soient liés à la digitalisation, la simplification administrative, la sécurité, la résilience, etc. Cela n’a pas toujours été le cas avant, mais aujourd’hui, le dialogue avec le SYVICOL est systématique et constructif avec un intérêt commun : permettre aux communes de remplir efficacement leurs missions.
Nous discutons actuellement de plusieurs axes. Nous avons réformé le Fonds pour l’emploi qui est une réponse concrète pour soutenir les communes financièrement. Il en va de même pour le fonds de péréquation conjoncturelle mis en place lors de la crise sidérurgique dans les années 1970 qui n’est plus d’actualité.
Nous réformerons aussi les subventions. Aujourd’hui, les règles sont complexes et les critères de financement ne sont pas toujours très clairs, notamment dans les différences entre communes pauvres et communes riches.
Enfin, nous envisageons de renforcer le rôle consultatif du SYVICOL au sein des processus décisionnels. Cela implique nécessairement plusieurs révisions sur son statut, sa composition et ses modalités d’intervention. Est-ce que ce sera inscrit dans la Constitution ou dans un texte légal ? Ce sont des réflexions qu’il faut mener.
Cette décision pourrait-elle être débloquée durant votre mandat ?
Je suis optimiste. Le SYVICOL et nous-mêmes sommes disposés à trouver une solution. Néanmoins, je souhaite prendre le temps d’y réfléchir et de considérer les deux côtés de la médaille, car cette décision n’est pas un choix sans conséquence. Par exemple, il faut discuter avec les membres du bureau du SYVICOL qui ne pourraient plus siéger au Parlement.
Le principe du « once only » se trouve au cœur de la simplification administrative. Quels sont les projets en cours pour améliorer l’efficacité des services publics ?
La simplification administrative est un levier essentiel pour améliorer la vie des citoyens et l’efficacité des administrations, et le principe du « once only » – selon lequel un usager ne doit fournir une information aux administrations qu’une seule fois – en fait partie. Ce n’est pas le seul projet. Nous avons déployé l’outil e-MINT, une plateforme d’échange entre le secteur communal et notre ministère. Près de 7.000 documents y circulent, et l’objectif désormais est de créer une loi d’ici 2027 afin que toutes les démarches de PAP ou de PAG passent par cette plateforme.
Qui dit digitalisation dit forcément cybersécurité. C’est un défi crucial pour atteindre un haut niveau de résilience et se protéger contre les cyberattaques. Pourquoi ? Parce que la vie quotidienne de nos administrés se joue dans les communes, où sont enregistrées les données sensibles.
En parlant de sécurité, un projet pilote de Police de proximité a été lancé à Luxembourg-Ville notamment. Quels enseignements tirez-vous de cette initiative qui sera déployée dans davantage de communes ?
Les résultats sont très positifs. Récemment, nous avons même mis en place une unité de Police locale à Differdange. Fin mai, nous avons lancé une autre unité au commissariat Museldall, qui couvre huit communes : Grevenmacher, Mertert, Manternach, Biwer, Flaxweiler, Wormeldange, Lenningen et Stadtbredimus. Ce modèle s’étend ainsi au milieu rural et s’adapte aux réalités locales. Nous mettons en place une nouvelle loi qui sera sans doute votée durant les vacances d’été. Celle-ci redéfinit le rôle et les missions de la Police locale, autour des « 4 P ». Plus de personnel équivaut à plus de présence, donc plus de proximité, ce qui favorise une prévention plus efficace. L’objectif final est d’avoir une Police plus proche et visible.
Un dernier mot sur l’un de vos autres objectifs prioritaires ?
J’ajouterai que la gestion des ressources humaines au sein des communes est un point important. Certaines peuvent aujourd’hui être considérées comme de petites, moyennes, voire grandes entreprises, selon leur taille et leur mode de fonctionnement. Auparavant, seul le secrétaire communal gérait cet aspect. Les temps ont changé, ce n’est plus possible à l’heure actuelle. Je considère qu’un des nouveaux piliers d’une commune sera le département des ressources humaines. Nous proposerons des formations à ce sujet aux élus locaux en juillet, aux fonctionnaires en charge de la gestion RH en octobre, en collaboration avec le SYVICOL.
par P. Birck