Un chantier pour faire triompher le droit au logement
Il aura fallu du courage, de la patience… et une sacrée détermination. À Altrier, petite localité luxembourgeoise de la commune de Bech, un projet de logements à prix abordable a fini par sortir de terre. Après des années de tensions locales et de batailles juridiques, le collège des bourgmestre et échevins et la Fondation pour l’Accès au Logement (FAL) ont pu célébrer la fête du bouquet du bâtiment en avril dernier. Gilles Hempel, directeur de la FAL, revient sur le déroulé des événements.
Un parcours semé d’embûches
Comme de nombreuses communes au Luxembourg, Bech a dû construire un nouveau complexe scolaire afin d’accroître la capacité d’accueil des élèves et de répondre à la croissance de la population, laissant le terrain de l’ancienne école vacant. L’objectif ? Y ériger des logements à prix abordable. L’endroit est idéal et se situe sur l’axe principal. « Le collège des bourgmestre et échevins nous a sollicité pour prendre en main ce projet parce que nous disposions de toute l’expérience nécessaire pour construire de tels logements grâce à Abitatio, notre département de promotion immobilière sociale », explique Gilles Hempel, directeur. Le projet est alors présenté aux citoyens d’Altrier lors d’une réunion d’information… et c’est la douche froide. Certains habitants ne l’acceptent pas. Un comité se forme, les recours s’enchaînent, les débats s’enflamment sur les réseaux sociaux. L’affaire prend ensuite une tournure nationale et mobilise même les caméras de RTL. « C’était un cas typique de ce qu’on appelle communément le « not in my backyard », c’est-à-dire que les habitants sont d’accord sur le principe d’accueillir des logements abordables, mais pas sur leur territoire », indique le directeur.
Faire prévaloir le droit au logement
Face à cette levée de boucliers, les élus de la commune tiennent bon et se défendent en justice, accompagnés par la FAL en partie tierce. En décembre 2023, le tribunal administratif leur donne raison : les motifs d’opposition sont jugés égoïstes. Il a été reconnu que le droit au logement revêt d’un intérêt public supérieur. Le jugement rendu stipule que « la somme des intérêts particuliers, voire égoïstes, des parties requérantes, ne saurait à première vue être considérée comme équivalente à l’utilité publique du projet litigieux, lequel s’inscrit, pour rappel, a priori dans l’objectif de valeur constitutionnelle figurant à l’article 40 de la Constitution ».
Dès lors, au printemps 2024, les pelleteuses s’activent. « Il a d’abord fallu démolir l’ancienne école puis établir les fondations. Ensuite, nous nous sommes attelés à construire le nouveau bâtiment. Celui-ci est porté par une architecture durable qui mêle performances énergétiques AAA, matériaux biosourcés et chaudière à pellets mutualisée qui se trouve dans l’ancien château d’eau… Tout a été pensé pour minimiser les coûts de chauffage et maximiser le confort des futurs occupants. La résidence pourra accueillir quatre logements aux typologies variées, dont un répondant aux normes PMR, et seront tous dédiés à la location abordable. En tant que bailleur social nous nous occuperons aussi de ce volet pour soulager la commune dans la gestion locative », explique Gilles Hempel.
La fête du bouquet a eu lieu le 24 avril et la livraison de la résidence est prévue pour la rentrée 2026. « Les logements seront attribués à des bénéficiaires installés dans la région et qui ont déjà vécus dans nos logements afin d’assurer une continuité dans leur parcours d’inclusion », prévient le directeur.
Pour les responsables communaux et Gilles Hempel, ce chantier est bien plus qu’une simple opération immobilière. « Cette affaire s’est finalement transformée en exemple. Elle a permis de montrer qu’il est inutile de s’opposer à des projets d’utilité publique. C’est le logement qui a gagné ».