Confort, sécurité, technologie : l’ingénierie technique au service de la santé

Un projet hospitalier d’envergure s’apprête à transformer le paysage des soins de santé au Luxembourg : la création du Südspidol à Esch-sur-Alzette. Derrière cette réalisation ambitieuse, une ingénierie de pointe s’engage au service du confort, de l’innovation et de la durabilité. Rencontre avec Meike Ensch, Team Manager Healthcare, et Julian Zachara, ingénieur HVAC-Sanitaire, tous deux membres de Betic, part of Sweco.

 

Quels sont les axes de transformation du projet sur lequel vous travaillez et comment s’articulent vos missions ?

ME : Concernant le Südspidol, le projet consiste à regrouper les activités hospitalières du CHEM (Centre Hospitalier Emile Mayrish), actuellement réparties sur trois sites : Niederkorn, Dudelange et Esch-sur-Alzette, dans un nouvel hôpital unique à Esch. Südspidol deviendra ainsi un pôle de santé de grande envergure au sud du Luxembourg, avec une surface de plancher brute de 121.000 m² et environ 600 lits, dont la majorité en chambre individuelle.

JZ : Nous intervenons ici sur les études techniques liées aux installations HVAC, sanitaires et électriques, avec un important travail de coordination internationale. Nous sommes responsables de l’ensemble des phases de conception, de l’avant-projet à la conception d’exécution. Notre expertise couvre également la conception et la coordination BIM, les procédures d’autorisation, les appels d’offres, le contrôle budgétaire, la gestion des travaux et la mise en service.

 

Comment les choix techniques et architecturaux faits pour le Südspidol participent-ils concrètement au confort et à la continuité des soins ?

ME : Le Südspidol a été pensé dans les moindres détails pour garantir un haut niveau de confort, autant pour les patients que pour le personnel. Une attention particulière a été portée à l’éclairage naturel : chaque chambre est baignée de lumière du jour, grâce à une architecture qui évite toute sensation d’enfermement.

JZ : Ce qui est moins visible, mais tout aussi important, c’est le confort acoustique. Dans les chambres, nous avons veillé à ce que le niveau sonore des sources de bruit extérieures et intérieures ne dépasse pas 30 décibels, ce qui est extrêmement bas et proche du silence, afin que les patients puissent vraiment se reposer. Pour atteindre cela, nous avons utilisé des matériaux acoustiques spécifiques dans les plafonds, les murs et les sols. Dans un environnement hospitalier, le bruit peut être très anxiogène, donc cette attention au calme est essentielle.

Il ne s’agit pas seulement de construire des bâtiments fonctionnels aujourd’hui, mais de garantir qu’ils resteront pertinents et conformes demain

Il y a également le volet thermique, avec des plafonds chauffants et rafraîchissants. Le bâtiment tire parti des énergies renouvelables : des panneaux photovoltaïques permettent de couvrir une partie des besoins en électricité, tandis que la géothermie est utilisée pour chauffer et refroidir l’ensemble. La chaleur résiduelle des machines frigorifiques est utilisée en été pour alimenter les réchauffeurs d’air des appareils de ventilation. De plus, l’eau de pluie est utilisée pour l’arrosage des installations extérieures. Chaque patient pourra, depuis son lit, contrôler la température, ou encore la lumière via une tablette connectée. Ce sera un hôpital hautement technologique, mais toujours au service du confort humain.

 

Quels ont été les principaux défis rencontrés dans le cadre de ce projet ?

JZ : Le respect des normes à la fois luxembourgeoises et allemandes a été un défi majeur, toute la conception devait s’aligner sur des standards très rigoureux. Cela a nécessité un vrai travail de réadaptation et beaucoup d’échanges pour uniformiser les pratiques. Ce qui a vraiment challengé le tout, c’est la dimension internationale du projet. Nous avons travaillé avec des partenaires de Belgique, d’Allemagne, de Pologne, du Vietnam… Chaque pays a sa propre manière d’aborder la planification hospitalière, son propre niveau de détail à chaque phase du projet. Il a donc fallu expliquer, ajuster, coordonner, tout en respectant les attentes du client luxembourgeois.

ME : La communication entre tous ces acteurs, l’harmonisation des méthodes, le suivi de la documentation, la vérification des plans et des symboles utilisés : tout cela a représenté un vrai défi de coordination. Mais c’est aussi ce qui rend ce projet particulièrement intéressant : on apprend énormément, humainement et techniquement.

JZ : C’est vrai que c’est un défi de respecter les normes qui évoluent chaque année. En décembre 2024, par exemple, il y a eu une série de mises à jour de certaines normes luxembourgeoises. Le chantier s’étalera sur plusieurs années et l’un des défis majeurs sera d’anticiper les normes futures, mais aussi les évolutions techniques, notamment en matière d’équipements hospitaliers. Il ne s’agit pas seulement de construire des bâtiments fonctionnels aujourd’hui, mais de garantir qu’ils resteront pertinents et conformes demain.

 

Quelles spécificités distingue-t-on dans la conception d’un hôpital par rapport à un bâtiment plus classique ?

ME : Travailler sur un hôpital, c’est vraiment une autre dimension. Contrairement à un bâtiment résidentiel ou administratif, ici, chaque décision technique peut avoir un impact direct sur la vie des patients. On ne peut pas se permettre de couper l’eau ou l’électricité pendant deux heures pour effectuer des travaux comme on le ferait dans un immeuble de bureaux. Tout doit être anticipé, sécurisé, doublé… voire triplé.

Un autre point important est la gestion des urgences. L’hôpital doit être autonome. Si le courant venait à manquer, il y a des générateurs d’urgence pour assurer son bon fonctionnement en toutes circonstances. La sécurité est primordiale et le bâtiment est conçu pour fonctionner sans aucune faille, tout le temps, même en cas de crise majeure.

JZ : Anticiper l’imprévisible fait partie intégrante de la conception : un protocole a d’ailleurs été mis en place pour répondre à une éventuelle situation pandémique au Südspidol. Si ce n’est pas quelque chose que nous souhaitons utiliser, nous devons tout de même être préparés à cette éventualité. Dans ce cadre, des zones spéciales seront construites afin de permettre une meilleure séparation et prise en charge des patients infectés. Ces derniers seront dirigés vers les chambres de pandémie par des ascenseurs et couloirs séparés. Ces chambres seront maintenues en dépression par rapport aux zones neutres adjacentes. Cette adaptation de la ventilation empêche ainsi toute contamination entre les zones. Ces éléments sont spécifiques à la conception d’un hôpital et rendent ce type de projet bien plus complexe que pour des bâtiments plus standards. Une petite modification dans la conception d’une chambre peut avoir un impact énorme sur l’ensemble du système.

ME : Travailler sur des projets de la sorte est une véritable chance. Planifier un hôpital comme celui-ci, avec des systèmes sanitaires, HVAC et électriques aussi spécifiques, c’est une opportunité rare. Cela est un immense défi, mais également une grande source de motivation. Bien sûr, il y a beaucoup de travail et de moments stressants, mais, quand vous atteignez vos objectifs et que vous voyez ce projet prendre forme, c’est un contentement considérable. Et au-delà de la satisfaction technique, il y a la fierté de savoir que ce bâtiment va apporter un réel soulagement à ceux qui en ont besoin. C’est gratifiant de pouvoir offrir un lieu bien conçu et autant adapté aux patients. Ce n’est pas juste un hôpital, c’est un endroit où trouver soin et confort dans des périodes difficiles. Finalement ce qui nous motive le plus, c’est savoir que nous contribuons à un projet qui aura un véritable impact sur la vie des gens.

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