Communautés énergétiques : mode d’emploi
Votre habitation est mal exposée ? Imaginez que vous puissiez quand même bénéficier d’une production d’électricité photovoltaïque locale… Votre facture d’électricité vous coûte trop cher ? Imaginez que vous puissiez vous passer des frais de réseau… Tout cela est possible en rejoignant une communauté énergétique, une forme d’association reposant sur la production et le partage d’électricité verte entre voisins. Paul Zens, président d’Eurosolar Lëtzebuerg, nous en dévoile le fonctionnement ainsi que les nombreux avantages.
L’énergie au meilleur prix
Partager l’énergie photovoltaïque produite sur sa toiture entre voisins, c’est possible ; et les moyens d’y parvenir, prévus par la loi et guidés par les réglementations européennes, sont multiples. La communauté énergétique locale en est un, et il comporte plusieurs avantages. Constituée sous forme de société – généralement une coopérative ou une asbl – elle permet la production et le partage d’énergie renouvelable entre les utilisateurs d’un réseau éloignés au maximum de 300 m. Elle est économiquement intéressante puisque le prix de l’électricité produite est autodéterminé par ses membres. « Les énergies vertes exploitées au niveau local sont garantes d’une facture stable et allégée : le modèle de la communauté énergétique permet en effet une exonération des taxes relatives à l’utilisation du réseau, deuxième élément le plus coûteux dans le calcul du prix de l’électricité après le prix du marché. Dans cette configuration, on s’affranchit également des fluctuations : un pays producteur de pétrole a décidé d’augmenter les prix ? Peu importe : avec le soleil, on est soi-même décideur du montant », avance Paul Zens.
Le pouvoir de décider
En effet, les communautés énergétiques redonnent le pouvoir aux citoyens. Créées et rejointes sur base volontaire, elles sont administrées par leurs membres, des non-professionnels, certes, mais souvent bien renseignés sur le sujet et enclins à échanger entre eux sur leurs bonnes pratiques. « C’est finalement une affaire de bon voisinage, où ceux qui ne produisent pas, en raison d’une mauvaise orientation ou d’une exposition amoindrie par de la végétation, par exemple, peuvent partager l’électricité de ceux qui en génèrent », estime le président d’Eurosolar Lëtzebuerg. La forme juridique de la communauté est déterminée par ses membres. Les associations et coopératives se prêtent mieux à ce type d’activité, mais tout type de société est en réalité possible. Il suffit ensuite d’en notifier la constitution à l’Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR) puis de signer une convention avec le gestionnaire de réseau et, le cas échéant, de conclure un contrat de rachat de l’électricité excédentaire. Afin de déterminer les modalités de répartition, le prix de l’électricité partagée et les conditions de paiement, les membres rédigent et signent enfin une convention de répartition d’électricité. Ensuite, il ne reste plus qu’à autoconsommer !
C’est finalement une affaire de bon voisinage, où ceux qui ne produisent pas, en raison d’une mauvaise orientation ou d’une exposition amoindrie par de la végétation, par exemple, peuvent partager l’électricité de ceux qui en génèrent
Si les limites géographiques prévues par la loi peuvent sembler restreindre les possibilités, elles reposent en réalité sur des préoccupations techniques qu’il est possible d’outrepasser. « Le rayon de 300 m entre deux points d’injection ou de prélèvement défini par la législation luxembourgeoise est certes inférieur à celui pratiqué dans d’autres pays, mais ne doit pas être considéré comme un obstacle par des voisins intéressés mais trop éloignés. En effet, il est possible de constituer une asbl unique, mais divisée en différents sous-groupes de partage respectant individuellement cette contrainte. De cette manière, la communauté énergétique est un modèle pertinent pour la plupart du territoire luxembourgeois, là où l’habitat est constitué principalement de maisons unifamiliales ou de petites résidences et où règne une certaine proximité entre les habitants. Les communes devraient d’ailleurs jouer un rôle dans leur promotion tant leurs avantages sont nombreux », affirme Paul Zens.
Une approche européenne
Si les façons de faire sont déjà nombreuses au Luxembourg, elles le sont encore plus à l’échelle européenne où émergent une multitude de bonnes pratiques. En tant que membre de REScoop, un réseau de 2.500 communautés d’énergie renouvelables en Europe et représentant plus de 2 millions de citoyens, Eurosolar Lëtzebuerg constate qu’il y a des exemples à suivre par-delà nos frontières. « Rappelons que le marché de l’énergie est européen. En participant à l’European Energy Community Forum qui s’est tenu en mai 2024 à Prague, nous avons pu découvrir le grand éventail des possibles permis par les directives de l’Union. Le Grand-Duché ne compte qu’une seule communauté énergétique professionnelle : l’E-Community. D’autres États membres, dont les communautés rassemblent parfois 1.500 ou 2.000 adhérents, en dénombrent davantage. Certaines produisent et distribuent non seulement de l’électricité, mais aussi de la chaleur et du froid. Le forum 2025 se tiendra à Cracovie. Nous y serons pour nous laisser inspirer par nos voisins », conclut le président d’Eurosolar Lëtzebuerg.