Tracer sa propre voie sur la route de l’héritage

Sam Sales

À 30 ans seulement, Sam Sales incarne la quatrième génération à la tête de Sales-Lentz, pilier historique de la mobilité et du transport en autobus au Grand-Duché. Le jeune entrepreneur jongle entre tradition familiale et innovation pour adapter les solutions de transport aux enjeux actuels. De rêves de plongée sous-marine à la création de sa propre startup FleetLab, il a appris que le chemin de la réussite est souvent sinueux mais riche en enseignements. Portrait.

 

Des rêves de profondeur

Sam Sales naît à Niederkorn en 1994 et fait partie de la quatrième génération à diriger l’entreprise familiale Sales-Lentz. Une évidence qui a pourtant mis du temps à se révéler tant le jeune trentenaire était avide d’expériences et de liberté dans ses propres choix. « Disons, et je n’en suis pas très fier, que j’étais un élève compliqué. J’avais un peu de mal avec l’autorité et je frôlais les limites avec les professeurs », s’amuse-t-il. Alors passionné par la mer, les océans et leurs profondeurs, il s’adonne à la plongée. « C’étaient des domaines qui me faisaient rêver. Partant de là, j’avais l’ambition de devenir chercheur dans la vie sous-marine. Mais j’ai compris que ce métier n’était pas fait pour moi lorsque j’ai su qu’il fallait apprendre le latin pour connaître les noms des espèces, de la faune ou de la flore », sourit Sam Sales.

 

Le cœur aux voyages

L’enfant qu’il était se passionne aussi pour le handball et porte même le maillot de l’équipe nationale luxembourgeoise dans les catégories jeunes, un sport qu’il pratiquera jusqu’à son arrivée à l’université d’Oestrich-Winke, en Allemagne, pour suivre un Bachelor en General Management. Là, il prend connaissance de tous les aspects de la gestion d’entreprise, aussi bien économiques qu’humains. Durant ce cursus, il passe également sept mois à Séoul. « C’était en 2016, mon temps de séjour a été allongé en raison des menaces nord-coréennes mais ce n’était pas pour me déplaire car j’ai vraiment apprécié la culture. Je suis arrivé seul, sans connaître personne mais j’ai été très bien accueilli », se remémore Sam Sales.

Ce voyage, je l’ai réalisé seul, loin des distractions, avec un sac sur le dos en guise de compagnon et une tente pour dormir

Une fois son Bachelor validé en 2017, il s’autorise une parenthèse. « Je me suis dit que je ne voulais pas commencer la vie active sans avoir vécu une expérience forte qui me marquerait à vie. Avant d’entreprendre mon Master, je me suis lancé dans le Pacific Crest Trail. Il s’agit d’une course de 4.240 km qui s’étend de la frontière mexicaine jusqu’au Canada et longe tout l’ouest des États-Unis. Ce voyage, je l’ai réalisé seul, loin des distractions, avec un sac sur le dos en guise de compagnon et une tente pour dormir. Ce périple m’a fait prendre conscience de plein de choses. J’ai également pris beaucoup de recul sur ma vie et mon avenir », explique-t-il. Puis, il poursuit son master dans le pays de l’Oncle Sam, à Boston, à l’Hult International Business School où il étudie la finance et le commerce international.

 

L’esprit startup

À cette époque, la crise du Covid-19 bat son plein. Le monde se trouve confiné et Sam Sales décide de rentrer au Grand-Duché tant qu’il en est encore temps pour poursuivre ses études à distance et proche de sa famille. « Il me restait seulement deux mois de cours, mais tout était différé en raison du décalage horaire. Au plus fort du Covid-19, j’ai rendu service à mon oncle et mon père dans l’entreprise familiale. J’ai pu les aider tous les matins et reprendre mes études après 16h jusqu’au soir », se souvient Sam Sales, qui disposait déjà d’une solide expérience grâce à plusieurs stages effectués durant son cursus.

C’est ainsi qu’il se familiarise avec les rouages de Sales-Lentz, en commençant par une fonction de support pour le Chief Financial Officer, avant de lancer FleetLab, une solution de mobilité durable et personnalisée pour les opérateurs du secteur des transports, en 2021. « J’aime vraiment l’alliance entre les nouvelles technologies et ce domaine passionnant qu’est la mobilité. Généralement, les solutions y dédiées sont tournées vers les clients. Or, ici, le but de notre startup est d’accompagner les opérateurs dans le déploiement de services de haute qualité car leur travail est complexe », déclare ce fana de la tech.

 

« Les garçons, c’est votre tour »

Passionné par le digital et le vaste monde des données, Sam Sales met constamment au défi ses idées et ses réflexions pour rapprocher les nouvelles technologies à la mobilité. S’il ne voulait pas qu’un poste soit créé spécialement pour lui dans l’entreprise familiale au sortir de ses études, il prend finalement la relève de son père et son oncle en juin 2023 en devenant CEO chez Sales-Lentz. « À 58 ans, mon grand-père était venu voir ses fils et leur avait dit « les garçons, c’est votre tour maintenant ». Mes parents ne m’ont jamais forcé ou incité à reprendre les rênes de la société, mais pour y avoir baigné depuis ma plus tendre enfance, ce choix m’est finalement apparu comme une évidence ».

 

Le travail et l’effort comme valeurs

Cette fibre pour l’entrepreneuriat est, dirons-nous, génétique. Son père, directeur, et sa mère, dirigeante de sa propre crèche, lui transmettent en effet très tôt le goût de l’effort et l’envie d’entreprendre. « Mes parents m’ont toujours inculqué les valeurs du travail. On n’a rien sans rien ». Et c’est dans les difficultés que Sam Sales a pu se révéler pour devenir la personne et l’entrepreneur visionnaire qu’il est aujourd’hui. Comme son voyage en solo, la vie et la gestion d’une entreprise sont faites de hauts et de bas. S’il doit retenir quelques difficultés, c’est celles qui sont survenues après la création de FleetLab. « Comme toute startup, nous avons connu des débuts phénoménaux, mais la suite était un peu plus compliquée. Il a fallu s’accrocher, continuer chaque jour et fournir un travail acharné pour franchir les étapes et proposer un service de qualité », estime le jeune entrepreneur qui a parfois beaucoup douté de sa légitimité lorsqu’il a pris la direction de Sales-Lentz.

Mes parents ne m’ont jamais forcé ou incité à reprendre les rênes de la société, mais pour y avoir baigné depuis ma plus tendre enfance, ce choix m’est finalement apparu comme une évidence

De son propre aveu et avec beaucoup d’humilité, il était difficile pour lui de prendre ses responsabilités et de se sentir à l’aise pour porter l’héritage de l’entreprise familiale à même pas 30 ans. Il suit alors une formation de deux semaines pour se préparer à prendre la direction d’une société et mieux l’appréhender. « La première question que l’on m’a posée était : « vous sentez-vous légitime ? ». Au début, non. Puis, j’ai appris qu’il ne fallait pas se bloquer. En participant à tous les ateliers, j’ai pris conscience que j’avais les épaules pour endosser cette fonction », explique-t-il. Soulagé et confiant, Sam Sales tient aujourd’hui ce rôle depuis presque deux ans et espère fédérer l’ensemble de ses collaborateurs autour d’une vision centrée sur l’humain, la haute qualité de service et l’innovation.

 

Des plaisirs simples pour s’évader

Si les voyages ont beaucoup forgé le jeune entrepreneur, il cultive aussi ses valeurs à travers le sport, notamment grâce au handball et son fort esprit collectif. Aujourd’hui, Sam Sales s’est dirigé vers l’endurance, comme le trail, qui lui permet de dépasser ses limites et de se forger un mental à toute épreuve. Et c’est principalement au Nord du Luxembourg, dans les paysages verdoyants et un peu escarpés, qu’il prend plaisir à s’adonner à la course à pied pour se ressourcer. « J’aime également beaucoup me rendre aux marchés de la capitale les samedis matin, il s’y dégage une ambiance très chouette que j’apprécie particulièrement ».

Bref, Sam Sales est de ceux qui avancent avec l’âme d’un curieux insatiable, que ce soit dans les profondeurs marines de son enfance, sur les sentiers du Pacific Crest Trail où à travers les défis entrepreneuriaux qui bousculent son quotidien. Son parcours, il le doit à la force de ses choix, à l’audace de ses essais et à la résilience. Il porte en lui cette philosophie forgée au fil de ses nombreuses expériences : ne jamais laisser la peur dicter ses décisions. « Je préfère toujours essayer plutôt que de regretter de ne pas l’avoir fait », confie-t-il. Car au fond, ce qui compte, c’est se donner les moyens d’apprendre et d’évoluer. C’est ainsi que Sam Sales trace sa route, avec une forte conviction chevillée au corps : l’avenir appartient à ceux qui osent.

 

par Pierre Birck

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