Un label sur mesure pour le Luxembourg

Face aux défis spécifiques du Grand-Duché, un label innovant est en création pour encourager les projets durables et résilients. Conçu pour répondre aux besoins locaux, SERENE est développé en collaboration avec des experts et institutions nationales. Caroline Drouard, directrice de division spatial planning, et Thomas Biendel, responsable de l’innovation et directeur de service hydrologie chez LSC360, qui prennent part à son élaboration, nous en expliquent les objectifs et les perspectives.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse du label SERENE et sur les besoins locaux spécifiques que vous avez identifiés au Luxembourg et qui ont mené à sa création?

CD: SERENE est un acronyme pour Sustainable, Healthy, and Resilient Cities and Neighbourhoods. L’idée de sa création est née d’une réflexion collective sur les outils existants en matière de durabilité et de résilience au Luxembourg. Depuis de nombreuses années, notre groupe est profondément impliqué dans le développement durable et la résilience sous diverses formes : dans la programmation, la projection, l’exécution, le suivi et l’analyse de projets.

TB: Au fil du temps, nous avons constaté que les outils et labels disponibles, la plupart issus d’autres pays européens, ne correspondaient pas complètement aux spécificités du contexte luxembourgeois. Ils étaient soit trop généraux, soit trop centrés sur des critères qui ne concernaient pas directement le Grand-Duché et les problématiques locales qui font qu’un projet est véritablement résilient ou non. Nous considérons également qu’envisager la résilience au niveau du bâtiment uniquement est insuffisant. De très grands enjeux, parfois bien plus impactants, se jouent à l’échelle du quartier.

CD: En ce qui concerne les spécificités locales, à titre d’exemple parmi d’autres, on peut citer la gestion des terres et des sols excavés. Les décharges du pays sont depuis longtemps saturées et n’ont plus la capacité d’accueillir des quantités importantes de terres excavées. Un projet résilient devrait donc optimiser cette gestion en limitant l’évacuation ou en gérant les matières sur place. C’est une problématique locale que les labels internationaux n’intègrent pas, car elle est moins marquée à l’étranger. Quand on connait la saturation des axes routiers au Luxembourg, on comprend que le transport de matériaux inertes a un impact qui va bien au-delà du bilan carbone.

 

Qu’est-ce qui garantit la légitimité de ce label et évite qu’il devienne un simple outil marketing?

TB: C’est une question essentielle et c’est précisément pour ne pas tomber dans le piège du greenwashing que ce projet a vu le jour. Nous ne voulons pas créer un label juste pour l’afficher comme une médaille ou un argument de vente, pour cocher une case ou booster la valeur commerciale d’un bien.

Nous voulons que ce label soit coconstruit avec tous les acteurs concernés ici au Luxembourg, qu’il reflète une véritable prise de conscience et collaboration entre les professionnels du secteur, les experts et, bien sûr, les autorités publiques. C’est ce travail collectif qui garantira sa légitimité. Si le label est un succès, il sera possible d’envisager, à l’avenir, une grande variété de solutions de (co-)financement.

CD: Nous souhaitons faire reposer la légitimité de ce label notamment sur une expertise technique et pluridisciplinaire. Chez LSC360, grâce à nos 300 collaborateurs spécialisés dans des domaines comme l’environnement, l’urbanisme, la mobilité, l’eau, les sols, la réglementation, le bâtiment, les infrastructures…, nous avons un éventail de compétences très large, ce qui nous permet d’aborder toutes les thématiques liées à un projet de manière transversale et de construire des équipes pluridisciplinaires en travaillant sur chaque thématique de manière systémique.

TB: Et ce label, il doit aussi incarner nos valeurs. La durabilité et la résilience, ne sont pas que des mots que nous utilisons dans nos communications. Ce sont des engagements que nous traduisons dans nos actions. Nous voulons mettre en avant des projets qui vont bien au-delà du cadre réglementaire, qui innovent et adoptent des pratiques exemplaires. Nous ne voulons pas nous contenter du minimum
réglementaire pour labelliser un projet.

CD: À terme, notre objectif est clair: nous souhaitons que ce label devienne une véritable référence. Pour cela, il sera totalement transparent. La grille d’évaluation et les critères seront accessibles à tous, afin que chacun puisse comprendre et s’approprier l’outil. Et surtout, il devra être public. Il sera conçu pour servir l’intérêt collectif et non pour répondre à des enjeux commerciaux.

 

Comment avez-vous structuré la collaboration autour du label SERENE pour assurer son efficacité et son acceptation par tous les acteurs concernés?

TB: Elle repose sur une organisation structurée en trois niveaux, où chaque acteur joue un rôle bien défini pour garantir la pertinence et l’efficacité du projet.

Au premier niveau, on retrouve les trois piliers principaux du projet: NeoBuild, le LIST, et nous, LSC360. Ensemble, nous pilotons les grandes orientations du label, assurons la coordination entre les différentes parties prenantes et apportons la maîtrise technique tant sur le plan scientifique théorique que sur le volet «terrain». Cette complémentarité est essentielle.

Dans le projet SERENE, les équipes du LIST mettent à disposition leur savoir-faire en matière d’évaluation environnementale pour l’environnement bâti, ainsi que le lien vers les initiatives européennes via leurs réseaux d’innovation, afin de contribuer à l’évolution des pratiques de planification urbaine au Luxembourg. Le programme Bridges du FNR est un excellent instrument pour développer nos recherches au service du secteur

Le deuxième niveau est constitué d’un comité consultatif qui fournira un retour sur la pertinence du cadre proposé d’indicateurs et des orientations stratégiques. Ce comité sera formé dans les prochaines semaines. Il réunira des acteurs clés du secteur, notamment des ministères, des communes, des syndicats ainsi que des promoteurs privés et publics. Ce groupe sera sollicité régulièrement pour échanger,
réagir et contribuer activement à l’élaboration du label. Son implication est cruciale pour intégrer les enjeux politiques et économiques, ainsi que les priorités locales et nationales. En travaillant ensemble, ces acteurs apportent une diversité de points de vue, favorisant des choix et arbitrages qui reflètent les réalités du terrain.

Enfin, le troisième niveau comprendra un groupe de travail sur le label, en cours de création également. Il testera les indicateurs développés en fonction des attentes des acteurs publics et privés. Bien qu’il ne participe pas à toutes les étapes du processus, il sera tenu au courant des avancées du projet et invité à réagir ponctuellement. Ce niveau permet de garantir une transparence maximale et une acceptation large du
label, en veillant à ce que tous les acteurs concernés se sentent impliqués.

CD: Cette organisation tripartite a un but affiché: empêcher la création d’un label unilatéral, imposé et isolé. Il s’agit de co-construire un outil qui, dès sa sortie, soit déjà accepté et adopté par l’ensemble des parties prenantes.

 

Justement, comment se passe la collaboration avec le LIST et Neobuild?

TB: Dès le début du processus de création du label SERENE, nous avons compris l’importance de collaborer avec d’autres acteurs clés du secteur pour garantir sa pertinence et son efficacité. En tant que société privée, nous n’avons ni la prétention, ni la légitimité de développer un label en notre seul nom, car il aurait eu une faible valeur sur le marché luxembourgeois. C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés du LIST, un acteur public de recherche appliquée, qui a lui-même établi un lien avec NeoBuild, un centre d’innovation pour le secteur de la construction. Cette collaboration nous a permis de mutualiser nos expertises et nos ressources. Chacun des partenaires a apporté une perspective complémentaire: LSC360 avec sa connaissance approfondie des problématiques locales et des projets de planification, le LIST avec son approche scientifique et ses compétences en recherche et Neobuild avec son expertise en innovation durable et en certification ainsi qu’en communication.

CD: Nous sommes très reconnaissants d’être accompagnés par ces deux organismes. Le LIST s’affirme comme le véritable moteur administratif et scientifique du projet. Il possède l’expérience et la capacité de traiter des dossiers complexes, comme ceux requis pour le Fonds National de la Recherche (FNR), dont les demandes de financement exigent une précision et un volume de données considérables. En plus de ce support administratif, la méthode scientifique et la masse de matière grise dont dispose ce centre de recherche est le noyau du développement technique du label. Nous, LSC360, apporterons notre expérience du terrain. L’équilibre devra se faire entre notre pragmatisme et l’excellence scientifique du LIST. L’objectif est de trouver le juste milieu pour que le label tire le meilleur des deux mondes.

NeoBuild joue un rôle central en tant que moteur de communication et de certification. Il apporte ses compétences organisationnelles et la mise en relation avec les autres parties prenantes.

 

Quand prévoyez-vous le lancement officiel du label ?

CD: Les discussions ont commencé il y a environ deux ans. Nous avons maintenant un plan de financement sur trois ans avec le LIST et l’objectif est de rendre le label pleinement opérationnel pour la fin 2027 ou début 2028. Nous avons un calendrier précis, avec un objectif clair et nous avons également établi une analyse des risques. D’ici sa sortie, nous allons tester le label sur deux sites pilotes pour en évaluer l’efficacité et l’ajuster si nécessaire. C’est un processus dynamique, mais le but reste de finaliser tout cela en 2027.

TB: Pour l’instant, les sites pilotes proposés dans notre dossier au Fonds National de la Recherche sont de deux types : un quartier créé ex nihilo et un quartier existant en renouvellement et rénovation urbains. Mais ce sont encore des exemples ; d’autres sites pourraient mieux correspondre à nos critères, tout cela est donc encore à ajuster. Ce qui est certain, c’est que nous souhaitons tester ce label sur le terrain, ajuster les critères en fonction des retours et ainsi offrir un label véritablement adapté aux réalités du Luxembourg. Par ailleurs, lorsque les premières esquisses du label seront établies et validées, bien avant le lancement officiel, nous les utiliserons dans l’ensemble de nos projets pour agir et orienter le développement des quartiers au Luxembourg et pour accumuler les retours d’expériences.

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