Un parfum de l’ILA

Philipp von Restorff

C’est avec son regard brillant et rigoureux, un brin espiègle aussi, que Philipp von Restorff, CEO de l’ILA (Institut Luxembourgeois des Administrateurs), nous accueille pour se prêter au jeu du portrait. Dans son sillage se dégage un parfum subtil et puissant, où chaque note raconte un morceau de vie. À l’image du lilas qui s’épanouit discrètement, il cultive aujourd’hui l’art de la gouvernance avec finesse au sein de l’ILA. Sa carrière, telle une fragrance complexe, se compose de couches successives qui forment un parfum unique, gravant son empreinte dans les esprits qu’il côtoie au quotidien. Portrait d’un homme qui a su jongler entre l’impatience maîtrisée, la passion pour la communication et la soif d’apprendre.

 

Un enfant de la télé

Né à Hambourg au milieu des années 1970, Philipp von Restorff déménage au Luxembourg à l’âge de quatre ans, en 1978. Son père, banquier, a logiquement rejoint le Grand-Duché en raison des opportunités professionnelles qui abondaient des secteurs bancaire et financier, tous deux alors en pleine expansion. « Mon père a été engagé pour participer à l’ouverture d’une banque au Luxembourg tandis que ma mère a eu la dure tâche d’élever mon frère et moi car elle était mère au foyer, l’un des métiers les plus difficiles qui soit », sourit Philipp von Restorff. Pour cause, ses instituteurs le trouvent très animé, peu discret et pas forcément des plus assidus, si bien qu’enfant, pour se défouler, il pratique une multitude de sports comme le hockey sur gazon, le golf ou encore le tennis. « Ayant grandi durant les années 1980, je suis forcément devenu un enfant de la télé par la force des choses. Ses codes m’ont beaucoup influencé, j’ai beaucoup regardé le petit écran luxembourgeois et français. J’ai donc baigné dans plusieurs cultures », indique-t-il.

 

Le comble d’un rêve

Il entre ensuite à l’école européenne, puis se dirige à Bruxelles pour poursuivre sa licence en communication à l’IHECS. « Je n’avais qu’un seul rêve en tant qu’enfant : celui de ne pas être banquier comme mon père », déclare Philipp von Restorff. Une fois ses études achevées, il rejoint Kneip Communication en 1999 avant de retourner en Allemagne, à Berlin, durant six mois pour officier en tant que Marketing Officer dans une startup. « Si je suis parti du Luxembourg à cette époque, c’était avant tout pour pouvoir encore profiter de ma jeunesse, découvrir un nouvel endroit et vivre dans une autre grande ville », poursuit le natif d’Hambourg qui est ensuite recruté par le Service information et presse (SIP) du gouvernement luxembourgeois.

Quelques années plus tard, il rencontre Fernand Grumls, alors membre de la direction de l’ABBL (Association des Banques et Banquiers Luxembourg), et intègre les rangs de l’asbl en tant qu’Head of Communication en début d’année 2008. Il y occupera divers postes pendant onze ans. Un comble pour celui qui rêvait de tout… sauf du secteur bancaire !

 

« Une époque absolument exceptionnelle »

Philipp von Restorff débarque à l’ABBL dans un contexte particulier, au plus fort de la crise financière mondiale de 2007-2008. L’affaire Madoff et le sauvetage des banques Fortis et Dexia ont profondément marqué cette période. « D’un point de vue communicationnel, c’était une époque très difficile à gérer, mais absolument exceptionnelle. Ces expériences m’ont permis d’apprendre la communication en temps de crise », indique-t-il.

Deux personnalités l’ont fortement marqué durant son parcours : l’actuel président du comité scientifique de la Fondation IDEA, Jean-Jacques Rommes, ainsi que Nicolas Mackel, l’ancien administrateur délégué de Luxembourg for Finance, l’agence dont il intègre les rangs en 2019. « Chacun d’eux m’a influencé par son intellect, sa façon de gérer les affaires, son comportement intègre et, justement, sa gestion de la communication en temps de crise », se remémore-t-il.

 

La passion de la gouvernance

Philipp von Restorff est ensuite contacté par Carine Feipel, présidente de l’Institut Luxembourgeois des Administrateurs (ILA) qui a pour objectif de développer une gouvernance d’entreprise saine et à l’écoute des enjeux du développement durable dans l’écosystème grand-ducal. Il rejoint les rangs de l’institution au printemps 2023 en tant que CEO. « La gouvernance m’a toujours passionné car, bien que sous-estimée et peu connue du grand public, elle est essentielle pour assurer la bonne gestion d’une entreprise », déclare-t-il. Près de 3.000 membres sont affiliés à l’ILA qui s’organise pour servir les besoins des administrateurs et des secrétaires généraux des conseils d’administration.

Il faut d’abord chercher son propre bonheur, ne pas se laisser influencer mais écouter les personnes qui nous veulent du bien

« Nous nous positionnons comme un institut de formation et de certification, mais nous sommes également présents pour offrir à nos membres une plateforme pour échanger du savoir et des informations autour de la gouvernance grâce à différents groupes de travail qui se penchent sur les thématiques importantes qui participent au bon fonctionnement d’un conseil d’administration », explique le CEO de l’ILA. Les mentalités ont changé au cours des 20 dernières années et les entreprises luxembourgeoises démontrent d’ailleurs de plus en plus d’intérêt par rapport à ces questions, en témoignent les problématiques liées à la cybersécurité ou à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE).

 

Apprendre de l’impatience

L’impatience qui caractérise la personnalité de Philipp von Restorff transpire dans son quotidien au travail, même s’il atteste que les rouages et les processus de décision nécessitent de la patience. « Chaque personne est différente, il faut donner du temps aux collaborateurs pour gérer et appréhender de nouvelles décisions ». Au jeu des questions-réponses dans l’open-space, ces derniers sont d’ailleurs unanimes sur son impatience mais chacun d’entre eux loue ses qualités d’écoute et son leadership. Alors, pour entretenir cette patience qui lui fait tant défaut, il se murmure chaque jour en allemand cette citation de Karl Valentin : « Wenn es regnet, freue ich mich, denn wenn ich mich nicht freue, regnet es auch ». (Quand il pleut, je suis content, parce que quand je ne suis pas content, il pleut aussi).

En posant son regard sur son passé, son vécu, son expérience et son parcours professionnel, Philipp von Restorff retire une seule leçon : savoir écouter et réfléchir avant de prendre ses propres décisions. « C’est un principe que j’essaie d’inculquer à mon fils qui vient de fêter ses 18 ans. Mes conseils sont qu’il faut d’abord chercher son propre bonheur, ne pas se laisser influencer mais écouter les personnes qui nous veulent du bien », souligne-t-il.

 

« Un pèlerinage phénoménal »

Au-delà de sa riche carrière, Philipp von Restorff reste un homme profondément attaché à ses racines familiales. Bien qu’il ait quitté l’Allemagne très jeune, il conserve des liens étroits avec sa famille, qu’il tient à retrouver chaque année dans différentes villes germaniques. « Nous organisons des week-ends où toute la famille élargie se réunit. C’est une tradition que j’apprécie beaucoup », révèle-t-il.

Ces expériences m’ont permis d’apprendre la communication en temps de crise

En dehors du travail, le CEO de l’ILA se passionne pour l’escalade, le vélo et les voyages. Il se ressource en pleine nature et partage autant de temps que possible avec ses amis. Son dernier voyage marquant a été une marche avec son fils sur le Caminho Portugues, un circuit qui part de Porto et se termine à Saint-Jacques-de-Compostelle. « Ce pèlerinage était une expérience phénoménale. J’ai également pu voyager dans le cadre de mes missions avec Luxembourg for Finance, j’ai pu découvrir des endroits mémorables en Amérique ou encore en Asie », se souvient-il.

À travers les années, Philipp von Restorff a su évoluer dans des environnements variés, tout en restant fidèle à ses principes et à ses valeurs. Son écoute, son sens de la communication et son intérêt pour la gouvernance font aujourd’hui de lui un leader apprécié par ses pairs. Il se dit prêt à continuer de relever des défis et de jouer un rôle clé dans l’évolution de la gouvernance d’entreprise au Luxembourg avec cette soif constante d’apprendre, de comprendre et de transmettre.

 

Par Pierre Birck

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