La participation citoyenne réinventée

Lors de l’érection d’un nouveau bâtiment, de l’introduction d’un service ou d’un réaménagement de l’espace public, les institutions communales ou étatiques sont confrontées au défi complexe de respecter des budgets et des délais serrés tout en prenant en compte les besoins de leurs citoyens. Pour faire de l’entreprise une réussite, le cabinet de conseil luxembourgeois Sensity a imaginé « The New Participation », un service permettant aux autorités locales d’expérimenter un nouveau type de participation plus inclusif. Guido Wolff et Marcel Befort, Managing Partners, et Giacomo Piovan, consultant, nous expliquent comment faire en sorte que chaque voix compte dans la gouvernance locale.

 

Pouvez-vous présenter Sensity en quelques mots ?

MB : Fondé en 2012, Sensity est un cabinet de conseil international actif dans la recherche, le design, la communication et la stratégie. Depuis ses débuts à Hollerich, l’entreprise a bien grandi puisqu’elle se compose aujourd’hui d’une vingtaine d’experts et dispose de bureaux à Cologne, en Allemagne, et à Helsinki, en Finlande. Si nous travaillions à l’origine avec une clientèle privée internationale, nous avons constaté que les compétences que nos chercheurs et designers mettaient au service du développement de produits pour l’industrie étaient également très appréciées des institutions gouvernementales et autorités locales. En fait, les mêmes équipes peuvent employer quasiment les mêmes méthodes pour les aider à déployer des projets ou des services aux citoyens basés sur une bonne connaissance des besoins de la population. Il y a deux ou trois ans, nous avons donc commencé à développer des offres spécifiquement dédiées au secteur public, parmi lesquelles un produit dédié à la participation citoyenne.

 

Selon vous, pourquoi projets de développement urbain et participation citoyenne semblent presque systématiquement aller de pair aujourd’hui ?

GW : La volonté d’impliquer la population dans la politique locale n’est pas nouvelle, mais l’intérêt des autorités est bel et bien croissant. Celles-ci veulent répondre aux besoins de leurs citoyens et, pour ce faire, il faut les connaître précisément. C’est pourquoi leur participation est de plus en plus importante à leurs yeux. Si l’approche se prête parfaitement aux projets d’aménagement de bâtiments ou de l’espace public, elle s’applique également aux projets d’amélioration des services publics numériques ou encore aux échanges de vues sur des sujets d’avenir tels que les nouveaux modes de vie.

 

Pourquoi votre service s’appelle-t-il « The new participation » ? Qu’y a-t-il de nouveau dans votre approche ?

GW : Notre approche est novatrice à la fois du point de vue de la temporalité et de la méthodologie. Nous avons constaté que les citoyens étaient généralement impliqués tardivement dans les projets de leur commune, lorsque les grandes lignes étaient déjà établies. Notre idée est de faire entendre leur voix à un stade plus précoce, alors même que les autorités n’ont pas encore de plan bien défini, de manière qu’ils puissent réellement orienter le projet. En garantissant une réelle transparence dès le départ, les décideurs diminuent le risque de voir émerger quelque problème dans la suite du processus.

MB : Du point de vue méthodologique, nous recourons à une combinaison de deux méthodes, à savoir enquêtes en ligne et entretiens individuels, ce qui rend notre approche unique. Bénéficier successivement de ces deux éclairages – l’un quantitatif et l’autre qualitatif – permet d’identifier les priorités dans un premier temps puis d’obtenir une vue très fine des besoins des citoyens dans un second.

 

Pourquoi les autorités communales devraient-elles utiliser vos services plutôt que d’interroger leurs citoyens par elles-mêmes ?

GP : Les décideurs ont bien sûr diverses occasions de consulter leurs citoyens, que ce soit via des workshops ou des entretiens individuels, par exemple. Néanmoins, ces moments d’échange ne leur permettent pas d’obtenir une vision holistique des besoins de la population. Notre méthode standardisée repose quant à elle sur une analyse démographique permettant de sonder un public que les communes ne parviennent généralement pas à toucher par des moyens traditionnels. En effet, nous veillons à interroger toutes les catégories de la population : des enfants aux personnes âgées en passant par les travailleurs ou encore les personnes porteuses d’un handicap. C’est une approche inclusive qui délivre des résultats réellement représentatifs en six à huit semaines seulement.

Une approche inclusive qui délivre des résultats réellement représentatifs

GW : Précisons que nous proposons nos services dans toutes les langues officielles du pays ainsi que dans d’autres langues très usitées comme l’anglais, le portugais ou encore l’italien. Il est primordial pour la fiabilité des résultats que les sondés ne se sentent pas entravés par la barrière de la langue.

MB : Enfin, nous assurons un processus parfaitement objectif étant donné que nous n’avons ensuite aucune responsabilité dans l’aboutissement du projet. C’est donc en toute neutralité que nous remettons un rapport aux planificateurs et autorités compétentes au terme de notre intervention. Le rapport en question, d’ailleurs, passe aussi entre les mains de nos spécialistes du marketing et est visuellement présenté de manière à pouvoir être utilisé dans la communication de la commune.

 

Cette année, vous avez pu appliquer votre méthode pour l’exposition LUGA. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce processus ?

GP : En effet, la LUGA asbl, en collaboration avec la Ville de Luxembourg, a recouru à notre service pour remettre en valeur le parc Odendahl, au Pfaffenthal, à l’occasion de l’événement qui aura lieu l’an prochain. Nos équipes ont commencé par identifier les multiples profils affectés par le projet : des sportifs, des enfants et leurs parents, des touristes, des promeneurs de chiens, etc. Nous avons ensuite soumis notre enquête à un échantillon représentatif de ces différents publics. Au total, nous avons sondé 348 personnes, dont 101 résidents du quartier, ce qui représente 8% de sa population totale. Les entretiens organisés par la suite nous ont permis de les interroger sur des détails très pratiques et d’affiner notre rapport. Finalement, ce processus a permis de dissiper les doutes des organisateurs qui ont désormais toutes les cartes en main pour répondre aux besoins des citoyens et aborder les prochaines étapes avec assurance.

 

Comment envisagez-vous le développement de votre offre dédiée au secteur public ?

GW : En tant « qu’experts des citoyens », nous sommes prêts à poursuivre notre collaboration avec les communes luxembourgeoises, mais aussi à accroître nos effectifs pour mener davantage de projets simultanément, que ce soit au Grand-Duché, dans la Grande Région ou à l’étranger, et ce dans nos quatre domaines d’activité. Nos spécialistes en stratégie, par exemple, développeront les ateliers d’idéation à destination du secteur public. Nos experts en communication, eux, souhaitent promouvoir « Explain », un produit spécialement développé pour les communes et grâce auquel elles ont l’opportunité de diffuser des informations sur des sujets complexes via une communication conviviale, efficace et cohérente, diffusée au bon moment et via les bons canaux. Leur approche met l’accent sur la visualisation et un langage accessible grâce à des animations, des visuels inspirants, des cartes ou autres vidéos. C’est une manière d’intéresser la population aux questions qui semblent à première vue compliquées ou ennuyeuses et qui favorise la confiance et la compréhension.

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