Cloud: des solutions multiples et hybrides plus que jamais adaptées!
Si l’informatique en nuage se déploie à vitesse grand V, son adoption au Luxembourg demeure plus lente que chez ses voisins européens. Pourquoi? Qu’est-ce qui pousse aujourd’hui les organisations à accélérer le mouvement? Et, surtout, comment appréhender au mieux la migration? Quentin Bechoux, Cloud Transformation Senior Manager, et Stéphane Zema, Consulting Director & Cloud transformation Leader chez PwC Luxembourg, répondent à ces questions.
Globalement, où en sont les organisations luxembourgeoises dans leur transformation cloud?
SZ: Le Luxembourg présente un certain retard par rapport à plusieurs autres pays européens, avec des secteurs plus avancés que d’autres. Nous constatons que le secteur financier, en particulier, commence à progresser rapidement, en partie grâce aux récentes évolutions réglementaires. Tandis que certaines organisations luxembourgeoises ont déjà migré l’ensemble ou une grande partie de leur informatique vers le cloud, que se soit Microsoft Azure ou Amazon Web Services (AWS), d’autres restent encore en phase de réflexion sur leur stratégie. Toutefois, cette situation devrait évoluer rapidement, notamment avec l’émergence d’initiatives locales, telles que « Clarence », qui devraient encourager certains acteurs encore réticents à accélérer leur transition vers le cloud.
Qu’est-ce qui pousse les organisations à se tourner davantage vers le cloud?
QB: La réponse tient en quelques mots: coût, agilité, accessibilité, rapidité, collaboration, innovation, évolutivité et résilience. Une migration adéquatement opérée dès le départ permet de réaliser des économies. Une entreprise qui mise sur des logiciels «on-premises», c’est-à-dire installés dans son environnement propre, doit investir dans des serveurs, ce qui représente un coût initial et opérationnel conséquent. En recourant au cloud, elle économise non seulement en passant d’un modèle CAPEX et OPEX à du OPEX complet, mais elle bénéficie aussi d’une infrastructure agile capable de suivre rapidement ses évolutions: ajouter ou supprimer des ressources ne prend que quelques minutes avec des outils de cloud public et, en cas de coup dur, aucun matériel ne lui reste sur les bras et ne lui coûte de l’argent.
SZ: Le cloud offre avant tout aux organisations la possibilité de repenser leurs modèles d’affaires et de transformer leurs processus internes afin de créer de la valeur métier. Cette plateforme leur permet d’explorer de nouveaux concepts sans avoir à engager d’importants investissements initiaux, puis de déployer de nouveaux services numériques auprès de leurs clients plus rapidement que jamais. Cette agilité est cruciale dans des secteurs où l’innovation rapide peut faire la différence entre un leader de marché et un suiveur. Le cloud joue ainsi un rôle de catalyseur, aidant les organisations à atteindre leurs objectifs stratégiques en leur fournissant les outils et les capacités nécessaires pour réaliser leur vision à long terme.
Pourriez-vous nous éclairer sur les modèles de cloud que les acteurs luxembourgeois ont mis en place?
SZ: Les organisations privilégient fréquemment le cloud public, par exemple celui de Microsoft ou d’Amazon, pour répondre à de nouveaux besoins et développer de nouvelles solutions, cherchant à générer rapidement de la valeur sans entreprendre de longs projets de transformation. Une fois qu’elles ont acquis une certaine maturité, elles envisagent alors la possibilité de déployer leurs solutions existantes vers le cloud lorsque cela fait du sens. En effet, la simple migration « lift-and-shift » des applications vers le cloud n’est généralement pas un objectif recherché. Elles préfèrent transformer leurs applications pour les rendre « cloud-native », afin de profiter d’avantages tels qu’une meilleure résilience, une intégration plus fluide entre les applications et une scalabilité accrue. De façon générale, il est primordial d’élaborer une stratégie cloud à long terme qui prenne en compte les objectifs stratégiques, les solutions et technologies en place, les compétences internes, ainsi que les aspects réglementaires et légaux. Selon les cas d’utilisation, il sera nécessaire de définir des règles claires pour sélectionner les plateformes les plus adaptées (cloud public, privé, hybride, souverain) en fonction des besoins spécifiques.
La sécurité des données n’est-elle donc plus une entrave au développement du cloud?
QB: Ce qui a freiné le recours au cloud public en particulier est la croyance – erronée – qu’il n’est pas suffisamment sécurisé. Les opérateurs comme Amazon Web Services (AWS) ou Microsoft déploie pour ainsi dire une armée de spécialistes pour assurer la sécurité de ses produits, des ressources que toute autre entreprise ne pourrait jamais allouer à son cloud privé. D’ailleurs, 99% des problèmes de sécurité survenant dans le cloud public sont le fait d’une erreur humaine liée à une mauvaise utilisation ou configuration de l’outil. Seul le pourcent restant est à attribuer au fournisseur de service, ce qui en fait finalement la solution la plus sûre! Néanmoins, le fait que les grands acteurs du cloud soient américains (Microsoft, AWS, Oracle, etc.) demeure un souci pour les organisations traitant des données sensibles telles que les sociétés financières ou les gouvernements. C’est la raison pour laquelle se multiplient des solutions de cloud souverain. Pour ne mentionner qu’une initiative luxembourgeoise, citons Clarence, joint-venture de Proximus et LuxConnect. Basée sur la technologie de Google mais opérée et gérée localement, elle offre la garantie qu’aucune donnée ne s’échappe du Grand-Duché.
Cloud souverain ou non, l’autre facteur important est le chiffrement des données. Jusqu’à présent, les clés de chiffrement étaient gérées directement depuis le fournisseur. Aujourd’hui, des solutions qui permettent de garder le contrôle de ces clés ont été mises sur le marché. De cette façon, le fournisseur n’a accès qu’à des données chiffrées dont il ne pourrait rien tirer.
Associé à différents fournisseurs, PwC Luxembourg accompagne ses clients dans l’élaboration d’une stratégie cloud adaptée mais peut aussi leur fournir des solutions technologiques. Pouvez-vous nous en dire plus?
SZ: PwC accompagne ses clients tout au long de leur transformation cloud. Cela inclut la définition de leur stratégie, la création d’une feuille de route pluriannuelle, la détermination des exigences, et même la gestion des impacts fiscaux liés au cloud. En termes de conformité, nous fournissons une assistance pour les questions relatives à la réglementation CSSF, à la protection des données et aux aspects juridiques. Nous aidons également à la création de centres d’excellence cloud, au développement de modèles opérationnels, à la définition d’une gouvernance cloud, à la conception des architectures, ainsi qu’à l’automatisation et à la modernisation des charges de travail. Nous travaillons en étroite collaboration avec des fournisseurs cloud tels que Microsoft et Amazon et pouvons combiner diverses compétences au sein d’un même projet.
QB: Concrètement, nous aidons nos clients à amorcer leur migration grâce à une stratégie adéquate. Nous veillons particulièrement à la maîtrise des coûts ainsi qu’à la bonne allocation des ressources humaines, un enjeu clé car le cloud transforme profondément certains métiers. Quand une entreprise passe à l’informatique dématérialisée, elle bascule vers une «Infrastructure as code»: toutes les contraintes physiques liées au data center et à la connectivité étant à la charge du fournisseur, les employés qui étaient auparavant dédiés à ces tâches doivent acquérir de nouvelles compétences relatives au codage ou au chiffrement par exemple. Nous accompagnons ainsi nos clients dans l’upskilling de leurs collaborateurs et dans le recrutement de manière qu’ils disposent des profils adéquats au moment opportun. Si tout cela est primordial pour une migration réussie, les talents tendent néanmoins à manquer… Les technologies sont matures, les esprits sont ouverts, reste à cultiver les bonnes compétences et à attirer les bons profils pour accélérer la migration au Luxembourg!
SZ: Le cloud représente une véritable transformation pour les entreprises, leur permettant de se réinventer. Les solutions existent et les compétences sont à portée de main. Il appartient maintenant aux entreprises de définir une stratégie claire et de progresser avec agilité.