Approvisionner le Luxembourg en eau potable : l’engagement centenaire du SES

Depuis plus d’un siècle, le Syndicat des Eaux du Sud (SES) joue un rôle crucial dans l’approvisionnement en eau potable des communes du sud du Luxembourg. Fondé en 1908, il s’est continuellement adapté pour répondre aux besoins croissants de la population et des industries locales. Rencontre avec son directeur, Frank Wersandt.

 

Quelle est l’histoire du SES ?

Le SES a été créé le 8 juin 1908 pour résoudre les problèmes d’approvisionnement en eau potable des localités du bassin minier du Luxembourg. À cette époque, les communes du sud ne disposaient pas de ressources suffisantes pour accompagner la croissance démographique due à l’essor de l’industrie sidérurgique. Pierre Braun, commissaire de district, et Louis Klein, ingénieur-chef auprès des services agricoles de l’État, ont été les principaux acteurs de cette initiative.

Onze communes se sont initialement regroupées pour former le Syndicat de Communes pour l’Établissement et l’Exploitation d’une Conduite d’Eau intercommunale pour les Cantons de Capellen et d’Esch-sur-Alzette, devenu le Syndicat des Eaux du Sud après la Deuxième Guerre mondiale. En 1963, le SES, la Ville de Luxembourg, le Syndicat de la Distribution des Ardennes (DEA) et l’État luxembourgeois ont fondé le Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre (SEBES), qui fournit aujourd’hui environ la moitié de l’eau potable distribuée par le SES. Depuis sa création, ce dernier a été dirigé par une série de présidents et de directeurs qui ont chacun apporté leur contribution au développement de la communauté.

Le SES dessert aujourd’hui 22 communes, couvrant une superficie de 406 km², soit approximativement 16% du territoire national. Il alimente en eau potable 240.000 habitants, représentant environ 37% de la population. Le volume annuel d’eau potable distribué est de 15.000.000 m³. Le tarif facturé aux municipalités membres est de 1,90 euros/m³, ce qui génère un chiffre d’affaires de 28,5 millions d’euros par an.

 

Quels sont vos principaux défis et missions ?

Nous assurons un approvisionnement constant en eau potable de haute qualité pour les habitants que nous desservons. Nous fournissons également les industries locales, notamment les usines sidérurgiques d’ArcelorMittal. Nous gérons une infrastructure complexe comprenant des captages de sources, des forages, des stations de pompage, des stations de traitement, des réservoirs et des conduites de distribution. L’entretien et le développement de ces infrastructures sont essentiels pour assurer la continuité et la fiabilité de notre service.

Face à la croissance démographique et aux pics de consommation, surtout durant la période estivale, nous devons adapter nos capacités et optimiser notre réseau. Cela inclut des projets d’envergure, comme l’installation de nouvelles conduites et la modernisation des équipements existants.

La protection de nos ressources en eau est un autre défi crucial. Les règlements grand-ducaux nous obligent à maintenir une surveillance étroite des zones de protection des sources pour éviter toute contamination. L’analyse des risques et la mise en œuvre de mesures spécifiques sont indispensables pour prévenir la pollution de la nappe phréatique. En collaboration avec les agriculteurs locaux, nous travaillons à réduire l’usage des produits phytosanitaires et à promouvoir des pratiques agricoles durables. La prévention est essentielle car, une fois polluée, la nappe phréatique peut mettre 25 ans à se régénérer.

Nous nous engageons à protéger nos ressources en eau pour les générations futures tout en répondant aux besoins actuels

L’entretien et le développement de nos infrastructures représentent également un challenge constant. Le vaste réseau de conduites, réservoirs, stations de pompage et de traitement nécessite des investissements continus pour rester opérationnel et efficace. Des projets d’envergure, comme l’installation de conduites de distribution supplémentaires et l’assainissement des sources, sont essentiels pour garantir la redondance technique et l’augmentation de la capacité. Par exemple, l’installation d’une nouvelle conduite de distribution entre le Rébierg et Sanem, estimée à 20 millions d’euros, est cruciale pour assurer la fiabilité de notre réseau.

Finalement, la cybersécurité et la préparation à un scénario de blackout sont des défis de taille pour nous. En tant que gestionnaire d’infrastructures critiques, nous devons protéger nos systèmes contre les cyberattaques. Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR) pour renforcer nos défenses et nous conformer aux normes européennes de sécurité des réseaux. En cas de coupure de courant, nous avons mis en place des dispositifs et des procédures spécifiques pour garantir un approvisionnement en eau potable pendant au moins 72 heures. Cela inclut des générateurs de secours et des réserves d’eau suffisantes pour assurer la continuité du service.

 

Concrètement, comment fonctionnent les stations ?

Nous exploitons trois stations de production de bioxyde de chlore (Koerich, Dondelange et Rébierg) pour désinfecter les eaux distribuées et garantir qu’aucune contamination bactérienne ne puisse survenir pendant le transfert de l’eau dans les conduites. Le bioxyde de chlore présente des avantages en matière d’efficacité, de goût et de réduction nette d’éventuels sous-produits. Il diminue également la formation de biofilms dans les conduites. La teneur en bioxyde de chlore dans l’eau distribuée est réduite au minimum et contrôlée en ligne à des points stratégiques du réseau.

À Koerich, la station combine filtration à charbon actif, désinfection au bioxyde de chlore et contrôle en ligne par cytométrie de flux. Cette méthode permet de minimiser la désinfection sans risque, fournissant des résultats en 30 minutes au lieu de 18 heures. Le réservoir Rébierg assure la désinfection au bioxyde de chlore et la déferrisation des eaux de deux forages-captages. La station de Dondelange combine désinfection au bioxyde de chlore, station d’ultrafiltration et filtration à charbon actif. La sous-station de pompage à Leesbach utilise la désinfection UV des eaux distribuées vers Greisch.

L’eau du robinet est la denrée alimentaire la plus contrôlée. Nous continuons d’optimiser cette démarche en matière d’assurance qualité pour garantir à nos clients un approvisionnement continu en eau potable répondant aux exigences de la loi du 23 décembre 2022 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Nos services de production et de qualité prélèvent plus de 3.000 échantillons par an et près de 70.000 paramètres sont analysés chaque année dans notre système de gestion des résultats. En 2023, nous avons contrôlé 29.195 paramètres dans les eaux distribuées, contre 4.930 prescrits par la réglementation, atteignant un taux de conformité de 99,98 %.

La législation prévoit que chaque fournisseur d’eau potable effectue une évaluation des risques. Depuis 2018, nous utilisons LuxWSP, développé par l’Administration de la Gestion de l’Eau, pour réaliser cette analyse sous la forme d’un « Water Safety Plan ». Cet outil identifie tous les dangers potentiels depuis le captage jusqu’aux points de conformité. Nos efforts en la matière ont été récompensés par la remise du label « Drepsi Gold » en mars 2023, informant les consommateurs sur le degré de maîtrise des menaces de nos infrastructures, indépendamment de la qualité de l’eau.

 

Comment intégrez-vous la durabilité dans vos pratiques quotidiennes ?

Le respect de l’écologie est au cœur des missions du Syndicat des Eaux du Sud. Nous nous engageons à protéger nos ressources en eau pour les générations futures tout en répondant aux besoins actuels. Cette démarche passe par la promotion de pratiques agricoles pérennes, telles que la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires et l’introduction de cultures alternatives comme le miscanthus, utilisé pour notre nouveau système de chauffage à Koerich.

Nous investissons également dans des technologies innovantes pour améliorer la qualité de l’eau et diminuer notre empreinte écologique, comme l’utilisation du bioxyde de chlore pour la désinfection et la mise en place de systèmes de filtration avancés. La coopération étroite avec les agriculteurs de la région et les organismes de conseil renforce notre capacité à protéger les zones de captage contre la pollution. En optimisant nos infrastructures et en adoptant des solutions de gestion des eaux usées, nous veillons à ce que notre impact environnemental soit minimal tout en assurant un approvisionnement en eau potable sûr et fiable pour tous nos usagers.

 

Pouvez-vous nous parler de la journée « Portes Ouvertes » 2024 ?

Le SES ouvre ses portes le 21 septembre prochain pour une journée exceptionnelle dédiée à la découverte de ses infrastructures, de ses missions essentielles et de ses activités. Nous vous invitons à venir explorer notre exposition « Themaqua », conçue pour un public à partir de 12 ans, qui vous présentera de manière didactique tout le parcours de l’eau potable, depuis sa source jusqu’au robinet.

Profitez de cette occasion unique pour visiter une source ainsi que notre grand réservoir du Rébierg. L’équipe du SES sera présente pour vous accueillir, répondre à vos questions et partager sa passion pour la gestion et la préservation de cette ressource vitale. Nous avons hâte de vous rencontrer et d’exprimer avec vous notre engagement pour un approvisionnement en eau potable sûr et durable pour tous.

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