15 années pour l’inclusion sociale par le logement
La Fondation pour l’Accès au Logement (FAL) est le gestionnaire de l’Agence Immobilière Sociale (AIS) qui œuvre à l’inclusion sociale par le logement. Créée en 2009, l’AIS est le fruit d’une idée qui a mûri durant presque une décennie. Son directeur, Gilles Hempel, revient sur la création de la Fondation et retrace son parcours après 15 années d’existence.
Quelles sont les origines de l’AIS ?
Ses origines remontent à peu près au tournant du millénaire. La situation du logement n’était pas aussi grave qu’aujourd’hui mais la pénurie s’approchait à grands pas. D’ailleurs, les logements sociaux n’existaient pas ou très peu au Grand-Duché. Pourtant, déjà à l’époque, il était très difficile pour les personnes aux revenus modestes de se loger sur le marché immobilier luxembourgeois. De plus, les travailleurs sociaux constataient que leurs efforts vis-à-vis des plus vulnérables étaient vains. En effet, il est difficile de sortir d’une détresse psychologique, d’une dépendance à la drogue, de trouver un travail ou une formation lorsque l’on n’a pas de domicile adapté.
C’est ainsi que, à partir de 2000, plusieurs assistants sociaux ont organisé des groupes de travail et des plateformes afin de discuter d’une agence immobilière sociale au Luxembourg, à l’image du modèle qui existait en Belgique. Grâce à ce système, les travailleurs sociaux peuvent se concentrer sur leurs activités et leur cœur de métier, tandis que l’agence s’occupe du volet logement. Ce dernier est primordial mais n’est pas une fin en soi, c’est un moyen de favoriser l’inclusion sociale
Cependant, l’AIS a été créée presque dix années plus tard, en 2009. Pourquoi ?
L’idée de l’AIS a d’abord été reprise dans le Plan d’Action National pour l’Inclusion Sociale (PANincl.) en 2003, puis est devenue une priorité politique dans la mouture 2006-2008 du PANincl., maintenue dans la suivante (2008-2010) avant de voir le jour en 2009. Durant toutes ces années et alors que la problématique du logement s’aggravait, la Wunnengshëllef et EAPN Lëtzebuerg, la branche luxembourgeoise du European Anti Poverty Network, ont promu l’AIS et revendiqué la création d’une telle agence.
Nous sommes le pionnier mais également l’acteur majeur de la gestion locative sociale au Grand-Duché
Au cours du deuxième semestre de 2008, les ministères de la Famille et du Logement ont proposé à la Wunnengshëllef et EAPN Lëtzebuerg de créer ensemble une fondation susceptible de gérer l’AIS et qui, dès la création de l’entité juridique, pourrait recevoir un financement sur base d’une convention avec l’État. La Fondation pour l’Accès au Logement (FAL) a été fondée le 3 février 2009 et, le 28 septembre, l’AIS a finalement ouvert ses portes. J’ai été la première personne recrutée par le conseil d’administration pour structurer l’agence. Son bureau se trouvait dans le local d’une autre association à Bonnevoie et nous avons donc dû démarrer l’aventure à partir d’une page blanche, avant de nous installer dans notre bâtiment actuel à Hamm.
En parallèle, nous avons progressivement ouvert des antennes sur le territoire ; d’abord à Parc Hosingen, Rodange et finalement à Wasserbillig. Cela nous permet d’être au plus proche de nos bénéficiaires et des habitations que l’on nous confie.
Peut-on considérer l’AIS comme pionnière de la gestion locative sociale (GLS) au Luxembourg ?
Nous sommes le pionnier mais également l’acteur majeur de la gestion locative sociale au Grand-Duché. Nous sommes fiers du chemin parcouru. En tant que Fondation, l’idée n’était pas d’avoir un maximum de parts de marché, mais de promouvoir une idée et de la développer.
Fort du succès de l’AIS, l’État a généralisé le principe de gestion locative sociale pour mobiliser les logements inoccupés et les mettre à disposition des ménages temporairement en difficulté financière. Quelque 1.300 biens sont ainsi concernés par le marché de la GLS, dont environ un tiers est aujourd’hui géré par l’AIS. De plus, en tant que bailleur social, nous assurons la gestion de 300 logements communaux, étatiques et propres qui ne tombent pas sous le champ d’application de la GLS.
Au fil des années, l’AIS a été rejointe progressivement par une trentaine d’autres acteurs aujourd’hui tous conventionnés par le ministère du Logement. Certaines communes s’occupent du volet logement elles-mêmes, mais la moitié d’entre-elles préfèrent travailler avec l’AIS. Cela leur permet de se concentrer davantage sur leurs missions principales.
Vous vous êtes également lancés dans la promotion immobilière sociale avec Abitatio…
En dix ans d’activité, nous avons constaté que l’envolée des prix de l’immobilier ne laissait aucune chance de se loger aux plus démunis. De ce fait, il fallait agir en tant que promoteur afin de devenir propriétaire et d’offrir des baux à durée indéterminée et à des prix abordables. Nous avons donc lancé Abitatio en 2019, un promoteur social créé au sein de la FAL. Cette entité est aujourd’hui dirigée par l’actuel directeur adjoint : Tom Nilles. Nous avons engagé davantage de personnel afin de nous occuper d’Abitatio. Construire et gérer des logements sont deux métiers totalement différents. Notre expérience en matière de gestion, en plus de la promotion immobilière sociale, nous permet de proposer des services de qualité.
Malgré les dernières années difficiles et marquées par les crises sanitaire et énergétique, nous avons déjà développé une cinquantaine de logements. Ceux-ci pourront être attribués de façon indéterminée à nos bénéficiaires qui, malgré leurs efforts, ne peuvent pas se loger sur le premier marché immobilier.
L’encadrement social fait aussi partie de vos priorités. Quelles sont ses missions ?
C’est aussi en 2019 que nous avons densifié nos ressources au niveau de l’accompagnement social qui était, jusqu’à cette date, exclusivement effectué par des services externes ; d’où la création d’un service interne qui s’est développé au fil du temps.
Le projet d’inclusion sociale par le logement est véritablement le cœur de notre métier. Nos demandeurs se trouvent dans une détresse liée au logement, mais pas seulement puisqu’ils rencontrent la plupart du temps des problèmes divers. Ces derniers (endettement, addiction, maladie, etc.) ont une influence sur le logement, le bien-être, la santé ou la vie en général de la personne suivie.
Nous serons toujours du côté des plus démunis pour leur offrir une solution de logement et les aider dans leur intégration
Chaque projet est différent et nécessite un accompagnement social sur mesure. Le but est d’améliorer la situation du bénéficiaire à tous les niveaux et de favoriser son autonomie afin qu’il puisse trouver, en fin de parcours, un logement sur le premier marché immobilier. Cet idéal n’est cependant pas toujours atteignable. Il arrive que certains de nos bénéficiaires soient issus d’autres cultures ou d’autres pays. Ceux-ci n’ont parfois jamais été confrontés à l’utilisation du chauffage dans une habitation. Nous sommes alors en mesure de leur apprendre les bonnes pratiques.
Quel regard portez-vous sur les 15 années d’existence de l’AIS et sur l’impact de vos activités sur la société luxembourgeoise ?
La « startup » de 2009 s’est transformée en moyenne entreprise en 2024 puisque nous comptons plus d’une cinquantaine de collaborateurs dans nos rangs. C’est le signe que la situation immobilière ne s’est pas améliorée avec le temps. Les habitants ont toujours besoin de nos services. Force est de constater que notre population cible croît d’année en année et que, malgré les crises que nous traversons, nous serons toujours du côté des plus démunis pour leur offrir une solution et les aider dans leur intégration.
Nous célébrerons d’ailleurs notre 15e anniversaire le 26 novembre en organisant une grande conférence internationale sur le logement abordable au Forum Geesseknäppchen. Nous sommes en pleins préparatifs de cet événement qui réunira différents experts de la question à l’échelle européenne.