Une production d’énergie dans le vent

L’énergie éolienne, celle produite à partir du vent, est une alternative durable aux énergies fossiles. À l’instar du photovoltaïque, c’est un moyen d’utiliser des ressources naturelles et illimitées de manière responsable. Aujourd’hui, les éoliennes sont d’ailleurs de plus en plus performantes et de mieux en mieux intégrées à leur environnement. C’est pour aborder ces sujets que nous avons rencontré Paul Zeimet, CEO de Soler.

 

Pouvez-vous nous présenter Soler et ses activités ?

Soler est née d’une joint-venture entre SEO et Enovos en 2001. Elle a été créée à l’origine avec l’objectif de reprendre les centrales hydrauliques d’Esch-sur-Sûre, de Rosport et d’Ettelbruck qui appartiennent à l’État luxembourgeois. Ces infrastructures sont d’ailleurs encore exploitées par Soler à ce jour. Depuis 2011, l’entreprise est aussi devenue un moteur du développement des énergies renouvelables au Luxembourg, avec une attention particulière sur l’énergie éolienne ; le volet solaire étant, pour sa part, géré par Enovos, bien que des synergies se créent entre les parcs photovoltaïques et éoliens. Les deux entités interagissent afin de multiplier les solutions à ce sujet.

Une mission plus que réussie puisque les objectifs fixés pour l’énergie éolienne par le Grand-Duché via le NREAP (National Renewable Energy Action Plan) pour l’année 2020 ont été atteints et même dépassés. Dans le nouveau PNEC (Plan national intégré en matière d’énergie et de climat) adopté en 2023, de nouveaux objectifs plus ambitieux ont été fixés pour 2030 et tout laisse à penser que nous devrions y parvenir également. Concrètement, l’objectif est passé, pour l’énergie éolienne, d’une production de 674 GWh à 1.043 GWh. Ces chiffres nous permettent de faire une projection pragmatique, par exemple lorsque nous échangeons avec les communes et les responsables politiques locaux au sujet du potentiel pour l’implantation d’éoliennes. Cela fait partie de notre volonté de transparence totale envers la population.

 

En quoi le Grand-Duché représente-t-il un territoire spécifique pour votre activité ?

Ses dimensions modestes impliquent une certaine limitation dans l’extension des parcs éoliens que nous pouvons mettre en place. Autrement dit, les espaces disponibles ne nous permettent pas d’envisager le déploiement de douzaines d’éoliennes en un seul parc, comme cela peut être le cas chez nos voisins français ou allemands. Pour autant, la complexité de la mise en œuvre d’un projet n’est pas conditionnée par le nombre d’éoliennes. Il faut compter entre cinq et dix ans entre le début d’un projet et sa mise en opération.

Nous ne faisons aucun compromis sur la protection de l’environnement

Néanmoins, ces dimensions restreintes sont aussi une force, car elles permettent d’avoir un réseau parfaitement géré et pleinement opérationnel, pour un rendement maximal. Il faut bien comprendre que par exemple l’implantation d’un projet avec une éolienne coûte plus de 6 millions d’euros et constitue un investissement qui doit être rentable.

 

Quels projets vous occupent particulièrement aujourd’hui ?

Nous sommes toujours en contact avec les communes, mais aussi avec des acteurs privés afin de déterminer de potentielles zones d’implantation. Une partie de plus en plus importante de notre activité consiste également à remplacer les infrastructures existantes par des éoliennes de nouvelle génération plus performantes. C’est ce que l’on nomme le repowering. Il faut savoir que les premières éoliennes installées au Luxembourg datent de 1996 et qu’elles ont été remplacées au fur et à mesure. Cela permet non seulement de renouveler le parc, mais aussi de réduire le nombre d’éoliennes dans un paysage donné, tout en augmentant la production. En effet, aujourd’hui, une éolienne de nouvelle génération permet de produire autant d’énergie que 20 anciennes éoliennes. Cela change donc considérablement la carte de répartition des infrastructures. Théoriquement, les objectifs de l’année 2030 pour l’énergie éolienne pourraient être atteints avec une cinquantaine d’éoliennes de toute dernière génération.

 

Comment les communes se positionnent-elles à ce sujet ?

Je dois dire que les responsables communaux sont en général très ouverts au dialogue et à l’analyse de ce qui est faisable sur leur territoire. Ils en sont souvent demandeurs. Ils ont bien sûr beaucoup de questions relatives à l’impact sur les populations, sur la faune et sur la flore. Or, notre règlementation à cet égard est claire et très stricte, nous pouvons donc leur apporter des garanties. Comme nous construisons les éoliennes, mais que nous les exploitons et les entretenons aussi, c’est pour eux l’assurance d’une certaine tranquillité d’esprit.

 

Quel est votre positionnement face aux critiques évoquant un risque environnemental ?

Des experts agrémentés procèdent à des analyses des sites potentiels en tout premier lieu. Ils établissent des études approfondies et précises sur les habitudes et mouvements de la faune. Si leur bilan est négatif, nous nous conformons à leur décision et n’utilisons pas les terrains en question. Nous ne faisons aucun compromis sur la protection de l’environnement et des habitants. Notre technologie vise justement à la création d’une société plus responsable dans sa production d’énergie et l’utilisation de ses ressources naturelles. Ce serait donc un non-sens de détériorer ces environnements avec des installations. L’éolien n’est pas un danger mais bien une technologie pleine de potentialités.

Une éolienne de nouvelle génération produit autant d’énergie que 20 éoliennes d’ancienne génération

Nous procédons aussi à des analyses avec les agriculteurs qui connaissent bien les zones d’implantation potentielles. Ce sont des interlocuteurs précieux et expérimentés avec qui nous échangeons beaucoup.

Nous sommes aussi à l’écoute des populations locales, afin de répondre à leurs interrogations sur l’impact que pourraient avoir les éoliennes et sur le respect des seuils légaux. Il faut reconnaître que la population est très rassurée par les faits et chiffres exacts que nous leur communiquons de manière transparente. La technologie actuelle a permis de grands progrès.

 

Justement, à quel point la technologie éolienne a-t-elle évolué au cours des dernières décennies ?

Si vous m’aviez interrogé il y a quinze ans sur la capacité de production des éoliennes, je n’aurais jamais pu prédire les résultats que nous obtenons aujourd’hui, notamment en termes de production par éolienne. En revanche, nous parvenons à certaines limites naturelles. Il ne faut pas s’attendre à un tel bond en avant dans les quinze prochaines années. Cela est dû par exemple à la taille des pales que nous atteindrons d’ici peu, avec des envergures jusqu’à 175 m de diamètre, donc une longueur de pale de 87 m. Il y a encore possiblement des progrès à réaliser sur le design des pales, mais le gain d’efficience sera moins grand. Là où l’évolution est forte, c’est sur la réduction du bruit des infrastructures par exemple. Évidemment, l’intelligence artificielle nous permet aussi de grandes avancées. En 2024, une de nos éoliennes sera équipée d’un système de détection des oiseaux. Ainsi, elle sera capable de s’arrêter elle-même si elle détecte des oiseaux qui volent dans les parages. Notre objectif est toujours de minimiser tout risque d’impact de l’implantation d’éoliennes sur la faune aérienne.

 

Au regard des enjeux liés à la mobilité électrique, vous considérez-vous comme un acteur incontournable de la transition énergétique ?

Effectivement, si l’on regarde les objectifs liés à la mobilité durable qu’a fixé le gouvernement, et l’essor actuel des véhicules électriques, nous sommes investis au premier plan dans l’approvisionnement en électricité renouvelable produite au Luxembourg. Il faudra bien alimenter les bornes de recharge qui émaillent de plus en plus le pays. L’éolien est un élément important bien sûr, mais aussi le photovoltaïque qui connaît un boom. Si l’on regarde les chiffres, la production d’énergies renouvelables au Luxembourg, cette dernière couvre depuis 2021 la consommation privée du pays, donc celle des ménages.

 

Le Grand-Duché dispose-t-il des ressources humaines pour assurer le développement de ces technologies ?

Il n’est pas toujours facile de trouver des ingénieurs et techniciens ayant toutes les compétences nécessaires. Mais nous avons tout ce qu’il faut pour les attirer à nos côtés, à commencer par une mission d’intérêt public, celle d’assurer la transition et donc l’avenir énergétique de nos sociétés. Nos collaborateurs s’identifient fortement à cette mission tout comme aux valeurs de Soler, et nous sont très fidèles. De notre côté, nous les formons en continu afin qu’ils puissent exercer leur métier dans les meilleures conditions.

 

Demain, quelles perspectives pour l’entreprise ?

Nous sommes très à l’écoute des mesures qui seront prises par le nouveau gouvernement. Nous espérons que ses décisions permettront d’accélérer les procédures de mise en place et tout en nous permettant d’en augmenter encore la transparence. Et nous souhaitons par exemple poursuivre comme thèmes d’avenir la production d’énergie éolienne dans le cadre de zones d’activités économiques ou industrielles ou encore le stockage d’énergies renouvelables. En bref, il existe encore un potentiel de développement.

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