Le nouveau « forma » architectural
Le paysage architectural luxembourgeois se dessine et se redessine constamment, au gré de l’évolution de la société. Les bureaux d’architecture évoluent eux aussi pour mieux faire face aux défis de demain, à l’instar de forma, nouveau cabinet né de la fusion entre WeB et G+P Muller. Nous avons rencontré Laury Mersch, Jean-Claude Welter, Guittou Muller et Maurice Bley, architectes associés de cette nouvelle structure.
Qu’est-ce qui a mené à la création du cabinet d’architecture forma ?
GM : Je crois qu’à l’origine c’est une réflexion sur notre métier, sa forte évolution et ses défis qui nous a poussés à envisager la fusion de nos deux cabinets d’architecture. Nous avons aujourd’hui besoin de spécialisation car les règlementations se sont considérablement alourdies. En conséquence, les bureaux de petites tailles peinent à répondre à toutes les contraintes de ce nouveau cadre de travail. J’ai moi-même repris le cabinet de mon père (G+P Muller), avec lequel j’ai collaboré durant 20 ans, un cabinet qui existait depuis près de 55 ans. À son départ à la retraite, je me suis interrogé sur la viabilité d’une entreprise que je dirigerais seul. C’est ainsi que l’idée d’un rapprochement avec WeB est née. Nous travaillions déjà ensemble sur certains concours et Jean-Claude et moi-même avons fait nos études ensemble.
JCW : De notre côté, l’agence WeB a été fondée par Maurice Bley et moi-même en 2004. Laury nous a rejoints comme associée par la suite, en 2012. Comme Guittou vient de le dire, nous subissions aussi certaines contraintes liées à l’évolution du métier et, puisque nous partagions une vision commune, nous avons décidé de créer Forma qui rassemble toutes nos compétences.
LM : Pourquoi forma ? Ce fut le fruit d’une longue recherche. Il n’est pas toujours facile d’être original dans le choix du nom. Nous ne voulions pas un nom qui reprenne les initiales de chaque associé, plutôt quelque chose de neutre qui évoque notre capacité à produire différents formats, en adéquation avec les besoins de nos clients.
Pouvez-vous nous présenter le cabinet, son activité, ses clients ?
GM : Nous sommes une trentaine de personnes au total, réparties entre deux adresses : au centre-ville, à Clausen, qui est le siège social, et à Grevenmacher. Cela nous permet d’être bien positionnés dans le pays et de garder une proximité avec l’Allemagne, d’où viennent certains de nos employés.
LM : De la fusion a émergé une certaine complémentarité, ce qui nous permet de servir des clients à la fois publics, comme des communes ou des écoles, et des clients privés. Nous pouvons donc répondre à tout type de projet, de toute envergure.
JCW : Nous aimons les projets un peu « hors-normes », ce qui nous distingue quelque peu des autres cabinets d’architecture. Nos clients se tournent vers nous car ils aiment l’architecture et savent qu’ils auront face à eux des professionnels toujours guidés par cette passion pour le trait architectural.
Si l’on devait retenir trois mots clés qui vous définissent, quels seraient-ils ?
GM : Nous avons des affinités communes en termes de styles, mais je dirais « volume », pour le travail géométrique des espaces, « lumière », qu’elle soit naturelle ou artificielle, et « matériaux » innovants, qui sont finalement trois composantes fondamentales en architecture.
JCW : L’architecture est un art lié à une fonction. C’est un leitmotiv qui me guide au quotidien. Autrement dit, ce doit être beau mais aussi parfaitement fonctionnel. J’ajouterais aux trois mots qu’a dit Guittou celui de « variété », car nous aimons adapter notre état d’esprit à chaque projet.
LM : Nous ne cherchons pas à avoir un style en particulier, ou que l’on reconnaisse immédiatement nos réalisations par quelques effets de style. Pour ma part, j’aime faire entrer l’extérieur à l’intérieur.
JCW : En ce qui concerne les matériaux, c’est aussi le projet et l’environnement qui dictent celui qui sera le plus approprié. Nous les travaillons tous : le bois, le béton, l’acier… Différents facteurs entrent en ligne de compte.
GM : Chaque matériau a ses qualités propres qui répondront plus ou moins aux visées d’un projet, des qualités esthétiques, thermiques, acoustiques, etc.
En quoi forma se distingue-t-il de ses concurrents sur le marché ?
JCW : Il est important pour nous de garder un contact avec notre client tout au long du projet. Nous ne sommes pas seulement présents au départ pour ensuite déléguer les tâches. Nous nous impliquons à toutes les étapes et nous échangeons beaucoup avec nos clients. C’est une histoire de confiance aussi. Nous souhaitons garder ce rapport direct.
LM : Nous sommes un cabinet d’architecture familial, autant par son ampleur que par son fonctionnement, et nous souhaitons le rester. Une perspective qu’apprécient nos clients qui se sentent à l’aise.
GM : Nous proposons du sur-mesure à chacun de nos clients, pour toujours réagir positivement à ce qu’ils recherchent et à ce dont ils ont besoin, tout en les surprenant.
Le Luxembourg est-il un territoire spécifique pour un cabinet d’architecture ?
JCW : Même si une crise s’amorce aujourd’hui dans le bâtiment, notre pays concentre des amoureux d’architecture, qui disposent de capitaux pour faire réaliser leurs projets. Même les pouvoirs publics ou les communes sont enclins à investir une part de leur budget pour la construction même si cette dernière coûte cher et que les contraintes sont nombreuses.
GM : Malgré la crise du logement qu’évoquait Jean-Claude, nous restons un pays de bâtisseurs, où l’on construit beaucoup. Pour les architectes, c’est très intéressant. Je dirais aussi qu’au regard de la taille du pays, nous ne pouvons pas nous permettre de nous spécialiser outre mesure. En France ou en Allemagne par exemple, vous trouverez des cabinets qui se spécialisent dans les hôpitaux, dans l’habitat privé, ou encore dans les infrastructures sportives. Ce n’est pas le cas ici et cela fait la richesse de notre métier.
Peut-on évoquer certaines de vos réalisations phares ?
GM : Je vous dirais le Lycée de Junglinster, un grand projet que nous avons mené seuls, ou bien le centre culturel d’Hesperange, une salle de 300 places avec des exigences acoustiques très spécifiques comme on peut s’en douter. C’était très intéressant à réaliser.
JCW : Nos propres bureaux sont une belle référence. Nos clients sont souvent impressionnés par ce que nous sommes capables de réaliser. Sinon j’aimerais évoquer l’école de musique de Grevenmacher, un projet de rénovation/extension très moderne. Mais ce sont un peu comme nos enfants : il est dur de choisir l’un plutôt que l’autre (rires) !
En quoi votre métier a-t-il fondamentalement évolué ces dernières années ?
JCW : Le métier s’est considérablement complexifié. Il y a quinze ans, nous pouvions réaliser le double des projets d’aujourd’hui avec la moitié du personnel. Les règlementations dans tous les domaines ou bien les demandes d’autorisation font l’objet de longues démarches qui alourdissent et ralentissent le processus global. Il existe beaucoup d’articles et de règlements, parfois contradictoires, à intégrer à chaque projet. Ce sont des contraintes fortes qui mettent à l’épreuve le geste architectural. Je le regrette un peu car nous perdons en efficacité. Ce qui distinguait le Luxembourg par le passé, c’est aussi ce pragmatisme qui nous manque aujourd’hui.
GM : Au-delà de l’aspect règlementaire, c’est aussi le nombre d’étapes de conception qui s’est multiplié. Auparavant, nous réalisions des croquis, des maquettes, puis nous entamions la construction si le client était satisfait. Aujourd’hui, nous procédons d’abord à de nombreuses simulations pour analyser la quantité de lumière qui entre dans le bâtiment, de quelle façon cela influe sur la chaleur, puis nous recalculons en fonction de ces données, resimulons encore… cela ralentit le projet.
LM : Comme dans l’industrie automobile par exemple, tout est devenu extrêmement technique. L’utilisation d’outils numériques a fait entrer un nombre très important de paramètres et d’informations à prendre en compte et qui empêche la prise de décision.
GM : D’ailleurs, bien que nous disposions de tous les outils digitaux pour créer un plan, nous commençons toujours par dessiner à la main, pour l’amour de l’art, pour les sensations que cela procure. Les clients aiment disposer de ces croquis aussi, qui sortent de la main de l’homme et pas d’une machine.
Quel est le projet que vous rêveriez de réaliser ?
JCW : Il y a beaucoup de projets et ce ne seraient pas forcément de grandes réalisations par la taille. J’ai par exemple dessiné des poignées de porte pour Dorma et c’était passionnant. Donc peut-être que ce serait un projet où je pourrais m’exprimer à la fois sur l’architecture extérieure, sur le design intérieur des meubles et le paysage.
GM : Ce n’est parfois pas seulement le bâti en lui-même qui est excitant, mais plutôt le terrain. En ce sens, aller dans un pays à la topologie particulière me plairait beaucoup : une île, un désert glacé ou brûlant…
LM : Je crois que je me tournerais vers des formes d’habitat atypiques, des constructions modulaires comme les tiny houses par exemple. Des expériences architecturales qui engagent le paramètre du vivre-ensemble.
Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
JCW : Nous sommes ouverts et à l’écoute des demandes de nos clients, quel que soit le projet : urbanisme, habitat, bâtiments de service, design intérieur, etc.
GM : Avec cette nouvelle structure, nous pouvons répondre à tous les besoins, offrir tous les services sans sous-traiter. Nous disposons des spécialistes en interne.
LM : Notre client bénéficie d’un interlocuteur aux compétences multiples, c’est un confort pour lui et pour mener à bien son projet.